Emmanuel Macron s'était rendu en Martinique au mois de septembre dernier pour échanger avec la population locale au sujet du chlordécone.
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Environnement

Le chlordécone est-il cancérigène ? Des professeurs et des parlementaires répondent à Macron

À la suite des déclarations du chef de l'Etat, mettant en cause le possible aspect cancérigène du chlordécone, des chercheurs et parlementaires lui répondent dans une lettre adressée aux médias. Ils rappellent que si l'aspect cancérigène du produit sur l'homme n'a pas été formellement prouvé, les hypothèses avancées n'ont cependant jamais été contredites. 

Deux professeurs spécialistes du chlordécone et deux parlementaires ont répondu à Emmanuel Macron qui a estimé vendredi que cet insecticide longtemps utilisé dans les Antilles n'était pas cancérigène.

Sollicité par des élus ultramarins lors d'un grand débat à l'Elysée sur cette substance utilisée en Guadeloupe et Martinique jusqu'en 1993 pour combattre un insecte dévastant les bananeraies et suspectée d'effets toxiques pour l'homme, le chef de l'Etat a affirmé : "il ne faut pas dire que c'est cancérigène".

L'Elysée a plaidé mardi le "malentendu" dans cette déclaration d'Emmanuel Macron. En déclarant "il ne faut pas dire que la chlordécone est cancérigène", il voulait dire "les responsables politiques ne peuvent pas se contenter de dire que c'est cancérigène, ce qui ne donne aucune indication utile pour les populations exposées, mais ils doivent surtout agir", explique l'Elysée.

"Je ne dis pas qu'il n'y a pas de lien (entre le produit et des pathologies), je dis +personne ne m'a établi un lien direct+. Si on m'avait établi un lien direct, j'aurais pris les décisions qui vont avec", avait ajouté vendredi le chef de l'Etat.

Le chlordécone, classé en 1987 comme possiblement cancérogène pour l'Homme

Dans une lettre aux médias dimanche, Luc Multigner, Directeur de Recherche à l'Inserm et Pascal Blanchet, chef de service d'urologie du CHU de Pointe-à-Pitre, soulignent que "le Centre International de la Recherche sur le Cancer, une agence de l'OMS, a établi en 1979 +qu'il existe des preuves suffisantes pour considérer que le chlordécone est cancérogène chez la souris et le rat+ et qu'en absence de données chez l'homme, il était +raisonnable, à des fins pratiques, de considérer le chlordécone comme s'il présentait un risque cancérogène pour l'homme+".

En 1987, cette même institution "a classé le chlordécone dans la catégorie cancérogène 2B (peut-être cancérogène pour l'Homme)", soulignent-ils.

Une possibilité qui n'a, à ce jour, jamais été contredite

Les deux professeurs rappellent qu'ils ont publié en 2010 "des travaux de recherche menées auprès des populations antillaises et qui montraient que l'exposition au chlordécone est associée à une augmentation de risque de survenue du cancer de la prostate". "Force est de constater qu'à ce jour elles n'ont pas été contredites", ajoutent-ils.

Pour la députée PS Hélène Vainqueur-Christophe et le sénateur PS Victorin Lurel, "un faisceau d'arguments permettent d'attester d'une forte présomption de liens entre exposition au chlordécone et cancer de la prostate", disent-ils dans une lettre publique adressée mardi à Emmanuel Macron.

Ils rappellent que selon les dernières études de Santé publique France, "le taux d'incidence de cancer de la prostate en Martinique et Guadeloupe se situe parmi les plus élevés au monde". "Comme vous, nous ne disons pas qu'il existe un lien strictement direct entre exposition au chlordécone et survenue de pathologies, mais refusons que vous puissiez certifier que le chlordécone n'est pas cancérogène", ajoutent les parlementaires.

"Emmanuel Macron n'est pas un scientifique mais un responsable politique. Ce n'est donc pas à lui de dire si le chlordécone est cancérigène ou pas, ni à quelle dose ni dans quel cas d'exposition", a répondu l'Elysée, qui assure que le président de la République considère toujours, comme il l'avait dit en septembre aux Antilles, que "+l'Etat doit prendre sa part de responsabilité+, ce qui est fait avec transparence et rigueur. Il n'y a aucun déni des effets de cette pollution."

Avec AFP.