Pouvez-vous nous expliquer la genèse du projet Tomm’Pousse ?
A la base il s’agit d’une reconversion professionnelle. Pendant plus de dix ans, j’ai été cadre dans l’industrie pharmaceutique et comme beaucoup de personnes je ne me sentais pas forcément à ma place là où j’étais. Petit à petit l’envie de faire autre chose, plus en phase avec mes convictions et mes centres d’intérêt, est devenue de plus en plus pressante. En 2015, j’ai finalement quitté ma boite sans forcément avoir identifié de projet, mais avec l’idée que je voulais créer quelque chose qui ait un impact positif sur la société. Donc l’idée de cette entreprise est vraiment partie d’une conviction à la base et comme j’adore la cuisine, le fromage végétal est finalement venu se greffer comme une sorte de moyen pour arriver à une fin. Avec, en tête, de proposer une alternative au fromage traditionnel qui soit à la fois gourmande et qui brise les a priori qu’on peut avoir sur une certaine forme d’alimentation et notamment l’alimentation végétale.
Donc vous partez d’abord d’un certain constat sur l’industrie alimentaire ?
A la base je n’ai pas tellement d’a priori sur le fromage traditionnel, dont je suis un amateur. Je pense que le constat aujourd’hui est plus lié à la surconsommation de produits d’origine animale à l’échelle globale. La Terre a des ressources limitées et on est 7 milliards et demi d’êtres humains. Et cette sur-population n’est pas compatible avec une surconsommation de produits d’origine animale. Pour moi la problématique se trouve là. Si aujourd’hui on veut consommer de manière durable et qu’on souhaite que nos enfants héritent d’une planète qui soit encore habitable, il faut forcément que l’on revoit notre façon de consommer. Et notamment sur des produits qui sont particulièrement demandeurs en ressources comme peuvent l’être ceux d’origine animale.
Dans ce contexte, qu’est-ce qui fait la griffe Tomm’Pousse ?
D’abord, le fait d’être bio est très important mais n’est évidemment pas unique et bien heureusement. De mon côté, j’essaie de pousser le curseur un peu plus loin, en achetant les matières premières via le commerce équitable et notamment avec des producteurs français. J'ai aussi le statut d'entreprise sociale et solidaire, qui implique que beaucoup de choses sont formalisées par rapport à la gouvernance de l’entreprise, à la rémunération à l’objet environnemental et sociétal... Je voulais montrer dès le début que je voyais l’économie différemment et c'est une manière de m'engager à ma façon.
Après, au niveau des produits en eux-mêmes, j’essaie de travailler sur quelque chose d’assez fort en caractère, qui ne soit pas fade et notamment grâce au processus d’affinage. Et même si le but n’est pas de faire une comparaison à l’aveugle avec un fromage traditionnel, on peut quand même retrouver une certaine complexité, avec l’ambition de produire une véritable alternative aux produits d’origine animale, à consommer avec du vin, à l’apéro avec des amis.
Comment retrouver cette complexité dans le goût ?
Aujourd’hui on propose deux produits phares, que l’on est en train de décliner. Le premier est un équivalent à la feta traditionnelle, avec l’idée de retrouver le côté frais du produit. Donc là on est avec du soja traité en tofu puis retransformé de manière artisanale et naturelle pour obtenir ce résultat, qui se rapproche à la fois dans la texture et dans le gout de la feta classique. Autrement, l’autre produit qui est le camenvert est composé à partir de noix de cajou dont les caractéristiques répondent particulièrement bien aux impératifs du fromage végétal.
Et la recette séduit le public ?
Pour l’instant c’est très positif, à la fois de la part des vegans et des non-vegans. Les premiers ont parfois l’habitude de fromages végétaux qui sont assez éloignés de ce qu’on a aujourd’hui et pas forcément en lien avec ce qu’ils attendent, c'est-à-dire des produits qui ont du caractère. Les non-vegans de leur côté n’ont généralement jamais entendu parler de fromages végétaux et les a priori ne sont pas forcément très positifs. Et le fait de n’avoir aucune attente entraîne souvent une agréable surprise. En puis il y a aussi un certain contexte. Les problématiques liées à la nourriture sont de plus en plus médiatisées et les enjeux connus. Donc ils peuvent se dire « c’est bien et en plus c’est bon ».
Quelles sont vos attentes pour la suite ?
Il y a forcément des attentes liées à la partie financière puisque le nerf de la guerre reste malgré tout de pouvoir financer le développement de l’entreprise, dont la campagne de crowdfunding est toujours en cours sur Ulule. Mais d’un point de vue plus « philosophique » le cap est de sensibiliser les gens à un certain type d’alimentation. De faire évoluer à ma petite échelle la façon dont les gens conçoivent leurs pratiques. Qu’on passe d’une alimentation passive à une alimentation active. Tout le monde devrait se poser la question de ce qu’il y a dans son assiette. L’idée n’est pas pour autant de dire que tous les gens doivent arrêter de manger de la viande mais en tout cas qu'ils peuvent s'informer et savoir qu'il existe des alternatives.