À l’approche de la Conférence des Nations Unies sur les Océans (UNOC), prévue en juin à Nice, Corlie Glémas parcourt depuis le 26 avril la côte atlantique dans le cadre d’une initiative de sensibilisation aux enjeux océaniques et climatiques. Engagée au sein du mouvement Sport Planète (MAIF), ancienne sauveteuse à la SNSM et membre de l’association Blutopia, elle mène un projet itinérant visant à recueillir les témoignages de celles et ceux confrontés au quotidien à la montée des eaux et à l’érosion du littoral, pour porter leur voix jusqu’à l’UNOC.
Jusqu’au 13 mai, elle relie les Sables-d’Olonne à Biarritz en skate, vélo et rescue board, couvrant plus de 500 kilomètres le long de la façade atlantique. Elle reprendra ensuite la route le 25 mai pour une deuxième étape, cette fois en bateau-stop de Sète à Nice, sur 800 kilomètres de littoral méditerranéen. À cette occasion, ID l’a rencontrée pour lui poser quelques questions sur son engagement et le sens de cette aventure.
Vous partez pour plus de 1 300 km le long des côtes atlantiques et méditerranéennes à la rencontre des habitants de ses régions. Quel message souhaitez-vous porter, en leur nom, lors de la conférence de l’ONU sur les Océans à Nice ?
L’avenir des océans dépend de notre capacité à les comprendre ! L’Océan, c’est 70 % de la surface de la Terre, il absorbe 20 à 30 % de nos émissions de gaz à effets de serre et plus les émissions augmentent, plus l’Océan s’acidifie et est sous pression. Plus l’Océan est sous pression, plus tout l’écosystème qui en dépend, faune, flore, humain, sont impactés. Si l’on adopte un point de vue anthropocentré, l’Océan représenterait, à lui seul, la cinquième économie mondiale selon l’OCDE (rires).
J’ai envie que la protection de l’environnement devienne mainstream, qu’elle fasse partie de nos réflexes.
Ce que je veux en fait, c’est porter un message fédérateur autour de l’Océan et montrer que les effets du changement climatique se passent chez nous, sur nos côtes et pas seulement ailleurs. Je veux profiter de cet événement, l’UNOC, organisé en France pour souligner les effets dont la population est affectée et pouvoir avoir une tribune pour en parler en marge.
La Vendée, votre région d’origine, est particulièrement touchée par la montée des eaux. En quoi cette réalité a-t-elle influencé votre engagement et ce projet ?
On parle de 40 000 logements inhabitables d’ici 2100 en Vendée à cause de la montée des eaux. Dans l’endroit où j’ai grandi ! Je suis touchée car j’ai cette peur de me dire que j’ai vécu mon enfance sur les côtes vendéennes et ça sera impossible dans les décennies à venir.
Je veux toucher une communauté de gens auprès de laquelle je peux m’identifier et à laquelle je fais partie, les sauveteurs et les gens dans les littoraux.
J’ai été sauveteuse à la SNSM pendant 5 ans, et mon déclic a commencé quand j’ai pris conscience des apports de l’Océan sur la vie sur Terre. Ça a été progressif et je me suis engagé au fur et à mesure, j’ai envie que la protection de l’environnement devienne mainstream, qu’elle fasse partie de nos réflexes. Et pour que ce soit le cas, il faut d’abord reconnaître qu’on est déjà impacté, et qu’on le sera encore plus demain ! Et là c’est concret, ce sont des habitations des logements.
Eric Tabarly disait que "l’Océan, pour la plupart des Français, c’est ce qu’ils ont dans le dos quand ils sont sur la plage." Prenons conscience que sans l’Océan qui joue le rôle de régulateur, il ferait 50 degrés. C’est chaud non ? Quand on est sauveteurs, notre collègue c’est l’océan, et notre collègue il a de la fièvre !
Quels impacts du changement climatique sur les littoraux souhaitez-vous documenter ou mettre en avant au cours de votre aventure ?
Les habitants des littoraux sont concernés par l’érosion des littoraux, la déformation des plages, la montée des eaux. Les effets du réchauffement climatique sont aussi sur les récifs coralliens. 84 % des récifs sont endommagés à cause de l’acidification des océans et ces mêmes récifs sont le repaire de poissons, de toute une faune et de toute une flore dont nous humains, dépendons et sommes liés, que ce soit au niveau de notre alimentation ou de nos activités économiques. Les professionnels de la mer, les sauveteurs, sauveteuses, sont les témoins quotidiens du changement climatique. Je veux les aider à mettre le doigt la dessus
Autre chose, je veux toucher une communauté de gens auprès de laquelle je peux m’identifier et à laquelle je fais partie, les sauveteurs et les gens dans les littoraux. Je ne peux pas m’adresser aux gens à qui je ne m’identifie pas. Pour une fois, donnons la parole aux gens d’en bas ! C’est aussi ça la démocratie que je veux amener à l’UNOC.
Vous organisez notamment des ateliers participatifs avec des associations et des sauveteurs. Pourquoi avoir choisi ce format pour sensibiliser le public aux enjeux marins ?
La Fresque Océane, créée par Alice Vitoux en 2018, est un atelier de 3h30 qui permet de mieux comprendre le rôle crucial de l’Océan et l’impact des activités humaines, à travers six grandes thématiques : la pêche et l’aquaculture, l’industrie maritime, le changement climatique, les pollutions, la biodiversité marine et les apports de l’Océan.
Partir de la fresque permet de partir des réalités des gens pour aller vers la compréhension globale de ce qui se passe. En passant par l’affectif et l’émotionnel, le dialogue sera plus facile. J’aurai une posture d’écoute avant tout puis une posture qui permettra le questionnement. Je veux que les gens me parlent. Dans une société où règne l’incommunication, je veux écouter ce qu’ils ont à me dire via cette Fresque qui est au fond un support pour parler des réalités vécues sur le terrain.
Je fais 1 500 km pour apporter de la visibilité au sujet et donner de la visibilité aux habitants, je suis leur porte-voix et je choisis ces formats pour promouvoir les outils qui existent déjà et je ne voulais pas des outils descendants qui n’amènent pas le dialogue et l’échange. Je ne suis pas garante du contenu, mais tout le monde l’est. Tout le monde apporte son expérience personnelle.
Pour aller plus loin : "Ecologie : gagner plus, dépenser moins"
Vous êtes l’une des six aventurières et aventuriers du programme Sport Planète MAIF. En deux mots, qu’est-ce que ce programme et que vous apporte cette dynamique collective dans votre engagement pour l’Océan ?
MAIF apporte de l’énergie positive, on est pas seule à pédaler dans la semoule mais on est un collectif qui faisons des choses à notre hauteur. L’équipe des aventuriers Sport Planète s’épaule pour changer les récits par le sport.
On ne change pas d’océan comme on change de paire de baskets, on ne change pas d’environnement comme on change de raquette. Le sport ne se résume pas à la performance ou aux médailles : c’est aussi une façon de réfléchir au monde de demain, à l’océan sur lequel nous pourrons encore surfer ou nager, au littoral sur lequel nous pourrons continuer à pédaler.
Il est nécessaire de s’adapter, car pour les sportifs, l’environnement est un allié indispensable. S’il montre des signes de fièvre, de dérèglement, il devient plus difficile de progresser à ses côtés. Il est donc de notre responsabilité d’en prendre soin.
Être ancré dans le programme Sport Planète ça permet également de couvrir tout un récit autour des écosystèmes en difficulté. On est un groupe de 6 aventuriers, je parle d’Océan mais mes équipiers parlent d’alimentation, de pollinisateurs, des sols, des glaciers et de tourisme responsable.
MAIF m’aide à légitimer ma prise de parole et à être entendue. C’est aussi un partenaire de la SNSM, ce qui m’a permis d’être prise au sérieux dans la construction de mon aventure. Ils m’aident à amplifier la portée de mon message. Ça fait du bien de voir qu’on croit en nous, qu’on croit en nos combats. Et la notion d’équipe au service des performances de la planète, je me dis que c’est une inspiration qui peut nous servir pour aller plus loin.