Les collectivités ont investi plus de 44 % supplémentaires dans la transition écologique entre 2017 et 2022.
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Climat

Climat : les élus des petites villes combatifs malgré les renoncements du gouvernement

En première ligne face aux conséquences parfois désastreuses du changement climatique, les élus des petites villes réunis en congrès ont témoigné jeudi de leur prise de conscience et de leurs actions, malgré les signaux politiques peu encourageants du gouvernement.

Depuis que sa ville a été frappée en octobre 2018 par de violentes pluies qui ont fait 15 morts au total, le maire de Trèbes (Aude) Eric Ménassi a totalement "changé de paradigme", faisant une croix sur l'idée même de croissance démographique pour sa ville de 5 500 habitants.

"Environ 80 % du territoire constructible est en zone inondable, c'est-à-dire que l'ambition que nous pouvons porter en matière de croissance démographique est quasiment nulle", a expliqué l'élu lors d'un débat consacré à l'urgence climatique.

Depuis, l'édile a fait appel au fonds Barnier pour raser 52 maisons et place désormais l'aménagement du territoire au "cœur de [sa] politique".

Pour ses XXVIIe assises organisées à Saint-Rémy-de-Provence (Bouches-du-Rhône), l'Association des petites villes de France (APVF), qui fédère les communes de 2 500 à 25 000 habitants, a choisi comme thème les transitions, à l'aube d'un nouveau mandat municipal.

126 ha rendus à la nature

À Anduze, commune gardoise de 3 300 habitants également victime de terribles inondations, les élus ont dû rendre à la nature une zone de 126 hectares, tandis qu'à Boussy-Saint-Antoine, commune de l'Essonne située en lisière de la forêt de Sénart, le maire Romain Colas doit composer avec des immeubles des années 1960 également en zone inondable.

"Lors de chaque épisode intense de crues de l'Yerres, la rivière qui traverse ma commune, des dizaines et des dizaines d'habitants sont directement concernés parce que l'eau rentre chez eux, et les immeubles deviennent des îles, privées de courant ou de chauffage", a-t-il raconté.

Signe que tout s'accélère, ce maire depuis 2008 a déjà connu trois crues majeures alors que son prédécesseur, élu pendant 25 ans, n'en a connu aucune.

Pour s'adapter, la commune entend créer une zone d'expansion des crues sur des terres agricoles, ce qui permettrait de retenir 750 000 m³ d'eau.

Dans le "creux de la vague"

Mais Romain Colas le sait, il lui faudra aussi briser certaines idées reçues auprès de ses administrés. "C'est toujours la nature qui gagne, même si nos concitoyens vivent toujours dans cette forme de croyance absolue en notre capacité à empêcher que les risques n'adviennent", reconnaît-il.

Suspension des aides à la rénovation énergétique, détricotage du Zéro artificialisation nette (ZAN), fin des zones à faibles émissions (ZFE), coupe du "fonds vert", les signaux envoyés au plus haut niveau par le gouvernement et le Parlement ne sont pourtant pas au vert.

"On ne peut pas lâcher prise, l'indolence climatique n'a aucune raison. On peut considérer que la dette de l'État ne fait pas de victimes mais la dette verte, la dette environnementale si", a lancé le président de l'association Christophe Bouillon dans son discours d'ouverture.

"Même si on est au creux de la vague par rapport à la préservation de l'environnement, il faut poursuivre, il faut tenir, parce que le réchauffement climatique lui ne va pas s'arrêter", a déclaré à l'AFP le paléoclimatologue Jean Jouzel, "grand témoin" de l'événement venu délivrer un message d'encouragement.

"Il y a quinze ans, on prêchait encore dans le désert et puis peu à peu la conviction est arrivée au moment où le réchauffement climatique est devenu perceptible", a-t-il déclaré aux élus, les appelant à continuer "de s'appuyer sur la science".

"On a le droit d'être inquiet"

Ces débats interviennent dans un contexte d'austérité budgétaire, alors que le gouvernement cherche 40 milliards d'euros d'économies pour 2026 et compte mettre à contribution les collectivités.

"Depuis quelques années, les planètes s'étaient pourtant alignées pour accélérer les investissements en matière de transition écologique, entre une volonté locale des élus et une volonté de l'État de soutenir l'investissement local", observe François Thomazeau, directeur de programme à l'institut I4CE.

Entre 2017 et 2022, les collectivités ont ainsi investi plus de 44 % supplémentaires dans la transition écologique.

"Évidemment, la question se pose maintenant de savoir si on est capable de poursuivre et si le prochain cycle qui s'ouvrira après les municipales de 2026 sera du même acabit, mais on a le droit d'être inquiet", ajoute-t-il.

Avec AFP.