Dans un contexte de flou juridique, un groupe d’avocats du barreau de Paris s’est penché sur la question du droit des animaux. En 2015, une réforme reconnaissait que les animaux étaient doués d’une sensibilité. Pourtant, ils sont considérés dans les codes comme étant des biens. Une réglementation peu lisible voire parfois des règles contradictoires disséminées dans plusieurs codes. Marie-bénédicte Desvallon, avocate et membre de ce groupe de travail nous explique.
Autour de quoi travaillez-vous ?
L’idée a germé en 2015 lorsque le code civil s’est aligné sur le code rural en reconnaissant que les animaux étaient des êtres dotés de sensibilité. Ce projet résulte à la fois d’un constat, d’un besoin et d’une demande. Car on observe une démultiplication des définitions et des statuts juridiques entre les différents animaux que ce soit animal de rente, animal domestique, animal sauvage.
Sur ce corpus de normes, il y a quand même une cohérence si on met tout cela ensemble ?
C’est l’objet de ce groupe de travail, effectuer une consolidation des textes qui sont aujourd’hui disséminés dans les différents codes pour pouvoir mettre en exergue à la fois les incohérences, les contradictions et les répétions parce qu’aujourd’hui ce cadre législatif et réglementaire ne répond pas ni aux besoins d’accessibilité, de lisibilité et encore moins d’intelligibilité. Il ne prend pas en compte suffisamment les avancées scientifiques et théologiques et éthiques ce qui est une aubaine pour ceux qui profitent des aspérités des textes et de leurs confusions pour manœuvrer et se soustraire aux droits de l’animal.
Quels types de situations profitent de ce flou juridique ?
On observe qu’il y a énormément de dérogations. Si on prend l’exemple des bovins victimes de négligence, il y a plusieurs cas dans des élevages d’agriculteurs. Aujourd’hui, il y a eu des décisions aux termes interdisant à ces agriculteurs de détenir des animaux mais on a pu voir des décisions ou ils avaient une amende de simplement 200 euros. Pour avoir laissé des animaux sans soins, sans nourriture, dans des états décharnés, dans des situations mêmes dangereuses au niveau des enclos de leurs habitats avec des risques pour la santé publique. Aujourd’hui au niveau juridique, on considère que ça ne relève pas du pénal.
Votre constat de départ c’est que les normes sont éclatées, parfois elles se répètent voire elles se contredisent mais c’est aussi que le standard de protection n’est pas assez élevé ?
Aujourd’hui comme on peut le regretter, c’est un fait qui n’est pas nouveau et on a pu observer que la jurisprudence n’était pas très constante sur le sujet. Non pas par manque d’éthique mais par le fait que les textes ont des conditions strictes à observer pour qualifier et sanctionner ces agissements. Il y a une distinction entre les sévices graves, les mauvais traitements qui eux relèvent du code pénal alors qu'au titre du code rural, le fait de priver de nourriture ou de laisser les animaux attachés est considéré comme une simple contravention de quatrième classe qui va d’une amende forfaitaire entre 90 et 375 euros.
Depuis qu’on a reconnu aux animaux le fait d’être doués d’une sensibilité, ça a changé quoi ?
Cela a mobilisé la société civile et ça a attiré l’attention donc soulevé plus de questions éthiques mais au niveau juridique propre, ça n’a pas eu la portée suffisante pour pouvoir développer et améliorer les sanctions appliquées aux individus qui maltraitent les animaux. Mais rien n'a changé puisque les animaux sont toujours placés sous le régime du droit des biens et c’est pour cela que le groupe s’attache à réfléchir à élaborer un autre statut juridique qui soit propre à l’animal.
Dans les grandes lignes, qu’aimeriez-vous atteindre comme protections ou comme sanctions ?
A ce stade ce serait prématuré d’avoir des prétentions définitives puisque nous découvrons beaucoup de choses qui nécessitent une mise en cohérence, une compréhension de l’ensemble des enjeux. On souhaite s’extraire des conflits stériles et des intérêts contradictoires ou des débats trop passionnés et travailler en coopération avec des scientifiques pour offrir les solutions les plus adaptées et les plus accessibles.
Interview réalisée en partenariat avec France Inter. Pour écouter la chronique Social Lab (Vers un code du droit des animaux), cliquez-ici.