Leur nombre est estimé à 10 milliards de milliards. Les insectes sont, de loin, les animaux les plus représentés sur Terre : ils constituent plus de 80 % de la biodiversité animale. Dans les sociétés occidentales, ils sont souvent source de dégoût. Mais ailleurs dans le monde, leur teneur en protéines en fait un aliment de choix. Selon l’Inrae, l’Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l’environnement, près de 2000 espèces d’insectes sont régulièrement consommées par 2,5 milliards de personnes, principalement en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud. Et cette consommation présente de nombreux avantages.
L’élevage d’insectes est plus respectueux de l’environnement que celui du bétail, qui émet de grandes quantités de gaz à effet de serre, mais aussi de celui la volaille, ou des autres animaux destinés à la consommation humaine. Selon Gaëlle Pantin-Sohier, professeure des universités en science de gestion à l’IAE d’Angers, dans un article publié par The Conversation, leur "production de gaz à effet de serre […] est 10 à 100 fois plus faible que celle des porcs", et "ils consomment beaucoup moins d’eau qu’un élevage de bétail conventionnel".
Moins de gaz, moins d’eau, moins d’espace
Même constat pour Patrick Borel, directeur de recherche à l’Inrae. "L’élevage des insectes présente de nombreux avantages par rapport à celui des porcs et des bovins. Ils ont en effet besoin de beaucoup moins d’eau, ils produisent moins de gaz à effet de serre, ils ont besoin de moins d’espace pour être élevés, et on pense qu’ils sont moins sujets à la souffrance que les mammifères ou les volailles", explique-t-il à Libération.
Autre avantage : la quantité de nourriture requise pour élever les insectes est nettement inférieure à celle utilisée dans les élevages conventionnels. "Ainsi, en moyenne, 2 kg d’aliments sont nécessaires pour produire 1 kg d’insectes, tandis que les bovins exigent 8 kg d’aliments pour produire 1 kg d’augmentation de la masse corporelle animale", précise Gaëlle Pantin-Sohier. Pour certains insectes, le rendement est encore plus intéressant. "Les grillons, par exemple, ont besoin de 12 fois moins d’intrants alimentaires que les bovins pour produire la même quantité de protéines", indique la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.
"Une source de protéines pouvant se substituer à la viande traditionnelle"
L’agence onusienne met également en avant les qualités nutritives intéressantes de ces petites bêtes : énergie, graisse, fibres, mais aussi des micronutriments comme le zinc, le calcium et le fer. Et, surtout, ils sont "une source de protéines pouvant se substituer à la viande traditionnelle".
Pour Patrick Borel, l’élevage d’insectes présente aussi un autre avantage pour l’environnement : le recyclage des déchets organiques. "On peut ainsi valoriser une partie des déchets de l’agroalimentaire, comme des épluchures de carottes qui pourraient être recyclées par l’insecte, et être transformées en protéines destinées à l’alimentation animale", estime-t-il. Une solution qui peut s’avérer pertinente face aux 46 millions de tonnes de déchets organiques produites chaque année en France.
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L’élevage des insectes présente cependant quelques inconvénients. Selon Tom Bry-Chevalier, doctorant en économie de l’environnement à l’université de Lorraine, dans un article publié par The Conversation, beaucoup d’entreprises élèvent des insectes non pas pour la consommation humaine, mais pour la consommation animale. "L’élevage d’insectes ne semble donc pas parti pour remplacer l’élevage intensif, mais plutôt pour lui fournir de quoi subsister", déplore-t-il. Et l’impact environnemental, bien que moindre par rapport à l’élevage conventionnel, serait plus important que celui de la production d’aliments à base de plantes.
Mais pour la FAO, des "solutions novatrices" sont nécessaires face à l’augmentation de la population et à la hausse de la demande en protéines. L’organisation considère que, "l’élevage des insectes offre la possibilité d'apporter une réponse à cette demande croissante", mais aussi qu’il peut contribuer "à créer de nouveaux moyens de subsistance et à soutenir les systèmes agricoles durables".