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Biocoop : "la bio de proximité est un phénomène de société et les consommateurs en demandent partout"

L'enseigne Biocoop, spécialisée dans la distribution de produits bio, travaille depuis 32 ans au développement de cette filière en France en proposant aux consommateurs et aux producteurs de s'associer pour trouver des solutions au long terme. ID a souhaité en savoir plus sur cette coopérative, avec Claude Gruffat, le président de Biocoop.   

Comment pouvez-vous décrire la gouvernance de l’entreprise Biocoop ?

C’est une entreprise qui fonctionne en tant que telle, mais il y a en plus un réseau d’acteurs. Nous rassemblons 560 magasins et 20 groupements sur le territoire français. Ces acteurs ont les mêmes droits, les mêmes devoirs et les mêmes responsabilités dans l’entreprise que les salariés de Biocoop. Ce qui est atypique chez nous, c’est que nous avons mis les paysans et les commerçants autour de la même table pour diriger ce réseau d’acteurs et pour proposer des orientations, une stratégie, une vision sur le moyen terme de ce que l’on veut faire avec la bio en France. C’est ce partage de visions qui fait que cela fonctionne en termes d’association. Pourtant, les acteurs représentent des intérêts divergents : l’un achète à l’autre.

Est-ce qu’il fait bon travailler chez Biocoop ? Retrouve-t-on des règles internes comme les échelles de salaire ou le bien-être au travail ?

Oui, il y a des règles. Le respect de l’humain est au cœur du projet sociétal porté par la bio, qui est une économie au service de l’humain. L’échelle de salaire est de 1 à 10 d’écart au maximum, ce qui est la règle de l’économie sociale et solidaire. Nous avons également choisi le commerce équitable, qui représente plus de 20 % de notre activité. Notre modèle d’agriculture est la bio paysanne de proximité. Nous recherchons également le juste prix et une plus juste répartition de la valeur. À ce titre-là, il fait mieux vivre chez Biocoop. Les acteurs n’ont pas envie de quitter la table de Biocoop, parce qu'il est intéressant de construire un projet et d’y trouver un vrai résultat. Tous nos partenaires dans le commerce équitable reconnaissent Biocoop pour son engagement au long terme.

Aujourd'hui, avez-vous le sentiment d’être arrivés à un modèle équilibré et d’avoir atteint un réseau de fournisseurs locaux satisfaisants ?

Sur le principe, nous avons la preuve que cela fonctionne. En revanche, par rapporte aux besoins actuels, je répondrais non. La production de bio en proximité est maintenant un phénomène de société et les consommateurs en demandent partout : dans leurs magasins préférés, mais aussi dans le bio à la cantine, où il n’y a pas d’offre. Je plaide pour un véritable plan de développement des producteurs de proximité en France, pour qu’une offre se structure et s’organise.

50 % des paysans gagnent moins de 350 euros par mois, de nombreuses exploitations ferment. Est-ce que votre coopérative est une solution à la crise agricole actuelle ?

Cela ne résoudra pas tout, mais c’est déjà un élément de réponse qui donne des perspectives rémunératrices pour des paysans qui sont aujourd’hui en difficulté. Je pense que dans les six prochaines années, il faudrait installer en France au moins 60 000 paysans de proximité pour répondre à cette demande. Cela implique le doublement du nombre d’installations agricoles. C’est un plan que devrait proposer le ministère de l’Agriculture.

De quelle façon soutenez-vous la conversion bio ?

Nous soutenons cette conversion en mettant des produits sur le marché, en créant le marché. En période de difficultés, nous contribuons en créant des aides complémentaires pendant la période de conversion des producteurs. Par exemple, lorsque nous manquions de producteurs de lait de vache en conversion, nous ajoutions quelques centimes par litre de lait et les producteurs mettaient leurs produits en vente chez Biocoop en contrepartie.

L’Etat est-il un allié pour vous faciliter la tâche ?

Il a pu l’être, notamment avec les aides à la conversion et les aides au maintien, qui étaient précieuses pour développer une certaine qualité de bio dans la durée. Ces aides ont été abandonnées, notamment pour des raisons de subventions au prix. Ce que je regrette, c’est qu'on ne les ait pas redéployées vers d’autres filières transverses et cohérentes. Par exemple, pour l’élevage de porc, on doit inclure dans la dénomination du bio l’alimentation du porc, comme les céréales, qui doivent être produites en France. Cette cohérence de construction de filière me semble empreinte de bon sens et il faut en informer le consommateur en toute transparence.

Pourquoi ne sommes-nous qu’à 4 % de bio dans nos assiettes en France ?

91 % des Français pensent que la bio est bonne pour l’environnement et 89 % pensent qu’elle bonne pour la santé. Pourquoi cela ne va pas plus vite ? Le prix pour les consommateurs, qui est un frein. L’accessibilité au produit, qui est en train de changer. Il y a aussi la vraie question des lobbies, qui plaident où il faut pour que la bio ne se développe pas trop vite en partie pour protéger l’économie des pesticides. La transition alimentaire, la transition agricole, les changements de méthodes sont mal appréhendés pour aller vers la nouvelle économie de demain. Je pense que Biocoop regarde l’avenir d’une façon prometteuse pour nos enfants, pour la Terre, pour la fertilité des sols, pour la qualité de l’air et de l’eau, tout ce fait le bien commun indispensable de l’humanité.

Il y a encore beaucoup de plastique dans vos rayons et il n'est pas toujours recyclable. Est-ce une autre priorité qui s’ajoute à celle des matières premières ?

Oui, clairement. J’espère que le plastique disparaîtra rapidement, car les solutions techniques arrivent. On peut maintenant fabriquer tout un emballage aux normes d’hygiène avec des matières qui ressemblent au plastique, mais sont organiques, recyclables ou compostables. Ce sont des éléments qui font avancer la bio au sens large. Nous nous engageons à améliorer cette partie de l’offre avec la mise en place du vrac.

Pour écouter la version longue de cette interview :

Une interview réalisée en partenariat avec France Inter. Pour écouter la chronique Social Lab, cliquer ici.