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2030, Investir Demain

Quelles données pour évaluer l'impact d'une entreprise sur la biodiversité ?

L’analyse de la biodiversité est une tâche complexe. Elle nécessite d’accéder à des données pertinentes, mais les entreprises manquent de transparence sur le sujet - d’autant que l’ensemble de la chaîne de valeur devrait être couverte. Cette tribune s'inscrit dans le cadre du Think Tank "2030, Investir Demain", lancé par les médias ID, l'Info Durable et l'AGEFI.  

Co-fondé par Candriam au sein du Think Tank « 2030, Investir demain », le groupe de travail consacré à la biodiversité cherchera à analyser, au cours des prochains mois, « la mise en place d’une analyse granulaire et globale qui intègre les enjeux liés à la localisation des activités ». Nous livrons ainsi le fruit des travaux menés dans le cadre du premier atelier.

L'évaluation des impacts et des dépendances liés à la biodiversité exige de combiner une approche locale, focalisée sur le contexte écologique autour d'un site de production, avec une approche globale, afin de bien appréhender toutes les problématiques liées à la biodiversité dans un monde aux chaines de valeurs mondialisées.

Le sujet de l'accès aux données est en effet un enjeu primordial et éminemment complexe.

Dans cette perspective, plusieurs questions cruciales se posent : comment évaluer les impacts et dépendances au niveau local ? Comment représenter l'impact sur la biodiversité à l'échelle d'une entreprise ? Comment interpréter cet impact dans le cadre écologique où elle opère (risques hydriques, biomes forestiers, zones protégées) ? Et enfin, comment obtenir les données pertinentes pour cette analyse ?

Identifier des sites de production

Le sujet de l'accès aux données est en effet un enjeu primordial et éminemment complexe. Le premier frein identifié est celui du manque de transparence des entreprises. Pour certains secteurs d’activité (les industries minières, du ciment ou de l'acier, par exemple), les sites de production sont facilement identifiables via des outils de localisation et en raison de contraintes environnementales liées à la réglementation. D'autres secteurs en revanche, tels que ceux de la chimie ou de la fabrication de produits finis, ne sont pas soumis à ces obligations de transparence. Si des solutions techniques, comme le « web-scraping » (l’extraction automatique de données du web), peuvent pallier cette difficulté, des dispositions réglementaires imposant cette transparence aux entreprises seraient plus efficaces. C’est ce que propose le cadre LEAP (Locate, Evaluate, Assess et Prepare – en français, Localiser, Evaluer, Analyser et Se Préparer) de la TNFD (Taskforce on Nature-related Financial Disclosures).

L’accès à des données appropriées est d’autant plus complexe que l’analyse de l’impact de l’activité d’une entreprise sur la biodiversité doit être élargie à l’ensemble de sa chaîne de valeur.

Remonter dans la chaîne d’approvisionnement

L’accès à des données appropriées est d’autant plus complexe que l’analyse de l’impact de l’activité d’une entreprise sur la biodiversité doit être élargie à l’ensemble de sa chaîne de valeur. Cette complexité se renforce au fur et à mesure que l’on remonte dans la chaîne d’approvisionnement. Elle est d’abord liée à des obstacles techniques : dans l’agro-industrie en particulier, la chaîne de valeur agricole, si elle est parfois représentée par des points (comme les plantations d’huile de palme, par exemple) correspond davantage à une surface diffuse sur un vaste espace géographique – ce qui est très différent de sites de transformation de matières premières, au contour bien délimité. En outre, sur ces chaînes de valeur des matières premières agricoles, c’est à nouveau le manque de transparence des entreprises qui est un frein majeur à l’accès aux données. Quelques-unes sont bien traçables, dont par exemple l'huile de palme, le soja ou le cacao, grâce aux dispositions anti-déforestation de l’Union européenne, tandis que d’autres, telles que les amandes ou les produits laitiers, échappent à toute traçabilité malgré leurs impacts significatifs.

Découvrez le Think Tank "2030, Investir Demain". 

Une délicate cartographie des réseaux de production

La représentation, mais aussi l’interprétation de ces données dans leur contexte écologique constituent un vrai défi pour évaluer l'impact d'une entreprise sur la biodiversité. Plusieurs questions restent encore ouvertes à ce stade : comment cartographier le réseau de production d'un groupe industriel, en prenant en compte les zones de production, d’éventuelles plantations, les échanges de marchandises, et leurs impacts respectifs sur les forêts, les ressources en eau, les populations autochtones et les zones protégées ? Quelles approches cartographiques sont les plus pertinentes lorsque les enseignements à en tirer se réduisent à une décision binaire (In/Out), à un score ou à une comparaison entre acteurs ?

Les travaux de notre groupe de travail consacré à la biodiversité devront identifier des pistes de réponse, à même de permettre aux investisseurs de prendre en compte dans leur analyse de l’impact des activités des entreprises, les enjeux liés à la localisation de leurs activités.

Elouan Heurard, Analyste ESG spécialisé en Biodiversité de Candriam