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Analyses

L'ESG, nouveau point d'attaque sur lequel les activistes capitalisent

Fini les seuls critères financiers: les actionnaires activistes utilisent désormais les considérations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) comme nouvel angle d'attaque pour faire valoir leurs revendications dans les entreprises et défier les dirigeants en place.

"L'année 2021 a vu la rapide prolifération de l'ESG" à la tribune des activistes, selon un rapport annuel sur l'activisme actionnarial publié par la banque Lazard mercredi.

Vrai engagement ou tactique ? Les interventions activistes ne se limitent généralement pas aux aspects purement ESG ni à la promotion de meilleures pratiques en la matière. Comme le souligne Armand Grumberg, responsable Fusions-Acquisitions Europe du cabinet Skadden, cela permet "de rallier d'autres investisseurs qui peuvent avoir dans leurs politiques d'investissement des critères ESG".

L'activiste agit principalement quand il estime que le cours de Bourse ne reflète pas la valeur de l'entreprise, à cause de la stratégie ou de la gouvernance en place. "La thématique ESG, de par son impact en termes de valorisation et de stratégie, se manifeste de plus en plus fréquemment dans les campagnes activistes", commente Rich Thomas associé gérant chez Lazard, chargé de l'activité conseil aux actionnaires pour l'Europe.

Les intrusions par le biais des questions ESG ne sont plus réservées seulement au petit groupe des pionniers de l'activisme ESG tels que les fonds Engine No.1, parvenu au printemps à faire élire trois de ses candidats au conseil d'administration d'ExxonMobil, ou encore Inclusive Capital et Impactive Capital.

"2021 a vu davantage de fonds activistes traditionnels incorporer des facteurs ESG dans leurs campagnes", souligne Lazard dans son rapport. À l'image de l'attaque stratégique opérée cet automne par le fonds Third Point, pressant Shell de séparer ses activités renouvelables de celles liées à l'exploitation des hydrocarbures.

Quête de valorisation

"Cette année, comme l'an dernier, la pression se renforce sur les entreprises pour communiquer sur leur stratégie ESG", souligne d'ailleurs M. Thomas, interrogé par l'AFP. "Pour les équipes de direction, c'est une responsabilité supplémentaire et un périmètre additionnel de risque", estime-t-il. Et pour cause: "l'ESG devient de plus en plus un levier dans la création de valeur".

Un leitmotiv repris dans plusieurs campagnes activistes à forte visibilité cet automne. Ainsi en novembre, le fonds activiste Bluebell Capital a exigé que le groupe suisse Glencore sépare le charbon du reste de ses activités dans le but d'améliorer sa valorisation. En décembre, c'était au tour du fonds Elliott d'appeler l'énergéticien britannique SSE à scinder ses activités d'énergies renouvelables et distribution d'électricité y voyant un moyen de dégager davantage de valeur pour les actionnaires.

Toujours pour le bien du cours de l'action, le fonds activiste Enkraft entré au capital de l'énergéticien allemand RWE, avait estimé en septembre que l'énergéticien devait faire sécession de ses activités de lignite.

Pression croissante en 2022

Sur les 173 campagnes recensées par Lazard l'an dernier, 31 ont intégré des questions liées à l'ESG. C'est encore peu comparé à celles concernant notamment les changements dans l'organisation de la gouvernance ou de la composition des organes de direction.

Mais "avec le renforcement des obligations liées à l'ESG qui pèsent sur les sociétés, les activistes vont intensifier leurs demandes ESG en 2022", note le cabinet Skadden. Ces requêtes, publiques et privées, "ne vont pas remplacer d'autres demandes, mais venir s'y ajouter".

"En tout état de cause, les activistes guettent les moindres fragilités et faiblesses au sein des sociétés pour ensuite s'y engouffrer", indique M. Grumberg. Ainsi gare aux sociétés qui ne seraient pas encore parfaitement prêtes sur les sujets ESG: "les activistes auront davantage tendance à appuyer sur ces points pour faire valoir leurs demandes, qui peuvent être liées, par exemple, à la gouvernance ou à la stratégie opérationnelle de l'entreprise", prévient l'expert.

Avec AFP.