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Environnement

Le carbone, combien ça coûte? Les pistes des économistes

Si le principe d'instaurer un prix du carbone est désormais largement plébiscité pour lutter contre le réchauffement climatique, les économistes divergent sur la manière de mettre en oeuvre une telle tarification. Voici quelques-unes de leurs pistes.

"Il y a deux méthodes pour calculer le prix du carbone", explique Christian Gollier, économiste spécialiste de l'économie de l'environnement. La première repose sur le principe pollueur-payeur. Le prix doit correspondre au coût du dommage généré par une tonne de CO2 émise. Le travail des économistes consiste à évaluer ce coût, avec une difficulté, qui est que l'essentiel de ces dommages vont se produire dans des dizaines d'années. Adepte de cette méthode, Christian Gollier estime qu'elle aboutit à un prix d'environ 50 euros la tonne.

Dans un rapport publié en 2017 à la demande du gouvernement français, les économistes Nicholas Stern et Joseph Stiglitz arrivaient eux à une fourchette comprise entre 40 et 80 dollars.

L'autre méthode consiste à partir d'un objectif politique, par exemple limiter le réchauffement climatique à 2 degrés. Puis de définir un "budget carbone", avant d'évaluer ce que va coûter chaque tonne économisée pour atteindre cet objectif.

Pour la France, qui veut atteindre la neutralité carbone en 2050, cette approche aboutit à fixer un prix du carbone de 90 euros la tonne en 2020, puis à l'augmenter jusqu'à 775 euros en 2050, selon un rapport publié en février dernier par France Stratégies, organisme de réflexion rattaché au Premier ministre.

Quotas ou taxe?

Deux mécanismes principaux peuvent être utilisés pour "faire payer" le carbone. D'une part un système de quotas d'émissions, comme celui que l'Union européenne a instauré pour une partie des activités économiques. Au niveau mondial, un marché de quotas à polluer a aussi été mis en place dans le cadre du protocole de Kyoto, mais avec de nombreuses exemptions.

Un tel système a notamment l'avantage de permettre des transferts financiers entre pays à l'avantage de ceux qui émettent peu de CO2.

L'autre mécanisme repose sur une taxe et c'est le choix fait par 25 Etats ou régions dans le monde, comme la France ou la Suède. Dans une pétition inédite par son ampleur, plus 3.500 économistes américains, dont 27 prix Nobel, ont appelé en janvier dernier les Etats-Unis à mettre en place une taxe carbone au niveau national. Elle "devrait augmenter chaque année jusqu'à ce que les objectifs de baisse des émissions soient atteint", écrivent-ils dans ce texte publié par le Wall Street Journal.

Et pour éviter le dumping environnemental, ils ont également défendu l'idée d'une taxe à l'importation. "Cela inciterait aussi les autres nations à adopter un prix du carbone similaire", ajoutent-ils. C'est aussi l'idée défendue par la nouvelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, dans le cadre de son "pacte vert".

Une banque centrale du carbone

Au niveau européen, les économistes Christian Gollier et Jacques Delpla défendent aussi l'idée de créer une banque centrale européenne du carbone. A l'image du mandat donné à la Banque centrale européenne (BCE) pour lutter contre l'inflation sur le long terme, ils proposent de donner un mandat à cette nouvelle banque centrale pour faire respecter un budget carbone dans l'UE. Elle fixerait alors le prix du carbone pour atteindre cet objectif.

"Pour réaliser la transition énergétique, beaucoup d'investissements qu'on doit mener -- rénover les logements, fermer les centrales à charbon, etc.-- ont des durées de vie longue. Le prix du carbone qui compte ce n'est donc pas seulement le prix d'aujourd'hui. Or ce qu'on voit c'est que la fin du mois passe avant la fin du monde et que les Etats reportent toujours les hausses de prix du carbone", défend Christian Gollier.

A moins que les banques centrales déjà existantes ne prennent en charge également la quesiton climatique. Plus de 160 associations et universitaires ont ainsi demandé à la BCE "d'éliminer progressivement de son portefeuille les actifs issus d'activités fortement émettrices de carbone", en commençant "immédiatement par désinvestir dans les actifs directement reliés au charbon".

"J'espère vivement (...) que nous pourrons aussi inclure le changement climatique comme élément fondateur" a dit la nouvelle patronne de la BCE Christine Lagarde. Mais "le mandat prioritaire de la banque centrale, c'est la stabilité des prix", a-t-elle rappelé.

Avec AFP.

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