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Vers la gratuité des frais universitaires ?

Dans une décision "inédite", le Conseil constitutionnel a consacré le principe de gratuité de l'enseignement supérieur public, soulevant des questions sur les hausses de frais décidées pour les étudiants étrangers mais aussi sur l'ensemble du modèle universitaire français.

Les sages ont tranché vendredi une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) invoquée en juillet par trois associations, relatives à la hausse des frais d'inscription pour les étudiants étrangers extra-communautaires, décidée l'an dernier par le gouvernement. Dans sa décision, le Conseil constitutionnel "déduit de façon inédite" que "l'exigence constitutionnelle de gratuité s'applique à l'enseignement supérieur public".

Pour autant, "cette exigence ne fait pas obstacle, pour ce degré d'enseignement, à ce que des droits d'inscription modiques soient perçus en tenant compte, le cas échéant, des capacités financières des étudiants". Reste à préciser l'interprétation du terme "modiques". Seule une poignée d'universités a décidé de mettre en place dès la rentrée la hausse des frais pour les étrangers hors Union européenne, qui porte à 2770 euros les frais d'inscription en licence et 3770 euros en master, contre respectivement 170 euros et 243 euros pour les jeunes Européens. "Ces frais équivalent environ à un tiers du prix réel des formations, on considère qu'il s'agit bien d'un coût modique", explique-t-on au ministère de l'Enseignement supérieur.

Les parlementaires du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) appellent d'ores et déjà le gouvernement à revoir sa copie. "Si le principe de gratuité de l'enseignement supérieur doit être sanctuarisé pour les étudiants français, il n'est pas acceptable que l'impôt des Français paie l'intégralité du coût des études des étrangers", s'inquiète pour sa part le président de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan.

"Cette décision nous concerne tous"

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a aussi fait le choix de laisser à l'exécutif la faculté de fixer seul le montant des droits d'inscription, sous le contrôle du juge. "Avec ce garde-fou constitutionnel, il ne sera plus loisible à l'exécutif de procéder à une augmentation généralisée et importante des frais d'inscription dans l'enseignement supérieur", se félicitent plusieurs associations comme l'Unef, le Snesup-FSU, Solidaires ou FO, farouchement opposées à une hausse des droits universitaires. Elles attendent désormais une décision du Conseil d'Etat, amené à trancher sur le sujet dans les mois à venir. "On s'en remet à la sagesse du Conseil d'Etat dans la décision qu'il rendra", confie-t-on dans l'entourage de la ministre Frédérique Vidal. "Pour nous, l'objectif de cette décision sera de garantir la stabilité du système dans son ensemble".

Car plusieurs acteurs de l'enseignement supérieur craignent une décision susceptible de déstabiliser les équilibres de financement de tout le modèle français. "C'est bien l'ensemble des établissements publics d'enseignement supérieur - universités, écoles d'ingénieurs et grands établissements publics, qui sont concernés", souligne la Conférence des présidents d'université (CPU). Son président, Gilles Roussel, cite par exemple Science-Po, Dauphine ou toutes les écoles d'ingénieur, potentiellement menacées. "Cette décision nous concerne tous, tout le modèle économique de l'enseignement supérieur français", réagit pour sa part Anne-Lucie Wack, présidente de la CGE (Conférence des grandes écoles). "C'est un vrai enjeu. Mais reste au Conseil d'Etat de dire ce que le terme modique signifie". Les écoles d'ingénieur s'inquiètent notamment d'une remise en cause de leur modèle. En effet, leur coût varie entre 600 et 3800 euros, précise Jacques Fayolle, le président de la Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs (CDEFI). Or, selon les écoles publiques et les domaines, ces droits représentent entre 5 et 25 % des coûts des formations d'ingénieurs, ce qui est "modique", argumente-t-il. "Cela pose la question de quelle formation technologique on veut en France", ajoute-t-il.

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Avec AFP.