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Pollution numérique : quels sont les gestes qui comptent ?

Selon le dernier bilan conjoint de l'ADEME et de l'Arcep, l'impact du numérique représente environ 2,5% de l’empreinte carbone de la France par an. En cause notamment : la production des matériaux et des équipements connectés, mais aussi les comportements des utilisateurs. Entretien avec Raphaël Guastavi, chef du service éco-conception et recyclage à l’ADEME, qui livre quelques solutions pour limiter son empreinte.

Publiée le 19 janvier dernier et commandée par l'Etat, une étude conjointe de l’ADEME et de l’Arcep mesure l’impact environnemental du numérique en France. Quels principaux enseignements en tirer ? Réponse avec Raphaël Guastavi, chef du service éco-conception et recyclage à l’ADEME.

Quel est l'impact du numérique à l'échelle de la France ?

L’impact du numérique représente environ 2,5% de l’empreinte carbone de la France par an, soit presque 17 millions de tonnes d’équivalent CO2 émis dans l'atmosphère. Les services numériques représentent, quant à eux, 10% de la consommation électrique française. Ces chiffres sont issus de la récente étude réalisée par l'ADEME et l'Arcep. Elle porte notamment sur le cycle de vie des matériels et sur l’ensemble de l'écosystème numérique : les réseaux, les infrastructures, les data centers et les terminaux. 

Quel poids représente la fabrication de nos appareils connectés dans la pollution numérique ?

La fabrication des terminaux a un impact prépondérant sur le climat mais aussi sur les ressources naturelles qui ne sont pas toutes renouvelables. L’empreinte matière est d’environ une tonne par an et par habitant. Cette quantité, nous ne la voyons pas car nos terminaux sont notre seul lien aux services numériques. Or, derrière, il y a des réseaux, des infrastructures et des centres de données qui sont de plus en plus nombreux et qui nécessitent de plus en plus de matière.

Par ailleurs, contrairement à la phase d’utilisation des appareils, qui repose sur un mix électrique peu carboné en France, la phase de fabrication a lieu dans des pays où le charbon est plus utilisé pour produire de l’électricité ce qui augmente l’impact carbone. L’apparition de nouveaux équipements connectés et miniaturisés a également des répercussions. Plus un produit est miniaturisé et complexe, plus il fait appel à des alliages qui mêlent un ensemble de matériaux difficiles à séparer et à recycler.

Tous ces équipements performants peuvent être reconditionnés. Le secteur de la seconde main représente t-il un marché économique et écologique ?

Pour cela, il faut que le consommateur joue le jeu d’utiliser le plus longtemps possible ses appareils. Le smartphone est un objet emblématique qui vient petit à petit remplacer l’ensemble des équipements, comme les appareils photo. Malgré tout, il y a une augmentation du nombre d'outils par personne. La possibilité de recourir à du reconditionné permet de réduire l’impact du numérique, à condition de ne pas changer son téléphone tous les ans. Il ne faut pas chercher à avoir la dernière version du téléphone d’une marque connue car ce type de reconditionnement reste une production avec des délais d’usage court.

Est-ce que la filière du recyclage est efficace en France ?

Les distributeurs et revendeurs de matériel ont l’obligation de reprendre les anciens appareils. En France, la filière du recyclage est très bien organisée et permet de valoriser au maximum tout ce qui est collecté. Il y a différentes étapes. D’abord, il faut trier ce qui est réemployable. Puis, la partie recyclage va chercher à démanteler les appareils pour en retirer le plus de matériaux réutilisables possible. Enfin, ce qui ne peut pas être recyclé, comme certains plastiques, va être broyé.

Aujourd’hui, il existe un grand plan de soutien aux projets d’industrialisation du recyclage des plastiques. Pour l’instant, ils sont valorisés par la combustion qui produit de l’électricité. Globalement, tous les déchets collectés en France dans les filières réglementées et surveillées sont valorisés à hauteur de 90%, mais seulement 50% sont récupérés. Il y a une grande marge de manœuvre concernant la collecte de ces déchets auprès des Français afin d’améliorer le taux de recyclage.

Quel est le meilleur geste à adopter concernant les téléphones dont on ne se sert plus ?

En France, il y a 60 millions de téléphones en fonctionnement et 25 millions achetés tous les ans. On estime qu’environ 100 millions de téléphones dorment dans des tiroirs. Selon leur âge, ils seront plutôt reconditionnés ou recyclés. À partir du moment où ils viennent se substituer à l’achat d’un appareil neuf, il y a un gain environnemental. Il faut revaloriser ces matériels à travers le recyclage. Dans notre quotidien, nous avons des objets qui peuvent être exploités pour leurs ressources et qui sont bien plus concentrées en termes de matériaux qu’une mine naturelle. Dans nos téléphones par exemple, il y a une forte concentration de métaux.

Que peut-on faire à son échelle pour faire avancer les choses ?

Le plus important est la prise de conscience concernant l’impact de nos appareils. Il faut les utiliser le plus longtemps possible et ne pas céder à la tentation de la nouveauté. Il convient également d’optimiser leurs usages en les utilisant dans les meilleures conditions possibles pour éviter les pannes. En cas de problème, il est possible de faire appel aux services de réparation qui se développent de plus en plus à des prix abordables. Il faut aussi éviter le suréquipement et l’objet gadget qui va servir deux fois et finira dans un tiroir.

Pour l’achat d’appareils neufs, il existe un indice de réparabilité qui permet d’identifier quel est l’ordinateur ou le smartphone le plus réparable et durable. Il s’agit également d’éviter la boulimie du numérique c'est-à-dire passer son temps devant un écran ou laisser tourner les appareils lorsqu'ils ne sont pas utilisés. En termes de vidéo, la qualité augmente, mais n’est-ce pas superflu ? Si on continue à faire exploser ces usages, ils pourraient devenir prépondérant dans l’impact environnemental.

Une interview réalisée en partenariat avec France Inter.  Écoutez la chronique Social Lab ici.

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