Les mesures restrictives en matière de commerce pèsent lourd sur le sommet des Nations Unies sur le climat de cette année, la Chine faisant pression pour un accès plus large au marché pour ses technologies vertes et les principales économies en développement contestant la nouvelle taxe carbone aux frontières imposée par l'Europe sur les importations à forte intensité de carbone comme l'acier et les engrais.
Même les petits pays en développement dont les exportations ne sont pas visées par le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) de l'Europe craignent des mesures plus larges à venir.
"Le commerce, contrairement aux COP précédentes, occupe déjà une place prépondérante à cette conférence", a déclaré Li Shuo, directeur du China Climate Hub à l’Asia Society Policy Institute, à l’AFP. "On peut d’ores et déjà s’attendre à ce qu’il constitue l’élément le plus important des résultats."
Traditionnellement, les discussions ont été dominées par l'ambition climatique et le financement : dans quelle mesure les principaux émetteurs réduiront la pollution, et combien d'argent les pays riches fourniront pour aider les pays en développement à s'adapter et à accélérer leur transition hors des combustibles fossiles.
Des pays comme la Chine, l'Inde et le Brésil ont tenté à plusieurs reprises, sans succès, d'inscrire le commerce à l'ordre du jour des COP. La situation est en train de changer.
Un projet de texte publié mardi par la présidence brésilienne – considéré comme ouvrant la voie au texte final – place le commerce en deuxième position de ses quatre principaux points.
"Libre circulation des produits verts"
Le ton avait été donné plus tôt lors d'un sommet des dirigeants en novembre, lorsque le vice-premier ministre chinois Ding Xuexiang avait exhorté les pays à « supprimer les barrières commerciales et à assurer la libre circulation de produits verts de qualité ».
L'UE impose des droits de douane élevés sur les véhicules électriques chinois — pouvant atteindre plus de 45 % selon l'entreprise — tandis que le Canada et les États-Unis vont encore beaucoup plus loin, dépassant les 100 %.
Un négociateur d'Asie du Sud-Est a déclaré à l'AFP que ces réalités irritent les pays d'Asie, qui achètent massivement des technologies vertes chinoises bon marché pour accélérer leur transition, et trouvent "illogique" et "incohérent" que les nations occidentales refusent de faire de même.
"Nous devons parvenir à une décarbonation radicale de l'économie mondiale au cours des deux prochaines décennies si nous voulons atteindre les objectifs de température de l'Accord de Paris", a déclaré Alden Meyer, du groupe de réflexion E3G, à l'AFP.
Dans la mesure où les politiques commerciales créent des obstacles à la réalisation de cet objectif, c'est un sujet légitime."
Le CBAM de l'Union européenne est un autre point de friction.
Cette politique vise à uniformiser les règles du jeu pour les industries soumises à la réglementation européenne sur les émissions en empêchant les entreprises de se délocaliser vers des pays aux normes moins strictes.
Mais les principales économies en développement, notamment l'Inde et l'Afrique du Sud, sont fortement exposées.
CBAM et au-delà
"Les pays du Nord, après s'être développés grâce à des industries à forte intensité de carbone, ferment désormais leurs portes aux pays du Sud", a déclaré à l'AFP Mohamed Adow, du groupe de réflexion Power Shift Africa.
Les préoccupations dépassent également le cadre des secteurs couverts par la CBAM. Un négociateur africain d'un pays exportateur de cacao a déclaré que la suspension par l'UE de sa réglementation sur la déforestation – qui exige de prouver que les matières premières ne proviennent pas de terres récemment défrichées – constituait une autre source majeure d'inquiétude.
L'UE insiste sur le fait que le CBAM n'est pas une politique commerciale mais une politique climatique.
"La tarification du carbone est une mesure que nous devons mettre en œuvre avec le plus grand nombre de pays possible, et ce, le plus rapidement possible", a déclaré lundi Wopke Hoekstra, commissaire européen au climat.
Nous ne nous laisserons pas abuser par l'idée que le mécanisme d'évaluation des émissions de carbone (CBAM) soit une mesure commerciale unilatérale."
"Certains pays disent une chose lors des négociations et une autre chose lors de nos échanges bilatéraux", a déclaré à l'AFP Mattias Frumerie, ambassadeur suédois pour le climat, expliquant que, dans le cadre privé, certains pays accueillent favorablement le CBAM comme une incitation à la décarbonation.
Bruxelles affirme que le CBAM a été conçu pour être conforme aux règles de l'Organisation mondiale du commerce.
La Russie a déposé une plainte, mais le mécanisme de règlement des différends de l'OMC étant de facto paralysé depuis 2019, les opposants cherchent d'autres instances pour faire part de leurs préoccupations, d'autant plus que le Royaume-Uni et le Canada mettent en place leurs propres mécanismes.
David Waskow, directeur de l'Initiative internationale pour le climat du World Resources Institute, a déclaré que même si le commerce figure dans le texte final de la COP, personne ne s'attend à ce que le sommet résolve "magiquement" ces différends. "Ils veulent les faire ressurgir, ils veulent se provoquer", a-t-il déclaré à l'AFP.
"Parfois, cela peut mener à un réajustement des politiques."
Avec AFP.