Une fois terminée, la mégabassine de Sainte-Soline, d’une capacité de 10 hectares, pourra accueillir 627 000 m3 d’eau.
©XAVIER LEOTY/AFP
Politique

Mégabassines : où en est le projet de Sainte-Soline ?

Désastre écologique pour certains, solution agricole pour d’autres : les débats autour des réserves de substitution d’eau dans les Deux-Sèvres sont toujours d’actualité. ID fait le point sur la situation à Sainte-Soline, plus gros projet de bassine du département.

Un an après la manifestation qui a secoué les Deux-Sèvres, le projet de mégabassine continue à Sainte-Soline. Des militants avaient été grièvement blessés, au cours du week-end du 25 mars 2023, deux sont même tombés dans le coma, mais ces incidents n’ont pas empêché les travaux de continuer. Après cette mobilisation, le chantier de réserve d’eau à ciel ouvert avait été mis sur pause, avant de reprendre quinze jours plus tard.

Les travaux ont suivi leur cours, malgré quelques perturbations hivernales, causées par les fortes pluies qui ont touché la région. La Coop de l’eau 79, en charge du projet, a récemment annoncé qu’il ne restait "plus que les bâches à installer pour que les travaux soient terminés". Une finalisation qui ne sera pas pour tout de suite, car l’arrivée de l’été va mettre en pause le projet pour quelques mois. Le lieu d’implantation de la réserve du substitution étant classée zone Natura 2000, pendant la période de nidification des oiseaux, les travaux y sont donc strictement interdits. Le projet va ainsi être arrêté de début avril à fin août et reprendra en septembre.

627 000 m3 d’eau retirés des nappes phréatiques

Une fois terminée, la mégabassine de Sainte-Soline, d'une capacité de 10 hectares pourra accueillir 627 000 m3 d’eau. Un projet à 6,5 millions d’euros, qui bénéficiera à certains agriculteurs de la Coop de l’eau 79. Ces derniers pourront utiliser l’eau, pompée dans les nappes phréatiques en hiver, pour irriguer leurs champs au moment des sécheresses estivales, de plus en plus régulières en raison du réchauffement climatique. En échange, ces agriculteurs doivent s’engager à faire des économies d’eau, ou à limiter leur utilisation des pesticides. Mais cela ne suffit pas, pour les militants écologistes, qui demandent l'arrêt des projets de mégabassines, jugés néfastes à l'environnement.

"Les débits, même en période de recharge, sont parfois trop faibles pour assurer à la fois la recharge de la nappe et le remplissage des bassines, assure Laurent Husson, membre du collectif opposé au projet Scientifiques en rébellion. Le réchauffement climatique serait aussi un enjeu considérable de ce projet. Les capacités de recharge dépendent des précipitations, "or dans toute la grosse moitié sud de la France, la tendance est baissière et les prédictions ne sont pas encourageantes, précise Laurent Husson. Il est dès lors très probable que la recharge de ces bassines sera de plus en plus délicate et mettra en péril les nappes afférentes."

Un projet de 16 réserves de substitution

Si l’on parle majoritairement de Sainte-Soline, c’est que le projet qui y est lancé est particulièrement important. Mais la mégabassine solinoise s’inscrit dans un ensemble de 16 retenues, d’une capacité totale de près de six millions de mètres cubes. Scientifiques en rébellion dénonce "un accaparement des ressources en eau", qui bénéficiera aux exploitations d'agriculture intensive. "Ce modèle agricole est de plus en plus gourmand en ressources, et cette gourmandise est in fine préjudiciable aux plus petites exploitations qui elles, sont (souvent) plus respectueuses de l'environnement", dénonce Laurent Husson dans les colonnes d'ID. En ce qui concerne Sainte-Soline, la mégabassine profitera à 26 exploitants.

Dans un communiqué de presse publié le 23 mars 2023, Thierry Boudaud, président de la Coop de l'eau 79, défendait le projet des 16 bassines, le décrivant comme "un projet coopératif qui défend un modèle d’agriculture familial reposant sur la polyculture et l’élevage." Le président démentait aussi tout rapport avec l'agriculture intensive : "L’autonomie de nos élevages en alimentation et la production locale de protéines végétales sont des priorités que nous pourrons sécuriser grâce à un accès à l’eau. Nous n’avons rien à voir avec l’agro-industrie."

Au total, une centaine de réserves de substitution sont en projet en France, mais aucun décompte précis n’existe au niveau national. Près de la moitié se trouve uniquement dans le Poitou-Charentes.

Carte réalisée par le collectif Bassines Non Merci - Voir en plein écran

Fin 2023, 15 projets de mégabassines avaient été annulés, sur décision du tribunal administratif de Poitiers. Les associations espèrent désormais une décision de la cour d’appel de Bordeaux, entre juin et septembre. Mais si le projet n’est pas annulé, le premier remplissage de la mégabassine de Sainte-Soline devrait avoir lieu au cours de l’hiver 2024-2025.