Difficile de se passer de la voiture, sept Français sur dix l'utilisent pour se rendre sur leur lieu de travail, selon l'Insee. Or, le secteur des transports, plus gros émetteur de gaz à effet de serre en France, doit principalement cette place peu glorieuse au trafic routier. Pour lutter contre la pollution liée aux allers-retours domicile-travail, les pouvoirs publics encouragent notamment les entreprises à avoir recours au télétravail. Le gouvernement a ainsi assoupli la réglementation encadrant la pratique, à l'automne 2017.
Un certain nombre de sociétés se penchent sur la question mais "pas assez, même s'il y a une tendance plutôt à la hausse", observe auprès de l'AFP Jérémie Almosni, chef du service transport et mobilité à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Dans le secteur privé, 29 % des salariés ont pratiqué le télétravail de façon occasionnelle ou régulière en 2018, contre 25 % l'année précédente, selon une enquête Ifop. "C'est plutôt la notion de qualité de vie au travail qui amène les entreprises à s'intéresser à la question, sauf pour celles soumises à l'obligation d'établir un plan de déplacement", ajoute M. Almosni. Plus de 17.000 établissements sont concernés, assujettis par la loi de Transition énergétique ou par un plan de protection de l'atmosphère, selon l'Ademe.
Chez Somfy, basé à Cluses (Haute-Savoie), environ 38 % des salariés télétravaillent, jusqu'à deux jours par semaine. Le groupe a totalisé 4.785 jours de télétravail en 2018, ce qui a permis aux salariés d'éviter de parcourir 170.000 kilomètres. Avec ce dispositif, Somfy "a fait d'une pierre deux coups", répondant à la fois à un objectif "social" et de "RSE" (responsabilité sociale et environnementale), indique à l'AFP Vincent Bouchet, directeur des affaires sociales du groupe. "C'est important que les salariés sentent que l'entreprise s'inscrit dans un mouvement de fond de préservation de l'environnement, qu'elle teste et met en place différents dispositifs", complète-t-il.
"Effets rebonds"
Bien que le télétravail soit synonyme d'une réduction du nombre de kilomètres parcourus, certains facteurs peuvent estomper l'effet bénéfique sur la qualité de l'air. "Les gens vont en profiter pour effectuer d'autres déplacements, par exemple aller faire des courses ou chercher les enfants à l'école", explique à l'AFP Anne Aguiléra, chercheuse à l'Institut français des sciences et technologies des transports de l'aménagement et des réseaux (Ifsttar). Ces trajets restent généralement plus courts que celui entre le domicile et le lieu de travail, mais ils affaiblissent le bilan environnemental de la journée de télétravail. La voiture ayant été laissée au garage, d'autres membres de la famille peuvent en profiter pour réaliser des déplacements supplémentaires. "Il y a de nombreux effets rebonds, qui ont été quantifiés dans différentes études" à l'étranger, en particulier aux Etats-Unis ou au Japon, précise Mme Aguiléra. Ces travaux montrent généralement un recul limité du nombre de kilomètres effectués.
En France, Patrice Tissandier, enseignant chercheur au laboratoire Théoriser et modéliser pour aménager (Théma), a mené des travaux de simulation à l'aide d'algorithmes sur la ville de Lille. Résultat : entre 3 et 5% de réduction des émissions de gaz à effet de serre selon le scénario appliqué (taux plus ou moins élevé de télétravailleurs, télétravail à domicile ou dans d'autres lieux etc.). "C'est toujours ça de pris, mais il ne s'agit pas d'une solution miracle", constate M. Tissandier. "Il faut avoir une vision globale de la mobilité, proposer un panel de solutions afin que chaque individu puisse opter pour celle qui lui corresponde", démontre-t-il à l'AFP.
Incitation au covoiturage via le développement d'un service interne de mise en relation, à l'utilisation du vélo avec des aides à l'achat, ou encore création d'un service de navette spécifique, les options sont nombreuses, adaptées à différents budgets.
Avec AFP.