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Analyses

Finance verte: pas si facile de créer un portefeuille (vraiment) durable

Lors de la COP26, le secteur financier s'est targué d'avoir 130 000 milliards de dollars prêts à être engagés dans la finance verte, mais actuellement les données manquent pour garantir que les portefeuilles soient vraiment verts.

Les critiques fusent pour dénoncer un "greenwashing", ou verdissement de façade, de la finance mondiale. Une étude du Carbon Disclosure Project (CDP) a montré que seuls 158 fonds d'investissement dans le monde, soit 0,5 % des actifs, étaient conformes à l'objectif de l'accord de Paris pour limiter la hausse des températures. L'ONG Reclaim Finance a épinglé une alliance d'acteurs financiers annoncée à la COP26 pour la neutralité carbone, mais qui n'exige pas de ses membres qu'ils cessent de soutenir l'expansion des énergies fossiles.

Que contiennent les portefeuilles d'investissement et comment sont-ils construits ? Ingrid Holmes, directrice du think tank britannique Green Finance Institute, explique les deux méthodes. La première option, simpliste et largement dominante, est de reproduire un indice boursier existant, en excluant quelques secteurs polluants. Dans la deuxième méthode, dite "active" et plus efficace, les gérants de portefeuilles choisissent précautionneusement des titres d'entreprises en fonction de leurs performances environnementales, calculées avec des critères qu'ils définissent eux-mêmes.

Des trous dans les normes

Chez le gestionnaire d'actifs Amundi, le directeur adjoint des gestions actions, Alexandre Drabowicz, et son équipe utilisent des indicateurs d'émissions de CO2 rapportées au chiffre d'affaires et suivent de près les engagements de neutralité carbone certifiés par la Science-Based Targets Initiative (SBTi), un consortium de référence réunissant experts, ONG et Global Compact de l'ONU.

La performance environnementale des sociétés, analysées individuellement, influence le poids donné à une action par rapport aux autres. Un portefeuille Amundi spécialisé dans les "valeurs durables" contient par exemple une centaine d'actions sélectionnées "principalement" parmi les 400 de l'indice de référence européen, en fonction des critères précédemment mentionnés et en excluant plusieurs secteurs, dont le charbon et les énergies fossiles.

Alexandre Drabowicz regarde également si les entreprises sont ou non sur la trajectoire d'émissions de carbone requise pour leur secteur, pour limiter le réchauffement, "mais il y a encore des progrès à faire sur la fiabilité des données".

"L'un des principaux enjeux actuellement est de pouvoir obtenir des données cohérentes et comparables, nous n'avons pas de régime de publication universel ni mondial", déplore Ingrid Holmes. Le constat est partagé par tous les experts contactés par l'AFP, mais les standards et réglementations arrivent.

A l'instar de la fondation IFRS, en charge des normes comptables internationales, qui a lancé à la COP26 une instance pour définir un cadre international de publication des performances ESG.

Ce cadre sera une avancée notable selon Marie Luchet, directrice de la zone Europe continentale de PRI (Principles for Responsible Investment), un réseau d'investisseurs soutenu par l'ONU. "Il est vraiment essentiel que nous parvenions à une normalisation", explique-t-elle.

Une autre réglementation plus qu'attendue est la taxonomie européenne, sujette à de houleuses négociations à Bruxelles : une classification d'activités durables qui vise à orienter les investissements vers les entreprises engagées dans la transition énergétique. Elle sera un gage de transparence pour les clients.

Scruter les garanties

D'un autre côté, "ce serait trop facile d'avoir un portefeuille bas carbone simplement en excluant certains secteurs, ce n'est pas comme ça qu'on va résoudre le problème des émissions de CO2", défend Alexandre Drabowicz. Exemple : son fonds "Valeurs durables" comprend des actions du leader de l'éolien Vestas, mais aussi des actions de groupes industriels pas focalisés sur les énergies vertes, tels que le laboratoire Eurofins, premier poste du fonds, ainsi que de nombreuse entreprises des secteurs immobilier et technologique.

Amundi, comme d'autres gestionnaires d'actifs, prône une démarche d'engagement auprès de l'entreprise, incitée à établir une stratégie de transition environnementale si elle souhaite rester en bons termes avec ses actionnaires. Cette pratique explique en partie que des actifs d'entreprises polluantes se retrouvent dans des portefeuilles verts.

In fine, pour les épargnants il n'y a pas de recette miracle pour trouver un placement vraiment vert, le seul conseil donné par Marie Luchet est de poser des questions : "Est-ce que le gestionnaire d'actifs vote ? Est-ce qu'il suscite un engagement de l'entreprise ? Il faut regarder toutes les pratiques".

Avec AFP.