Les deux premiers sont à Paris. N’hésitez pas à leur rendre visite si vous le pouvez. Sinon, tout va bien : ces trois chocolatiers vendent en ligne.
ARA CHOCOLAT
Ce doit être la plus petite boutique de chocolats de Paris. Quelques mètres carrés très sobres, qui tranchent avec les décors luxueux des chocolatiers réputés de la capitale. Pourtant, en passant devant cette vitrine si humble, impossible de résister aux arômes chaleureux, complexes, fleuris, boisés qui s’en dégagent. Aucun doute, ce qui se trame ici, c’est du grand art.
Andres et Sabrina, un couple vénézuélien, ont ouvert cette échoppe en 2015, avec une belle ambition : valoriser les variétés anciennes de cacao de l’Amérique latine. Ils parcourent le continent pour rencontrer les meilleurs producteurs, leur achètent à un prix plus que juste des fèves extraordinaires. Et là, dans l’arrière-boutique, Andrès les torréfie et les transforme avec le plus grand soin. Pendant ce temps, Sabrina sert des chocolats chauds veloutés à se damner et explique patiemment leur démarche aux visiteurs.
Tous les deux chantent presque quand ils évoquent les saveurs de leurs tablettes. Les arômes de miel, fruits tropicaux, fleur d’oranger et sésame de la variété colombienne de Tolita. Les notes d’agrumes, de réglisse ou de café d’un Trinitario qui a grandi dans la région d’Usulutan, au Salvador. Les pointes d’ananas caramélisé et d’épices qu’on déniche dans la variété Chuncho de la région de Cuzco, au Pérou… Et quand on a goûté à un de leurs pralinés aux cacahuètes ou à une ganache à la fève tonka, on chante avec eux.
RRRAW
Pour être transporté sous un cacaoyer dans la forêt amazonienne, se régaler des saveurs végétales, presque terreuses, des graines de la cabosse, sans quitter son fauteuil, on peut croquer dans une fève de cacao cru, enrobée de chocolat fondant. Frédéric Marr se fournit en fèves bio auprès de coopératives en Amazonie. Ils ne les torréfie pas, contrairement à l’usage, mais les broie à cru, sous des meules de pierre, dans sa Cacao Factory du 2e arrondissement à Paris, sous l’œil des clients.
On pourrait d’ailleurs défaillir de gourmandise en observant les volutes de la pâte onctueuse et en respirant ses effluves. Mais on préfère rester bien vif, pour goûter les truffes noisette-vanille ou les tablettes aux épices qu’il confectionne avec cette matière première d’exception, et constater que ce chocolat cru procure une énergie et un plaisir hors du commun.
Peut-être parce que sans la torréfaction, il conserve plus de nutriments et des saveurs insolites. Un vrai voyage, aux sources aztèques de la fève. "C’était, à cette époque, un aliment sacré purifiant et énergétique", raconte le chocolatier.
CHOBA CHOBA
"Bonjour, je m’appelle Charito". La productrice de cacao vit dans l’Alto Huayabamba, en Amazonie péruvienne. Sur le site de la marque Choba Choba, elle raconte son enfance à cultiver maïs, bananes et yuca. Plus tard, les années où régnaient la coca, le narcotrafic, l’argent et la peur. La fin de ce système dans les années 90 qui laisse place à la pauvreté. Puis Charito parle de la culture du cacao qui commence à la fin des années 90, le travail harassant, douze heures par jour, pour gagner décemment sa vie avec les fèves.
"Un jour, ajoute-t-elle, […] Eric et Christoph ont fait irruption dans nos vies. Après plusieurs voyages au Huayabamba ils sont devenus nos frères et ont fondé Choba Choba."
Eric et Christoph venaient chacun du secteur du commerce équitable. Ils voulaient pousser le curseur de l’équité dans la filière beaucoup plus loin et accomplir avec les producteurs ce qu’ils appellent "la révolution ". Les 36 producteurs des chocolats Choba Choba sont actionnaires, participent aux décisions et aux bénéfices de l’entreprise, basée en Suisse.
Sur le site, Oswaldo, Pasiona, ou encore Juanita racontent comment ils sélectionnent des variétés locales, vont en chercher certaines, sauvages, dans la forêt… Ils disent leur bonheur de faire partie de cette aventure révolutionnaire, de maîtriser toute la chaîne, jusqu’à la tablette produite en Suisse avec les meilleures techniques artisanales. En langue ketchua, Choba Choba signifie "je t’aide, tu m’aides !". Et aider cette bande de passionnés en se régalant de leurs crus raffinés toute l'année (ils proposent des tablettes en abonnement), on est pour !