Le jardin Cocagne de Limon, à Vauhallan
©Fondation-Bettencourt-Schueller
Social

Jardins de Cocagne : des paniers bio, locaux et solidaires !

« Proposer des paniers de légumes bio à des adhérents consomm’acteurs en aidant des personnes en situation précaire à retrouver le chemin de l’emploi », tel est le pari lancé en 1991 par Jean-Guy Henckel, fondateur du premier jardin de Cocagne, à Besançon. 25 ans après, le réseau compte 101 jardins, emploie 815 salariés permanents, 4000 jardiniers en réinsertion et distribue chaque semaine 25 000 paniers bio ! Retour sur la merveilleuse histoire du pays de Cocagne.

Dans les années 70, Jean-Guy Henckel, sociologue de formation et éducateur dans un centre d’hébergement pour personnes en grande difficulté lance, avec une poignée d’autres, ce qui deviendront 15 ans plus tard les premiers chantiers d’Insertion par l’Activité Economique. « En 1988, après la mise en place du RMI, une étude laissait apparaître de nouvelles formes de pauvreté, pour lesquelles il n’y avait pas de réponse, touchant notamment les femmes seules ou encore les agriculteurs. On a alors eu l’idée de lancer pour eux une entreprise d’insertion en pariant sur le travail de la terre, très restructurant aussi bien psychologiquement que physiquement, et sur la mixité sociale. »

Au départ, tout le monde m’a pris pour un fou »

Avec un ingénieur agronome, ils étudient le modèle japonais des Teï Ki, ces coopératives maraîchères qui produisent des légumes pour les vendre localement. Il reprend le modèle économique de la distribution locale de paniers et lui ajoute un volet social et environnemental. « A l’époque, tout le monde m’a pris pour un fou ! », se souvient-il. « Des femmes et des hommes de tous âges qui se muent en maraîchers biologiques, les agriculteurs du coin m’ont pris pour un marginal ! Des paniers de légumes vendus d’avance et pour un an, dont on ne choisit pas le contenu… Les entrepreneurs riaient sous cape et j’ai eu un mal fou à convaincre les élus locaux de subventionner le projet ».

« Le jardin produit 100 légumes bio différents sur 50 semaines par an, lesquels sont distribués sous la forme de paniers hebdomadaires »
©JdC/Les-potagers-du-Garon

Un modèle à mi-chemin entre social et économie

Pourtant, en 1991, avec l’aide de Catherine et Didier, deux encadrants maraîchers et une douzaine d’hommes et de femmes (SDF, femmes seules, habitants de quartiers défavorisés…), naît le premier jardin de Cocagne, à Besançon. Sous la houlette de l’association Julienne Javelle, l’exploitation maraîchère de 4 hectares prend la forme d’un Atelier et Chantier d’Insertion (ACI) et « produit selon un plan de culture très précis et complexe,100 légumes biologiques différents sur 50 semaines par an. Prévendus et distribués sous la forme de paniers hebdomadaires à des adhérents-consomm’acteurs, ils génèrent une partie des revenus. L’autre partie étant constituée de subventions », explique Jean-Guy. Les jardiniers, des personnes en situation précaire y sont embauchés en contrats aidés pour une durée de 1 à 2 ans. L’objectif : les aider à retrouver un emploi et à (re)construire un projet professionnel et personnel. A sa « grande surprise », après une centaine d’adhérents, ce sont les médias qui s’emballent autour de l’idée, aussi utopique, qu’innovante.

La politique d’essaimage est un succès

« On a reçu des appels de partout en France, se souvient-il. Travailleurs sociaux, associations, élus, chômeurs, agriculteurs, chefs d’entreprise, tous voulaient savoir comment faire pour créer un jardin ! ». Blois, Avignon, Roman, Thaon-les-Vosges, les jeunes pousses créént un véritable réseau et une mission d’essaimage est mise en place sous l’égide de la FNARS (Fédération Nationale des Associations de Réinsertion Sociale), puis sous une entité propre : le Réseau Cocagne, créé en 1999. « Nous avons constitué un groupe d’appui national et avons essayé d’essaimer le concept le plus possible », se souvient Jean-Claude Vorgy, Premier Président du Réseau Cocagne jusqu’en 2010 et fondateur du jardin de Thaon-les-Vosges. D’un puis deux salariés permanents, dont Jean-Guy qui parcourt la France pour apporter son expérience au montage d’autres jardins, le réseau et les jardins emploient aujourd’hui 750 salariés permanents et représente un CA de 12,2 millions d’euros pour l’activité de vente de paniers de légumes.

Associations, élus, chômeurs, agriculteurs, chefs d’entreprise, tous voulaient savoir comment faire pour créer un jardin ! », Jean-Guy Henkel, fondateur du Réseau Cocagne.

101 jardins au Pays de Cocagne

« Le réseau était un passage obligé pour accompagner notre changement d’échelle », explique-t-il. « Sa vocation est bien sûr de créer de nouvelles entreprises solidaires, mais aussi de consolider les jardins existants en les aidant à se former pour se développer et intensifier l’action sociale. » Toujours en expansion, le réseau Cocagne rassemble aujourd’hui 101 jardins, 27 entreprises solidaires associées (Conserverie et fabrication de jus de pomme à Besançon, Tables de Cocagne bio dans le Pas de Calais, Fleurs de Cocagne à Avignon…). En 2017, avec une surface de 3,9 hectares en moyenne par jardin, c’est près de 580 hectares qui sont cultivés en bio par le réseau en France. « Et chaque semaine, pas moins de 20 000 paniers bio, locaux et solidaires sont distribués dans 400 points de dépôt, entre 8 et 12 euros pour les petits paniers et entre 12 et 17 euros pour les paniers familiaux ». Environ 4 000 salariés en insertion y sont employés chaque année. A l’issue de leur passage sur un Jardin, près d’un salarié en insertion sur deux retrouve un emploi durable ou une formation professionnelle ».

Un fonds d’investissement solidaire

Prochaine étape, la création de la Maison Cocagne à Vauhallan sur le plateau de Saclay : jardin à grande échelle, centre de formation, pôle de recherche et développement et Table de Cocagne. Pour financer ce projet d’envergure, en plus des partenariats avec les pouvoirs publics et des entreprises privées, le réseau a créé Cocagne Investissement, un fonds d’investissement propre, pour permettre à tous de devenir actionnaires solidaires et soutenir les projets Cocagne.