©Yuka DR

Les applications pour passer nos cosmétiques au crible sont-elles fiables ?

QuelCosmetic, Yuka, CleanBeauty, Inci beauty, CosmEthics... Les applications vouées à décrypter la composition de nos cosmétiques fleurissent ces derniers mois. La Fédération des Entreprises de la Beauté (FEBEA) estime que nombre d'informations figurant sur ces plateformes "sont à ce jour erronées, obsolètes, partielles voire inappropriées". ID fait le point.

Nos gels douches, shampoings, déodorants et crèmes de jour contiennent-ils pour certains des "substances indésirables" ? Selon les éditeurs de plusieurs applications dédiées au décryptage de leur composition, oui. 800 000 utilisateurs se fient notamment aujourd'hui en France à l'application QuelCosmetic, lancée par l'association de consommateurs UFC Que-Choisir en mars dernier et qui permet de "détecter la présence de 143 substances indésirables ou allergisantes" dans plus de 130 000 références de produits. 

L'association de défense des consommateurs estime que certains produits cosmétiques sont à risque, et que 40 000 d'entre eux sont même à éviter. L'UFC évoque notamment les rouges à lèvres, dont 82 % contiendraient des hydrocarbures toxiques ou cancérogènes. Elle s'inquiète également de la présence de colorants fortement allergisants dans 80 % des teintures capillaires, et de la présence de "filtres UV et d'émollients perturbateurs endocriniens dans près de trois quarts des crèmes pour le visage teintées". D'autres applications telles que CleanBeauty, Inci beauty ou CosmEthics invitent également les consommateurs à scanner le code-barres ou la liste des ingrédients des produits cosmétiques qu'ils convoitent (dentifrices, crèmes solaires, maquillage...). Yuka, la célèbre plateforme qui scrute les ingrédients de nos produits alimentaires et revendique aujourd'hui six millions de téléchargements, a également développé son volet "cosmétiques". 

Des contradictions entre les applications 

Face à ce déploiement d'outils en ligne et à la récente mise à jour de l'application QuelCosmetic, le Syndicat professionnel des entreprises de beauté et de bien-être (FEBEA) a réagi le 19 octobre dernier dans un communiqué dans lequel il demande "plus de rigueur scientifique". Ce dernier affirme que nombre d'informations figurant dans ces applications sont "à ce jour erronées, obsolètes, partielles voire inappropriées, ou reposent sur des bases sans fondement scientifique robuste et/ou sur des algorithmes inappropriés". La FEBEA déplore aussi des contradictions entre les applications sur les mêmes sujets, qui entretiennent selon elle une confusion portant "préjudice à l'information, à la sécurité et à la santé de l’ensemble de la population". 

Là où l'on est d'accord, c'est qu'il y a des applications qui ne donnent pas la même appréciation sur le même cosmétique et ça, c'est embêtant.

Olivier Andrault, chargé de mission à l'UFC-Que Choisir

"C'est assez inévitable, la FEBEA est un peu payée pour cela, répond Olivier Andrault, chargé de mission à l'UFC-Que Choisir. Sa communication est très habile. Elle ne dit pas 'on reproche ceci à telle application et cela à telle autre'. Elle parle 'des' applications, 'des' informations inappropriées... C'est assez vague. Là où l'on est d'accord, c'est qu'il y a des applications qui ne donnent pas la même appréciation sur le même cosmétique et ça, c'est embêtant." 

Sur ce point, M. Andrault soutient que l'appréciation de l'application QuelCosmetic repose sur des données issues d'instances scientifiques reconnues. "En France, nous nous basons sur l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé, au niveau européen sur le Comité Scientifique pour la Sécurité des Consommateurs, et à l’international sur le Centre International de Recherche sur le Cancer. (...) On a fait des recherches de bibliographie scientifique". Pourquoi certaines applications ne donnent-elles pas alors la même appréciation sur un même cosmétique ? D'après le chargé de mission à l'UFC-Que Choisir, la réponse est simple : "Probablement que les références de notation de certaines applications ne sont pas exclusivement des positionnements scientifiques d'instances reconnues."

Un principe de précaution ?

Du côté de Yuka, on soutient également que "chaque analyse d'ingrédient repose sur des sources scientifiques et fiables". "Nous avons d'ailleurs décidé de les afficher dans l'application dans la prochaine mise à jour afin que cela ne puisse pas être utilisé comme un argument par les marques pour se défendre de faire des produits avec des substances controversées", précise Julie Chapon, cofondatrice de l'application. "Les marques se cachent derrière le fait que ces substances sont autorisées par la législation", estime-t-elle. La FEBEA réaffirme d'ailleurs à ce sujet que les produits cosmétiques mis sur le marché le sont "dans le strict respect des réglementations européennes et nationales", et ne sont donc "en aucun cas à risque, ni dangereux quelle que soit la population à laquelle ils sont destinés".  

"On n'a jamais dit que ces substances n'étaient pas autorisées, pointe à son tour Olivier Andrault. Ce que nous dénonçons, c'est le temps parfois extrêmement long entre le moment où un organe scientifique alerte les autorités en disant qu'il y a un problème avec telle molécule à tel dosage par rapport à tel profil de consommateurs les plus sensibles, et le moment, de nombreuses années plus tard, où la Commission européenne va traduire ces recommandations en restrictions règlementaires. La règlementation est un compromis entre les recommandations des scientifiques, les demandes des fabricants qui très souvent font faire leur lobbying, et l'instance politique qu'est la Commission européenne."

Le fait que la recherche soit toujours en cours n’empêche pas d’alerter sur ce qui a été publié à ce jour et d’informer sur les risques potentiels déjà soulevés dans de premières études et analyses.

Julie Chapon, cofondatrice de Yuka

Pour la cofondatrice de Yuka, le fait que les ingrédients soient autorisés en Europe ne veut pas dire qu’ils sont sans risque. "On sait qu’il faut des années et des dizaines d’études avant qu’une substance controversée soit interdite. Le fait que la recherche soit toujours en cours n’empêche pas d’alerter sur ce qui a été publié à ce jour et d’informer sur les risques potentiels déjà soulevés dans de premières études et analyses".

Permettre aux consommateurs de décrypter de la sorte les substances présentes dans leurs cosmétiques est ainsi une manière, d'après Julie Chapon, d'appliquer "le principe de précaution" sur ce sujet.

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