Cette mobilisation "citoyenne" tombe au lendemain de la nomination au poste de Premier ministre de Sébastien Lecornu, jusqu'alors ministre des Armées. Celui-ci succède au centriste François Bayrou, démissionnaire après la chute lundi de son gouvernement lors d'un vote de défiance des députés sur son plan de désendettement du pays.
Alors que la passation de pouvoir entre les deux hommes est prévue mercredi à 12H00 (10H00 GMT) à l'hôtel Matignon, dans le centre de Paris, le ministre de l'Intérieur démissionnaire Bruno Retailleau a prévenu que des forces de sécurité seraient déployées dès mardi soir "sur des zones sensibles", promettant une "tolérance zéro".
Il a annoncé dès lundi soir que "80.000 gendarmes et policiers" seraient mobilisés dans toute la France. Difficile de savoir quel impact aura la nomination du nouveau Premier ministre, critiquée d'emblée par les oppositions, sur le mouvement. Mais pour le Parti socialiste, en plaçant à la tête du gouvernement cet homme issu de la droite, le président Emmanuel Macron "prend le risque de la colère sociale" et "du blocage institutionnel".
Certains voient dans ce mouvement alimenté par les coupes budgétaires voulu par le gouvernement démissionnaire, le retour possible d'une vague de colère similaire à celle des "gilets jaunes" qui avaient secoué le pays de 2018 à 2019.
Mouvement horizontal, né aussi sur les réseaux sociaux et sans chef de file identifié, il rassemble toutefois des personnes plus jeunes et plus politisées que les Gilets jaunes, selon une enquête de la fondation Jean Jaurès.
Près de sept ans après ces manifestations, parfois violentes, "les ingrédients de la colère (sentiment de déclassement du bas de la classe moyenne, fin de mois difficiles pour les catégories populaires et ras-le-bol fiscal généralisé) n'ont pas disparu", relevait récemment un responsable de l'institut de sondage Ifop Jérôme Fourquet.
"Actions coup de poing"
Mercredi, des grandes métropoles aux petites villes, des centaines d'actions sont prévues à travers le pays, selon un bilan provisoire s'appuyant sur une carte collaborative.
Au programme: blocages d'universités, de sites d'entreprises, barrages filtrants sur les axes routiers de villes de l'Ouest, opérations péages gratuits sur les autoroutes, rassemblements dans les gares, manifestations dans certaines villes...
Le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, a dit mardi s'attendre à des "actions coups de poing", blocages voire sabotages. La porte-parole de la police nationale, Agathe Foucault, a elle évoqué mardi soir "600 actions de voies publiques identifiées" mais pas déclarées.
Côté transports, la Direction générale de l'Aviation civile (DGAC) a prévu des perturbations et des retards "sur l'ensemble des aéroports français", et le trafic ferroviaire sera perturbé sur de nombreuses lignes régionales, notamment en région parisienne, selon la SNCF.
Des tentatives de blocages de portes de Paris, des rocades de plusieurs villes et d'autoroutes sont aussi prévues. Les autorités surveillent particulièrement les "points d'intérêts vitaux", comme les raffineries.
La contestation porte notamment sur le plan de désendettement annoncé mi-juillet par M. Bayrou (suppression de deux jours fériés, allongement du délai de carence en cas d'arrêt maladie, doublement des franchises médicales, monétisation de la cinquième semaine de congés payés...).
La dette de la France, la troisième plus importante de la zone euro derrière la Grèce et l'Italie, représente près de 114% du PIB. Paris est également sous la menace d'une dégradation de sa note par l'agence Fitch vendredi.
Cette mobilisation, qui rejette également les classes dirigeantes, en particulier Emmanuel Macron, regroupe des électrons libres penchant souvent à gauche, d'anciens "gilets jaunes", et des militants de partis politiques comme La France Insoumise (gauche radicale) et de certains syndicats, comme la CGT. La Confédération paysanne, 3e syndicat agricole français, a également annoncé sa participation.
Une journée de mobilisation intersyndicale doit également avoir lieu le 18 septembre.
Avec AFP.