Nicolas Pereira a lancé Solylend, une plateforme de financement participatif pour les projets ayant du sens il y a un an et demi. Il fait partie des jeunes entrepreneurs qui ont été sélectionnés par le ministère des Affaires étrangères pour représenter la France lors du sommet Young European Talent, qui se déroule actuellement, du 13 au 15 novembre, à Maastricht aux Pays-Bas. L’entrepreneur bordelais de 27 ans a répondu à nos questions.
Pouvez-vous nous parler du fonctionnement de la plateforme Solylend ?
Solylend est une plateforme de financement de projets à impact positif qui a été lancée en mai 2017. L’objectif était d’abord de proposer à une communauté d’épargnants français de participer activement - via le financement - à des projets qui changent la vie des gens dans les pays du Sud, notamment en Afrique, car les projets lancés la première année ont plutôt concerné l’accès à l’eau, le développement de l’agriculture ou l’habitat pour les pays du Sud. Puis, en mai 2018, lorsque nous avons organisé un "Impact summit" à Bordeaux, nous avons annoncé une transformation de notre modèle, mais avec le même objectif : faire participer les épargnants, les particuliers à la transition écologique, en les invitant à être des "épargn’acteurs", c'est-à-dire devenir des acteurs du changement via leur épargne. Solylend propose donc maintenant des projets déployés en France pour l’agriculture, le développement durable, la transition énergétique et également des projets dans les pays émergents sur les problématiques de développement. En un an et demi, nous avons collecté près d’un million d’euros sur la plateforme avec une communauté de près de 200 000 personnes.
Avez-vous des exemples phares de projets financés via Solylend ?
Il y a deux exemples phares qui illustrent le lancement puis la transition. Le projet Moon, qui est un kit solaire d’accès à l’énergie déployé au Sénégal. L’objectif était d’équiper 5000 personnes en électricité après deux ans. Au bout d’un an, l’objectif était atteint. Le projet phare de transition est celui qui est arrivé sur la plateforme à la rentrée avec Valorem, l’un des gros acteurs de la transition énergétique en France. Il s’agit du financement d’un parc éolien à Saint-Secondin, dans la Vienne, qui s’est financé en moins de 15 jours.
Quel est votre modèle économique ?
On se rémunère sur le flux qui passe sur la plateforme, à hauteur de 3 à 5 % des montants levés. On y ajoute des services annexes de communication, de relations presse et de stratégie financière que l’on propose à nos porteurs de projets pour les aider dans leur développement.
Quel a été le déclic qui vous a poussé à vous lancer dans cette aventure entrepreneuriale ?
Mes parents étaient plutôt sensibilisés au développement durable. Donc, très rapidement, j’ai commencé à m’intéresser à ces sujets, et dès que j’ai commencé mes études, j’ai su que j’essaierais d’être un acteur de ce changement et de répondre à cette nécessité d’accompagner la transition écologique. Puis, mon expérience récente m’a conduit à me déplacer dans une quinzaine de pays d’Afrique sur des sujets d’électrification rurale ou d’accès à l’eau pour les populations isolées. C’est à l’occasion de ces déplacements que j’ai développé un attrait particulier pour les problématiques du développement dans les pays du Sud. Ensuite, mon expérience personnelle en Europe m’a amené à m’interroger sur l’utilisation de la finance pour des projets qui ont du sens. C’est comme cela qu’est venue l’idée de lancer Solylend. Ce n’est pas un seul déclic en réalité, mais plutôt un processus, une transformation progressive. Il y en a eu plusieurs. Le plus récent, c’est la COP 21 avec la signature de cet accord international et l’élection de Donald Trump derrière, qui détruit complètement ce qui a été construit. Puis, plus récemment, la démission de Nicolas Hulot. Ce sont des électrochocs qui ont vraiment fait prendre conscience aux gens que ce sujet-là était indispensable. Je pense que tout va dans ce sens, et que cela facilite le discours des acteurs qui veulent participer à la transition écologique. Maintenant, ces événements me renforcent dans mon envie d’agir.
La mise en place du projet a-t-elle été difficile ?
En toute sincérité, pas tellement. On a l’habitude d’entendre les entrepreneurs dire que c’est très dur d’entreprendre en France. Je ne suis pas vraiment d’accord avec ça. Je crois au contraire qu’on a un terreau extrêmement fertile d’entrepreneuriat. Nous avons rapidement eu le soutien de la BPI et de la région Nouvelle Aquitaine où nous sommes implantés, lorsqu’on a lancé Solylend. Peut être que la typologie de notre projet a intéressé. Puis, au moment de la constitution, je me suis associé à une ancienne cheffe d’entreprise - qui l’a été pendant 20 ans -, dont j’ai été le stagiaire lorsque j’étais tout jeune étudiant. J’ai profité de cette expérience de gestion et de direction d’une entreprise qu’a Françoise Saugnac, mon associée.
Quel conseil vous donneriez à quelqu’un qui veut se lancer dans l’entrepreneuriat social ?
L’enjeu est tellement énorme, que toutes les questions que l’on peut se poser sur le risque sont, selon moi, secondaires. Toute personne qui a vraiment lenvie de mener un projet de changement – pas forcément à grande échelle - doit se lancer. C’est ça qui demain essaimera et donnera l’exemple. S’il faut donner un conseil, c’est celui de se poser les bonnes questions et de bien s’entourer, notamment de personnes qui maitrisent les aspects gestion et finance car ce sont des aspects négligés dans les start-up. Vouloir changer le monde, c’est important. Quand on a cet objectif-là et même si on arrive seulement à changer son quartier, déjà, on a changé les choses. Quand on vient avec enthousiasme et optimisme, on entraine très facilement les gens avec nous.