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HUMEUR

La biodiversité, victime du grand débat

Dans sa lettre à ses "chers compatriotes", le président Macron n'a pas manqué de parler de la biodiversité. Heureuse initiative qui semble témoigner d'une compassion toute particulière. Mais, sans avoir besoin de lire entre les lignes, le message n'est guère rassurant. 

Ainsi, le président pose la question "comment devons-nous garantir scientifiquement les choix que nous devons faire à cet égard ?" (comprendre à l'égard de la biodiversité). Évidemment, il est recommandé de s'appuyer sur les connaissances pour traiter de la biodiversité, mais "science" ne signifie pas "conscience". Une espèce, dont il est scientifiquement admis qu'elle serait en bonne santé, pourrait être abattue sans autre forme de procès ? C'est la porte ouverte aux massacres des pinsons, des cygnes et autres volatiles qui ont le bonheur d'échapper au déclin. Si le décideur s'en tenait à la simple science, en s’exonérant de l'éthique, il élargirait sans complexe la liste des 64 espèces d’oiseaux déjà chassables sur le territoire (contre une vingtaine en moyenne dans le reste de l'Europe). 

Le président Macron poursuit avec cette question : "comment faire partager ces choix (comprendre les choix de la biodiversité) à l'échelon européen et international pour que nos agriculteurs et nos industriels ne soient pas pénalisés par rapport à leurs concurrents étrangers ?". Ainsi la biodiversité est présentée comme une charge et non une chance. Pas un mot sur les services rendus par la nature (pollinisation, santé, tourisme...). Pas davantage sur le déclin pathétique du vivant qu'il y a urgence à endiguer. 

Lors du débat sur le nouvel "Office français de la biodiversité", qui vient de s’achever à l'Assemblée Nationale, après quelque 400 amendements étudiés, le bilan est pathétique. 43 votants sur 577 parlementaires avait pris la peine d'occuper l’hémicycle. Appartenant à une écrasante majorité au groupe chasse, ils ont pu faire passer leur message avec l'efficacité d'un piégeur aguéri. Au hasard des perles, les mesures visant à sécuriser davantage l'acte de chasse ont été rejetés, tandis que de nouveaux cadeaux ont été faits pour que s’épanouisse la culture cynégétique. 

Où sont passés les députés qui, en d'autres temps, affichaient une touchante attention à la nature ? Ils faisaient l'école buissonnière en reniant discrètement leurs engagements. La biodiversité a de bonnes raisons de se faire du mauvais sang...