Comment la France se positionne-t-elle en termes de transition écologique du secteur sportif par rapport aux autres pays ?
On peut considérer qu'en France, le sujet est relativement pris au sérieux. Nous ne sommes pas le seul mais nous faisons partie des pays qui poussent à des exigences assez fortes. De nombreux travaux ont été menés par le ministère des Sports, un vaste rapport du WWF sur l'impact du dérèglement climatique dans le sport a également porté ses fruits en termes de prise de conscience... Il y a une vraie prise en considération du sujet. Toutefois, il y a encore du chemin pour rentrer dans les limites planétaires et anticiper les adaptations.
Il existe des acteurs du sport très engagés, mais les 'niveaux de maturité' diffèrent."
Plus globalement, peut-on considérer que le secteur est plus ou moins en avance sur ces sujets ?
Je crois que, comme pour tous les secteurs, c'est relativement hétérogène. Il existe des acteurs du sport très engagés, qui sont même construits autour de ces sujets, mais les "niveaux de maturité" diffèrent. Si l'on prend l'exemple des Jeux olympiques 2024, une marche importante a été franchie, puisque la "durabilité" fait partie du concept même de l'événement : c'est assez remarquable. Quoi qu'il en soit, il reste encore du travail pour atteindre globalement des objectifs ambitieux viables.
Que peut-on dire de l'évolution du sujet sur ces dernières années ?
Les choses avancent. Pour l'organisation d'un événement sportif, il y a deux gros postes d'émissions de gaz à effet de serre : les transports et les constructions. Par exemple pour les JO, aujourd'hui on construit peu par rapport à quelques années auparavant. Ce poste là est donc moindre aujourd'hui. A l'inverse, d'autres postes ont augmenté, comme le numérique.
On ne pourra pas réduire suffisamment les émissions de gaz à effet de serre sans réduire le transport aérien. Pour contenir ce poste, il va falloir changer de modèle."
En effet, les transports comptent en moyenne pour 80 à 90 % du bilan carbone d'un événement... Comment pourrait-on envisager de limiter ce poste-là ?
On ne pourra pas réduire suffisamment les émissions de gaz à effet de serre sans réduire le transport aérien. C'est mathématiquement impossible, l'avion ne peut pas rentrer dans l'équation. Pour réduire ces transports aériens, il va falloir changer de modèle. A mon sens, il faudra revenir aux fondamentaux : que vient-on chercher dans un spectacle sportif ? De l'adrénaline, des émotions... Mais doit-on obligatoirement faire venir le monde entier au même endroit pour assister à une rencontre ? Je crois que l'on est tout-à-fait capable de vibrer, d'avoir des émotions, d'admirer des performances sportives dans une fan zone proche de chez soi par exemple. Quant aux transports des sportifs professionnels, il y a également une vraie marge de manœuvre, notamment en harmonisant les calendriers de compétitions.
Quel regard portez-vous sur le système de compensation carbone, souvent utilisé pour "verdir" les événements sportifs ?
Le terme en lui-même me paraît trompeur. Il donne l'impression de devoir "réparer" ou compenser un dégât. Et en compensant ce dégât, on serait "neutre" : c'est une fausse idée. Qui plus est, l'Ademe rappelle bien que la neutralité carbone ne peut s'entendre que sur une dimension nationale ou internationale, ça n'a donc pas de sens à l'échelle d'un seul événement ou d'une entreprise. L'Europe a d'ailleurs légiféré sur les allégations environnementales dans l'utilisation de la neutralité. Selon moi, la compensation carbone est intéressante sur le principe, mais mène à des travers qui poussent à l'inaction.
Greenpeace a dénoncé le sponsoring de la Coupe du monde de rugby attribué à TotalEnergies : peut-on être un événement "responsable" en étant sponsorisé par des entreprises liées aux énergies fossiles ? La question des sponsors doit-elle entrer en ligne de compte ?
Il existe un impact environnemental que l'on ne prend jamais en considération lors des événements sportifs, celui de la consommation des ménages. On a tendance à reproduire dans nos comportements ce que l'on voit à l'écran. Le sport a donc une responsabilité dans les modèles de société de consommation. En ce sens, il est légitime de se demander si l'on doit continuer de mettre en avant des produits et services qui sont incompatibles avec les limites planétaires.
Aujourd'hui 50 % des compétitions officielles de biathlon se font sur ski à roulettes. Il faut tendre au maximum vers des évolutions de ce genre, pour la simple raison de capacité à garder une planète habitable."
Au-delà de la baisse des émissions de gaz à effet de serre du secteur, le sport doit aussi s'adapter au monde de demain...
Oui, il y a l'atténuation d'une part et l'adaptation de l'autre. Que va-t-il falloir réduire et combien, puis à quoi va-t-il falloir s'adapter ? Comment un événement sportif peut-il anticiper les effets du changement climatique ? Cela peut par exemple passer par le fait d'éviter de consommer des ressources en eau à des moments où cette eau est en tension, arrêter de mobiliser des services de secours à des moments de crises tels que des incendies ou autres phénomènes climatiques. De même, il faut également penser à des solutions : la performance énergétique des bâtiments est par exemple une solution d'adaptation technologique aux fortes chaleurs. Il existe aussi des solutions organisationnelles : repenser les calendrier pour éviter les événements sur des périodes de températures extrêmes... De toute façon, on va se retrouver avec des incompatibilités sur des périodes autrefois praticables, qui ne le seront plus. Un exemple d'adaptation et d'évolution de la pratique est celui du biathlon : aujourd'hui 50 % des compétitions officielles se font sur ski à roulettes. Il faut tendre au maximum vers des évolutions de ce genre, pour la simple raison de capacité à garder une planète habitable. Toute stratégie RSE quelle qu'elle soit, qui n'aurait pas intégré les contextes climatiques futurs et serait construite sur la disponibilité des ressources actuelles, serait vouée à l'échec.
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