Si vous n’avez pas l’âme d’un geek, difficile d’avoir déjà entendu parler de l’impact environnemental du code informatique. Pourtant le code pollue. Mal conçu, il augmente la consommation d’énergie de la machine qui l’utilise, sa fluidité, sa batterie ou encore sa durée de vie. Il est partout. Commander un billet de train en ligne, se garer à l’aide d’une caméra de recul ou vérifier sa consommation d’énergie avec un thermostat connecté : toutes ces actions nécessitent un logiciel informatique. Donc, du code.
Le code énergivore
Le code est une écriture utilisée par un développeur pour concevoir un logiciel qui donne des instructions à une machine sur la manière de se comporter. Ces instructions sont lues par le processeur, le « cerveau » de la machine, qui les analyse, puis les traduit en langage binaire (composé de 1 et 0), celui de l’ordinateur, pour que l’appareil s’exécute. Étant un langage, il n’est pas une science exacte. « Un mauvais code est fait de beaucoup de lignes et de fonctions inutiles. Il demandera au processeur plus de calculs pour parvenir à un même résultat. L’ordinateur prendra plus de temps pour fonctionner et, donc, consommera plus d’énergie », explique Ly-jia Goldstein, développeuse chez Arolla, une entreprise qui fournit des logiciels et s’engage à respecter des pratiques de conception respectueuses de l’environnement.
L’idée émerge aujourd’hui de réduire l’empreinte environnementale d’un service numérique en développant un code plus sobre et mieux fabriqué : le green code. « L’optimisation du code a un impact direct sur la quantité d’énergie requise pour faire fonctionner un logiciel » explique Alain Anglade, ingénieur à l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).
Et l’enjeu est de taille. Selon Greenpeace, le secteur informatique représente aujourd’hui 7 % de la consommation mondiale d’électricité. Ce chiffre continue d’augmenter avec la multiplication des objets connectés, (entre 50 à 80 milliards d’ici 2020 selon les estimations d’Alain Anglade). Pour l’expert, « le risque est de courir à la catastrophe ».
Repenser le service numérique
Alors, comment optimiser un code pour moins consommer ? Thierry Leboucq, fondateur de Greenspector, propose un outil de mesure énergétique pour les logiciels des entreprises qui permet « de trouver les surconsommations dans le code et de les réduire ». Pour les appareils portables par exemple, l’autonomie des batteries est liée à la performance du code. Si ce dernier est plus efficace, requérant moins d’énergie pour s’exécuter, alors la durée de la batterie d’un appareil augmente : « nous avons permis à une application militaire de passer de 3 à 11h d’autonomie ».
Mais cela reste insuffisant pour Frédéric Bordage, de GreenIT. Le consultant préfère travailler directement sur le « gras numérique ». « L’essentiel, ce n’est pas d’optimiser un code déjà écrit mais de supprimer des fonctionnalités qui ne servent à rien » explique-t-il.
Il donne l’exemple de deux moteurs de recherche : « Sur Yahoo, on trouve le cours de la bourse, l’actualité etc. alors que sur Google il n’y a que la barre de recherche que vient chercher l’utilisateur et c’est tout ». Il s’agit de repenser le service numérique pour se recentrer sur le message essentiel. Ce qui implique moins de code.
Une prise de conscience trop faible
Derrière ces problématiques se cachent des enjeux économiques très forts. « Aujourd’hui les entreprises ne veulent pas être Yahoo, mais Google. Yahoo est mort parce qu’il était trop gras ! » explique Frédéric Bordage. Trop gras, c’est-à-dire composé de beaucoup de fonctionnalités, nécessitant du code pour exister, s’éloignant du but premier d’un tel site : la recherche sur internet.
Un constat partagé par Philippe Derouette qui travaille sur les questions de green IT pour le groupe Banque Populaire et Caisse d’Epargne. « Quand on propose du e-commerce, on impacte la machine de son internaute. Si l’on pompe toutes les ressources de son ordinateur, ça va ramer. Le client ne sera pas satisfait ». Le risque : le voir partir chez son concurrent.
Les questions écologiques deviennent secondaires. Selon Thierry Leboucq, les clients « préfèreront laisser un code tel quel s’ils n’ont pas aussi un intérêt économique à l’optimiser ». La prise de conscience reste encore très minoritaire. « Il manque un réveil des acteurs du secteur et notamment des pouvoirs publics » pour Caroline Vateau, membre de l’Alliance GreenIT. Beaucoup de chemin reste à parcourir.