Dans la province des îles Loyauté, en Nouvelle-Calédonie, les requins et tortues marines sont désormais des sujets de droits.
© Pascal Van de Vendel / Unsplash
Biodiversité

Nouvelle-Calédonie : les droits des requins et tortues marines bientôt défendus devant les tribunaux

Le 29 juin dernier, la province des îles Loyauté, en Nouvelle-Calédonie, a adopté une délibération qui reconnait les tortues marines et les requins comme "entités naturelles juridiques". Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Eclairage avec Victor David, chercheur en droit de l’environnement à l’Institut de recherche et de développement (IRD). 

C'est une première dans l’Hexagone. A l’issue d’une délibération le 29 juin 2023, la province des îles Loyauté, en Nouvelle-Calédonie, a créé une nouvelle catégorie juridique : les "entités naturelles juridiques" (ENJ). Les requins et les tortues marines sont les premiers à pouvoir bénéficier de ce statut. "Ces animaux ont une valeur symbolique dans la culture kanak. Les requins sont par exemple souvent assimilés aux ancêtres", détaille Victor David, chercheur en droit de l’environnement à l’Institut de recherches et de développement (IRD).  

Grâce à cette nouvelle réglementation, ces espèces seront avant tout mieux protégées et pourront défendre leurs droits devant les tribunaux grâce à des porte-paroles. Outre le président de la province des îles Loyauté, des autorités coutumières et des associations agréées pourront être désignés. Une bonne nouvelle pour la préservation de la biodiversité locale.  

En Nouvelle-Calédonie, les requins et tortues marines sont principalement menacés par la surpêche et la perturbation des habitats. "Cette catégorie juridique vient renforcer leur droit à un environnement sain. Cela implique le droit d’aller et venir librement dans le lagon et d’avoir un habitat le moins perturbé possible que ce soit par les pollutions plastiques ou celles aux hydrocarbures, et de manière générale par les activités humaines ”, explique le spécialiste.  

Faire avancer le droit 

Aujourd’hui, le droit français ne reconnait comme sujets de droits que les humains et les groupes d’humains. Le reste du vivant est uniquement considéré comme objet de droits. "Avec cette réglementation, on fait avancer le droit en proposant une troisième catégorie de sujets de droits", appuie le chercheur de l’IRD avant d’ajouter : "pour éviter d’utiliser le terme de 'personnalité juridique' en parlant d’espèces animales, végétales ou de sites naturels, nous avons adopté la terminologie d’entité naturelle juridique". 

Cette décision a pu aboutir grâce au cadre institutionnel particulier de la Nouvelle-Calédonie. Depuis les accords de Matignon de 1988, le droit français de l’environnement ne s’applique plus en Nouvelle-Calédonie et ses trois provinces qui bénéficient alors d’une relative autonomie réglementaire. "Chacune d’entre elles peut adopter sa propre réglementation en matière d’environnement sous réserve de respecter notamment la Constitution française et les traités internationaux signés par la France", précise Victor David. Ainsi, la province des îles Loyauté élabore depuis dix ans, avec l’appui scientifique de l’IRD, son code de l’environnement qui consacre désormais les requins et tortues marines comme "entités naturelles juridiques". D’autres espèces pourraient bientôt allonger la liste.  

Aux quatre coins du monde, la nature reprend petit à petit ses droits. En 2017, le fleuve Whanganui, en Nouvelle-Zélande, avait été reconnu comme personnalité juridique. En 2021, c’était au tour, de manière symbolique, du fleuve Tavignanu, en Corse.

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