Depuis 2011, il y a des échouages massifs de sargasses assez régulièrement, en particulier sur l'arc antillais.
©Patrick Quenehervé/IRD/Capture d'écran www.ecologique-solidaire.gouv.fr
Environnement

La Guadeloupe accueille la conférence internationale sur les Sargasses

"Les sargasses sont un problème qui dépasse les pays et les individus : cela nous force à la collaboration", a expliqué mercredi 23 octobre Thomas Linton, professeur émérite à l'université du Texas, à l'ouverture de la conférence internationale sur les sargasses à Pointe-à-Pitre.

De nombreux pays, réunis en Guadeloupe, dans les Antilles françaises, se penchent jusqu'à samedi sur les sargasses, ces algues brunes nauséabondes qui polluent le littoral caribéen, pour partager leurs connaissances de ce fléau et tenter d'améliorer la coopération régionale. A l'issue de ce sommet, une "résolution politique" devrait être signée, en présence du Premier ministre français Édouard Philippe, sur une gestion régionale et internationale de ces algues, devenues une calamité en moins d'une dizaine d'années. 

"Apprendre à vivre avec"

Courants, vents, réchauffement climatique, agriculture... Il n'est pas possible aujourd'hui d'identifier un responsable "unique" à la prolifération des sargasses, explique à l'AFP Frédéric Ménard, chercheur à l'Institut de recherche pour le développement (IRD).  Dans tous les cas, il va falloir "apprendre à vivre avec" ce nouveau phénomène qui entraîne certaines années des échouages massifs d'algues aux émanations toxiques sur les plages des deux côtés de l'Atlantique, des Caraïbes à l'Afrique de l'Ouest, prévient le scientifique.

Les deux espèces de sargasses existantes "se reproduisent par fragmentation végétative : un petit morceau coupé peut donner lieu au développement d'un nouvel individu (...). Ça leur donne une capacité de prolifération énorme. Elles sont connues depuis très longtemps, Christophe Colomb les a décrites le premier quand il est arrivé dans la mer des Sargasses. Cette mer traditionnelle des Sargasses se trouve au niveau des Bermudes et de la Floride. Mais désormais, les algues sont descendues beaucoup plus au sud et cette nouvelle "mer des sargasses" est indépendante. En gros depuis 2011, il y des échouages massifs de sargasses assez régulièrement, en particulier sur l'arc antillais. Lorsqu'elles arrivent sur les côtes, elles pourrissent et consomment l'oxygène de la colonne d'eau, mettant en péril les organismes qui y vivent, notamment ceux qui ne peuvent pas bouger (coquillages, récifs coralliens...). L'autre problème est que (lorsqu'elles s'échouent) elles dégagent de l'hydrogène sulfuré, gaz toxique pour la santé humaine." développe Frédéric Ménard qui insiste sur le fait qu'elles se développent de plus en plus au sud de la mer des Sargasses. 

"Ce qui est très clair, c'est qu'il n'y a pas une raison unique qui puisse expliquer le développement de ces sargasses dans cette nouvelle zone. C'est très probablement multifactoriel. On pense que la température a probablement un rôle. La composition physicochimique de l'eau, les nutriments, les vents, les courants concourent probablement aussi au phénomène. Une des raisons souvent évoquée - loin d'être prouvée - est l'augmentation de la charge en nutriments du bassin de l'Amazone. Le fleuve charrie énormément de matières en suspension, nutriments potentiels pour certains organismes, dont les algues. Une des raisons débattues est l'augmentation de l'activité agricole et de la déforestation. Pour l'instant la zone, contrainte par la dynamique des courants dans l'océan atlantique, ne s'étend pas. Mais le phénomène des sargasses va perdurer. Il va falloir apprendre à vivre avec, trouver des mesures pour protéger les sites sensibles."

F. Ménard dévoile les technologies mises en place pour lutter contre les échouages : "On utilise des outils satellites pour détecter et suivre les sargasses à grande échelle, et des capteurs à haute résolution pour travailler à des échelles plus fines. Cela va nous permettre ensuite d'alerter les pouvoirs publics (...) Peut-être pas jusqu'à la prévision des échouages sur les plages mais pour anticiper des périodes d'échouages". Il ajoute qu'il faut prendre en considération le rôle écologique de l'algue en pleine mer : "Il ne faut pas considérer que les sargasses sont une plaie dont il faut se débarrasser. C'est un gros problème quand elles s'échouent, mais en pleine mer elles ne sont ni toxiques ni nocives, et elles ont un rôle écologique. Elles servent de refuge à beaucoup d'espèces de poissons et de nurserie à certaines espèces."

État des lieux des connaissances 

Après des échanges entre scientifiques, une exposition à destination des écoliers et la diffusion d'un film mercredi, la conférence dressera jeudi un état des lieux sur la connaissance des algues brunes, qui viennent noircir les littoraux caribéens, notamment ceux de Guadeloupe et Martinique. Le soir, les lauréats de l'appel à projet international seront rendus. "Sur 12 projets éligibles, seuls quelques-uns seront retenus et seront financés pour un total de 10 millions d'euros.", rappelle Jean-Michel Jumez, sous-préfet de Guadeloupe qui pilote la Mission sargasse sur le territoire.

Vendredi, les acteurs des différents Etats s'entendront sur des partages d'expériences quant à la collecte des algues sur les plages, les techniques d'évictions, les connaissances en matière de gestion des impacts, mais également la question du financement de la gestion de cette crise. En parallèle, le salon Sarg'Expo, présentera diverses solutions de valorisation des algues, pour qu'elle finissent par devenir une ressource, plutôt qu'un fléau.

Avec AFP.

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