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Obsolescence programmée : "On ne peut plus suivre des logiques économiques pures et simples"

Lancé début décembre, le site "Produits durables" note les marques rayon par rayon afin de nous aider à choisir des appareils électriques et électroniques - entre autres - qui ne tomberont en rade peu de temps après leur achat.  

Le site "Produits durables" recense les marques les plus fiables en termes d'électroménager et d'électronique, d'auto et de textile (notamment les collants), pour permettre aux consommateurs de fuir l'obsolescence programmée. Rencontre avec Laetitia Vasseur, cofondatrice de "Produits durables et déléguée générale de l’association HOP.

Pouvez-vous nous présenter en quelques mots cette plateforme lancée le 1er décembre ?

La plateforme "Produits durables" est un projet de l’association HOP, créé en partenariat avec commentreparer.com. L’idée du site est de trouver des solutions pour se prémunir de l’obsolescence programmée, et donc de conseiller les consommateurs sur les produits les plus durables, les plus réparables. On retrouve sur "Produits durables" à la fois des notes sur la fiabilité de nombreux produits, et des conseils très pratiques.

Comment faites-vous à votre niveau pour noter les différents produits ?

Nous les notons grâce à l’avis de consommateurs qui nous font part de leur expérience concernant la réparation ou la solidité de ces produits. Il y a aussi des experts qui nous donnent leur avis sur leur réparabilité et leur fiabilité via des tests qu’ils ont effectués ou via des retours d’expérience de réparateurs. Nous traduisons ensuite ces avis d’experts en notes et les agrégeons à celles des consommateurs pour pouvoir obtenir une note globale.  

Qui sont ces experts dont vous parlez ? Où allez-vous chercher vos sources pour évaluer les produits ?

Nous choisissons de référencer certains experts en fonction des données que nous avons pu obtenir : celles-ci qui peuvent provenir de publications de baromètres publics comme le SAV Fnac-Darty, des informations d’associations de consommateurs qui ont effectué des tests et des analyses sur différents produits (pas uniquement en France), des retours de Repair cafés aussi, et les données d’analyses, de tests, de retours consommateurs, de service après-vente, etc. Nous pouvons intégrer tout cela pour alimenter cette note de fiabilité. 

Ce travail paraît assez colossal, quel est le modèle économique de ce projet ?

Le projet est actuellement porté par l’association HOP qui bénéficie de partenaires financiers essentiellement publics comme l’ADEME, la région Nouvelle-Aquitaine, la ville de Paris avec le budget participatif. C’est une chance d’avoir des partenaires essentiellement institutionnels puisque le projet bénéficie essentiellement aux citoyens.

Essentiellement, c’est-à-dire qu’il y en a quelques-uns privés ? Pouvez-vous garantir qu’il n’y a aucun risque de conflit d’intérêt et que vous travaillez en toute indépendance ?

Je dis essentiellement car l’association HOP est aussi financée par des dons, et qu’il y a un travail bénévole de la part de nos contributeurs, ils permettent de faire vivre le site. Mais sur le plan purement financier nous sommes financés par des subventions publiques. Je confirme que nous travaillons en toute indépendance, sans aucun lien avec des acteurs privés qui pourraient trouver des intérêts sur ce site. Au contraire, l’idée est vraiment de former une coalition de citoyens pour pouvoir s’auto-informer sur la fiabilité des produits. 

La note est pondérée par l’avis et les notes des utilisateurs. Mais les utilisateurs pourraient être envoyés par les marques, comment faites-vous pour vous protéger de cela ?

Nous avons un système de protection des données, nous les modérons, nous analysons des informations comme l’adresse IP, la qualité des commentaires qui peuvent être laissés et autres astuces du développement web pour éviter les attaques ou les conflits d’intérêts avec des marques qui pourraient en effet essayer d’en saborder d’autres ou de s’auto-congratuler. Nous protégeons et analysons ces données pour qu’elles soient les plus fiables possible.

Vous considérez qu’il y a encore un souci d’obsolescence programmée, ou prématurée chez les fabricants en France ? Y-a-t-il des secteurs plus touchés que d’autres ?

Oui bien sûr, c’est un problème prégnant du point de vue écologique et social et donc nous travaillons à rechercher les cas d’obsolescence programmée et à faire des rapports pour alimenter la plateforme. Nous avons aussi deux plaintes actuellement ouvertes qui concernent des cas de smartphones et d’imprimantes. L’obsolescence programmée est un vrai problème aujourd’hui, c’est pourquoi nous créons ce site : pour trouver des solutions mais aussi pour tirer le marché vers le haut en montrant que les consommateurs sont regardants sur ces questions-là.

Pourquoi est-ce important de faire durer un produit ? On pourrait penser que cela crée des richesse, des emplois, il faut qu’il y ait un turn-over comme on dit…

On pouvait dire cela dans les années 30, 50 voire 60 mais aujourd’hui on connaît le défi écologique et on ne peut plus suivre des logiques économiques pures et simples. Et en plus d’énerver tout un chacun concernant le coût de l’obsolescence programmée pour le consommateur il y a aussi le coût de la pollution en amont, au moment de la fabrication, et après avec les déchets dont on ne sait pas vraiment quoi faire, car le recyclage est loin d’être suffisant. Il faut ainsi travailler à allonger la durée de vie des produits pour pouvoir les utiliser plus longtemps, pouvoir mieux les réparer et les réemployer. Ce sont les conseils que nous donnons sur notre site. 

Il y a pas mal de points d’entrée sur le site mais finalement assez peu de référence nourries et notées. Vous lancez un appel aux consommateurs, pour les mobiliser sur ce type d’initiative ? Est-ce qu’il est temps de se retrousser les manches et d’y passer plus de temps ?

Oui. Nous sommes dans une société où l’on donne son avis, donc nous lançons un appel à tous, à contribuer dès que l’on est satisfaits d’un produit, parce qu’il a duré plus longtemps ou parce qu’au contraire on est allé dans un Repair café et que l’on n’a pas pu le réparer. Il faut pouvoir donner son avis sur le site pour pouvoir être dans un démarche d’amélioration continue et que les avis soient de plus en plus fiables. Il faut faire entendre les voix des consommateurs sur la durabilité des produits pour que les marques puissent enfin faire des efforts. 

Une interview réalisée en partenariat avec France Inter. Pour écouter la chronique Social Lab :