Le commerce équitable dans l'Hexagone, qui a résisté en 2023 avec un chiffre d'affaires en hausse de 1,8%, a été tiré par les ventes de produits "made in France", en progression de 6%.
L'"origine France" représente désormais 37% de cette catégorie qui promeut des prix rémunérateurs et des pratiques respectueuses de l'environnement et des travailleurs.
Ainsi la boulangerie/viennoiserie issue de blé français labellisé est devenue cette année la première catégorie de produits équitables écoulés en France, devant le café, selon Agri-Ethique, premier label de l'équitable français.
"Et ça continue à se développer, nous avons beaucoup de demandes" pour entrer dans le réseau, dit Ludovic Brindejonc, directeur d'Agri-Ethique, qui organisait cette semaine ses rencontres à Paris.
Ce label est né il y a dix ans sous l'impulsion d'une coopérative agricole vendéenne, après la crise financière de 2007-2009, pour contrer la volatilité du marché des céréales. Objectif: s'assurer que les agriculteurs bénéficient d'un contrat de vente sur au moins trois ans, avec un prix rémunérateur déconnecté des prix de marché mondiaux fixés à Chicago ou Paris.
Les acheteurs (transformateurs industriels, boulangers...) peuvent aussi y trouver leur compte. "Aujourd'hui ils n'ont aucun intérêt à aller chercher des matières premières à l'autre bout du monde", assure M. Brindejonc. "Le contexte d'aléas climatiques et de marchés renforce notre modèle."
Avec la guerre en Ukraine, qui en 2022 a fait flamber les prix des céréales et oléagineux, quelques cultivateurs ont quitté Agri-Ethique pour profiter temporairement de cours plus élevés, admet-il. Avec la retombée, ils ont voulu revenir, "mais c'était trop tard".
"Je connais le prix"
Agri-Ethique rassemble 4.600 agriculteurs, dont 350 venus depuis 2023. D'autres labels existent, comme Bio équitable en France.
Le commerce équitable des produits français n'a en fait d'existence juridique que depuis 2014 et la loi sur l'Economie sociale et solidaire (ESS), qui encadre ce modèle dont l'objet est "d'assurer le progrès économique et social des travailleurs".
Parmi ses principes: au moins trois ans de contrat, l'organisation des agriculteurs au sein de collectifs, une négociation sur le prix "équilibrée", l'octroi par les acheteurs d'une prime pour renforcer les collectifs...
Les promoteurs du système assurent que les prix de leurs produits ne sont pas forcément plus élevés que les autres. "Les agriculteurs sont très intéressés car le commerce équitable est une réponse à la fragilité économique" de leur activité, note Julie Stoll, déléguée générale de Commerce Equitable France, qui représente les acteurs de la filière. Et les collectifs permettent de "rééquilibrer le rapport de force entre le paysan et l'industrie agro-alimentaire".
Ce modèle avait émergé de la même manière dans les pays du Sud, à la fin des années 1980, en réponse à l'effondrement des cours du café, quand les producteurs mexicains "n'arrivaient plus à vivre", rappelle-t-elle.
"Avec ces contrats, je connais le prix auquel je serai rémunéré", explique Franck Bluteau, agriculteur et président d'Agri-Ethique. "Nos agriculteurs bio ont résisté cette année car ils avaient ce contrat. Sans visibilité, un jeune ne s'installera pas! Ce label est quelque chose de concret."
Si l'essentiel des produits équitables importés sont bio, ce n'est en revanche pas forcément le cas des français: 18% pour les articles Agri-Ethique.
Mais "c'est mieux" que la moyenne nationale (10% des surfaces agricoles), soulignent les promoteurs du système, qui pousse à la transition écologique en offrant l'organisation, les revenus et le temps de la réflexion.
Pour aller plus loin : "Tout savoir sur l'alimentation bio"
Pour autant, si le commerce équitable a rapporté 2,1 milliards d'euros en 2023 (dont 791 millions pour les produits français), c'est encore une portion minime de la consommation alimentaire nationale.
Pour Julie Stoll, "le frein est plutôt du côté de la volonté de l'industriel", avant tout préoccupé par le prix. Cela lui demande de fait un certain engagement. Agri-Ethique exige par exemple que toute la marque soit labellisée, pas juste une gamme.
Le fabricant de chips breton Altho Brets vient lui d'annoncer sa labellisation. Pour son PDG Laurent Cavard, "cela va jouer sur la force de la marque. Vous savez d'où viennent les composantes, cela aide à la confiance".
Avec AFP.