Regarder un film en streaming, stocker un document sur le Cloud ou écouter une musique sur Internet… tant de gestes qui paraissent anodins mais qui, à l’échelle mondiale, ont un impact environnemental conséquent. Explications avec Frédéric Bordage, fondateur et directeur du site d’actualités du numérique responsable GreenIT.
Le numérique, bien qu’il ne produise pas de déchets a quand même un impact environnemental ?
Le numérique a un impact environnemental conséquent. Si l’on prend l’exemple d’Internet, on a réalisé une analyse de cycle de vie simplifié en 2015, on a regardé son empreinte écologique et c’est à peu près deux fois celle de la France. C’est un sixième continent tant sur les émissions de gaz à effet de serre que sur l’épuisement de ressources naturelles ou encore la consommation d’énergie.
Le plus gros c’est ce qu’on appelle le hardware, le matériel nécessaire pour naviguer, avoir accès à Internet etc…
Le gros de l’empreinte environnementale d’Internet se trouve effectivement dans les terminaux des utilisateurs, donc dans les équipements. On va avoir une certaine quantité d’impacts environnementaux qui ne sont pas seulement des gaz à effet de serre, il faut y ajouter l’épuisement de ressources naturelles.
On entend souvent dire : « Le Cloud a un impact environnemental » très fort, est-ce vrai ?
Le Cloud a un impact environnemental très fort car l’idée du Cloud, c’est de déplacer ses données personnelles ou professionnelles au milieu de l’Internet plutôt que d’accéder localement à ses données comme on le faisait avant sur son disque dur. On va avoir beaucoup d’échanges réseaux quelque soit le document utilisé, vous allez fréquemment le télécharger. La promesse du Cloud, c’est que vous allez pouvoir accéder à vos données de n’importe où avec n’importe quel équipement. Le Cloud nous incite à multiplier les équipements. Plus on ajoute des objets, plus on ajoute de l’empreinte environnementale.
Envoyer un mail paraît être beaucoup plus durable que d’envoyer un courrier.
Mieux vaut supprimer des images de 20 mégaoctets chacune que de supprimer 2000 e-mails de 100 kilos-octets. L’idée de supprimer les mails, c’est une idée qui est farfelue d’une certaine façon. Ce qu’il faut supprimer et ne pas transporter, ce sont les gros documents.
Quels autres impacts environnementaux peut-on évoquer ?
Les principaux impacts du numérique au sens large sont d’abord concentrés dans la phase d’extraction des matières premières et de leur transformation en composants électroniques qui jouent sur l’épuisement de ressources abiotiques qui sont toutes les ressources naturelles non renouvelables qui ont été fabriquées géologiquement il y a des centaines de millions d’années.
Après, on a tous les impacts liés au processus de transformation des matières premières en composants électroniques. Ça va être l’eutrophisation, le changement climatique, tout un tas d’impacts qui vont avoir un effet délétère sur la biodiversité et donc sur l’environnement.
Il n'y a pas que l'environnement qui est touché par l’extraction de ces ressources...
Les ressources naturelles notamment les minerais sont de plus en plus rares. Aujourd’hui, les diamants de sang ont été remplacés par les minerais des conflits qui sont devenus des pierres rares qui permettent malheureusement de financer les guerres civiles, notamment en Afrique.
Quels types de solution peut-on avoir à notre échelle pour avoir une approche plus durable et responsable ?
La clef quand on veut réduire son empreinte numérique, c’est d’abord allonger la durée de vie de ses équipements, conserver le plus longtemps possible ses terminaux. On va éteindre sa box quand on n’a plus besoin du réseau et on va éviter l’usage du Cloud. Si on regarde la télévision et notamment des flux synchrones comme le journal de 20H, on va privilégier la TNT plutôt que l’ADSL. En appliquant ces gestes relativement simples, on va réduire de façon très conséquente son empreinte environnementale.
Avez-vous des exemples pour donner une idée de l’empreinte numérique de l’activité française ?
Un internaute par an c’est aux alentours de 200 kilos de gaz à effet de serre, 3000 litres d’eau et environ 350 kwh d’énergie donc c’est une empreinte relativement conséquente. 200 kilos de gaz à effet de serre c’est à peu près ce que va émettre l’utilisation de dix ordinateurs portables. 3000 litres d’eau c’est ce qui permet de fabriquer 3 smartphones ou ce qui va permettre à un être humain de vivre pendant plusieurs années. 350 kwh d’énergie, ça commence à être conséquent sachant qu’un foyer c’est 6000 kwh d’énergie sur une année. A l’échelle du monde, l’Internet c’est deux fois l’empreinte de la France, c’est 1000 twh d’énergie, c’est vraiment important.
Interview réalisée en partenariat avec France Inter. Pour écouter la chronique Social Lab (Naviguer sur Internet n’est pas anodin pour la planète), cliquez ici.
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