Les péages poids lourds plus chers selon les émissions de CO2.
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Environnement

La route et l'aérien accueillent froidement les annonces du gouvernement

Le gouvernement a décidé de mettre les transports aérien et routier à contribution pour financer des infrastructures et "répondre au défi climatique" en annonçant mardi la mise en place d'une "écocontribution" sur les billets d'avion et la réduction de l'avantage fiscal sur le gazole pour les poids lourds. Des mesures accueillies froidement par les secteurs concernés.

Le produit de ces contributions sera affecté à l'Agence de financement des infrastructures de France (AFITF) pour alimenter l'enveloppe de 13,4 milliards d'euros affectée sur la période 2018-2022 au développement des infrastructures de transport.

Dès 2020, les compagnies aériennes devront verser de 1,50 à 18 euros sur les billets d'avion pour tous les vols au départ de la France, sauf vers la Corse et l'Outre-Mer, a annoncé la ministre des Transports Elisabeth Borne à l'issue d'un Conseil de défense écologique. Cette taxe devrait rapporter 180 millions d'euros par an à partir de 2020.

S'appliquant uniquement aux vols partant de France, elle sera de 1,50 euro en classe éco et 9 euros en classe affaires pour les vols intérieurs et intra-européens, et, pour les vols hors-UE de 3 euros pour la classe éco et 18 euros pour la classe affaires, a-t-elle précisé. Les vols en correspondance sont exclus. Cette mesure, qui sera intégrée au projet de loi de finances 2020, s'appliquera à toutes les compagnies aériennes, "car il n'est pas question que notre pavillon national s'en trouve désavantagé", a précisé la ministre.

Ce prélèvement pourrait s'ajouter à la réaffectation à l'AFITF des surplus de recettes de la taxe de solidarité sur les billets d'avion, dite "taxe Chirac", votée par les députés, qui devrait rapporter au moins 30 millions d'euros par an.

"Depuis des mois s'exprime un sentiment d'injustice chez nos concitoyens sur la fiscalité du transport aérien. La France s'est engagée sur la voie de la taxation du transport aérien, mais il y a urgence", a justifié la ministre. "Aussi nous avons décidé comme d'autres pays de mettre en oeuvre une écocontribution progressive", a-t-elle poursuivi.

Au printemps, l'aviation a été mise sous le feu des projecteurs avec des appels au boycott de l'avion, largement relayés sur les réseaux sociaux. En Suède notamment, le mouvement "flygskam" (la honte de prendre l'avion) incite à privilégier d'autres moyens de transport.

"Incompréhensible", "non-sens économique et environnemental" pour le secteur aérien

Pour répondre aux critiques, la piste d'une taxe sur le kérosène avait été envisagée, mais le gouvernement a renvoyé ce sujet "à l'échelle européenne".

L'annonce de mardi a été froidement accueillie par le secteur.

Air France, dont l'État contrôle 14,3% du capital, a qualifié la décision gouvernementale d'"incompréhensible" et "extrêmement pénalisante". "Cette nouvelle taxe pénaliserait fortement la compétitivité d'Air France, alors que la compagnie a besoin de renforcer ses capacités d'investissement pour accélérer la réduction de son empreinte environnementale, notamment dans le cadre du renouvellement de sa flotte", a réagi la compagnie française dans un communiqué. "La France compte parmi les pays taxant le plus le transport aérien en Europe", ajoute t-elle. Cette mesure "serait extrêmement pénalisante pour Air France dont 50 % de l'activité est réalisée au départ de l'Hexagone, et notamment pour son réseau domestique dont les pertes ont atteint plus de 180 millions d'euros en 2018". Enfin, la décision du gouvernement "est d'autant plus incompréhensible que cette nouvelle taxe sur le transport aérien devrait financer des modes de transport concurrents dont le transport routier et non la transition énergétique dans le domaine aérien". Une "telle transition aurait pu être favorisée par le soutien à la mise en place de filières biocarburants durables ou d'innovations de rupture", estime-t-elle.

"Le gouvernement vient d'annoncer brutalement et sans concertation aucune, la levée d'une nouvelle taxe sur les compagnies aériennes -déjà asphyxiées par les taxes- au profit notamment du ferroviaire, qui est déjà très largement subventionné", a déploré de son côté le Syndicat des compagnies aériennes autonomes (Scara).

Pour le président de l'Union des aéroports français (UAF) Thomas Juin, cette "nouvelle taxe est un non-sens économique et environnemental". "La mesure a pour seul but de remplir les caisses de l'AFITF et n'aidera en rien à la transition écologique du secteur", juge-t-il.

"Trop, c'est trop !" pour le secteur routier

"Le remboursement partiel dont bénéficie le transport routier de marchandises sur le gasoil sera réduit de deux centimes par litre, ce qui représente une contribution de 140 millions d'euros en année pleine", a également déclaré mardi la ministre des Transports. C'est l'autre mesure du jour. Si cela représentera pour l'AFITF une contribution de "140 millions d'euros en année pleine" selon Mme Borne, plutôt de l'ordre de "plus de 200 millions" pour la Fédération nationale des transports routiers (FNTR), principale organisation du secteur.

La FNTR n'a pas caché son exaspération, en attendant une réponse commune à la profession après une rencontre avec Elisabeth Borne, prévue plus tard dans l'après-midi.

"L'exaspération est à son comble chez les transporteurs routiers. Trop, c'est trop !", a immédiatement tweeté le directeur-adjoint des services Rodolphe Lanz, tandis que la fédération du Centre-Val de Loire évoquait un "franchissement de ligne rouge".

La FNTR avait mis en garde le gouvernement jeudi contre des manifestations et des "débordements" à la rentrée s'il ne renonçait pas à ses projets d'augmentation de la fiscalité du secteur.

Le gouvernement cherchait 500 millions par an à partir de 2020 pour boucler son budget infrastructures. Dans un courrier envoyé lundi aux rapporteurs de la Loi d'orientation des mobilités actuellement discutée au Parlement, le Premier ministre Edouard Philippe a assuré que les engagements financiers seraient tenus.

Avec AFP.

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