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La Chine et les marchés émergents en première ligne de la révolution environnementale ?

Alors que l’Europe a lancé un vaste plan de relance verte pour contrer l’impact économique de la Covid-19 l’année dernière, les pays émergents n’ont pas été en reste. La Chine a notamment surpris le monde en septembre dernier en annonçant son intention d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2060, en avance d’environ 40 ans sur les prévisions de la plupart des experts. 

Bien que cet objectif puisse paraître éloigné dans le futur, il aura de fortes répercussions sur le présent, en particulier sur la politique chinoise en matière d’énergies renouvelables et de véhicules électriques. La Chine, qui est déjà le plus grand installateur d’énergies renouvelables au monde, est également à l’origine de 50% des ventes totales de véhicules électriques (VE) en 2020[1], et nous pensons que l’objectif de neutralité carbone aura pour effet d’accélérer davantage son désengagement des combustibles fossiles, tout en encourageant d’autres pays à l’imiter.

 

DES CAPACITÉS EN ÉNERGIES RENOUVELABLES DÉMULTIPLIÉES

 

La Chine est aujourd’hui responsable de près d’un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), deux fois plus que les États-Unis, et trois fois plus que les émissions de GES de l’Europe[2]. La plupart de ces émissions peuvent être liées à la forte dépendance de la Chine vis-à-vis des combustibles fossiles, qui représentent actuellement 85% de son mix énergétique[3]. La Chine s’est déjà tournée vers les énergies renouvelables, dont la part dans le mix énergétique est passée de 5% à 15% au cours des 20 dernières années, devenant au passage le premier producteur d’électricité éolienne et solaire, avec plus de 450 GW installés. L’accroissement des capacités en énergies renouvelables de la Chine a atteint un record en 2020, avec 120 GW de capacités ajoutées (72 GW d’énergie éolienne et 48 GW d’énergie solaire). Toutefois, pour atteindre la neutralité carbone, il faut aller beaucoup plus loin.

 

Les experts estiment en effet que la part des combustibles fossiles devrait descendre sous les 20%[4]. Même si certains n’ont pas pris au sérieux l’annonce de septembre et l’ont qualifiée de vœu pieux, voire de petite provocation, suite à la sortie des États-Unis de l’Accord de Paris, la Chine a néanmoins tenu à expliquer comment elle entendait atteindre son objectif. Le Président Xi a profité du Sommet sur l’ambition climatique pour détailler la feuille de route de la Chine en vue de parvenir à la neutralité carbone.

 

La Chine vise à atteindre le « pic carbone », c’est-à-dire son niveau d’émissions de GES le plus élevé au cours de la décennie en cours. Elle a également fixé trois objectifs intermédiaires pour 2030. Premièrement, réduire les émissions de CO2 par unité de PIB de la Chine à 65% des niveaux de 2005, deuxièmement, réduire la part des combustibles fossiles dans le mix énergétique sous la barre des 75%, et enfin, atteindre au moins 1 200 GW de capacité énergétique solaire et éolienne installée. Le 14e plan quinquennal pourrait fournir encore plus de détails sur la feuille de route.

 

AMBITIONS FORTES SUR LES VÉHICULES ÉLECTRIQUES

 

Les véhicules électriques (VE) devraient également bénéficier de l’objectif de neutralité carbone en 2060. Les transports sont responsables de 45% de la demande de pétrole en Chine[5], et l’adoption du véhicule électrique devrait contribuer à réduire cette charge. Le taux de pénétration des véhicules électriques et hybrides en Chine est passé de 1,0% en 2015 à 6,2% en 2020[6], malgré une baisse des subventions. Ce chiffre est supérieur à celui que l’on observe dans la plupart des pays, à l’exception des pays nordiques. La Chine représente déjà 50% des ventes mondiales de VE[7]. Le Conseil des affaires de l’État a récemment adopté un plan de développement des VE afin d’atteindre une part de 20% de véhicules électriques parmi les ventes de voitures neuves d’ici 2025 et de 50% d’ici 2035. Il s’est également penché sur la question des infrastructures de recharge, afin que chaque VE dispose d’une borne de recharge, un objectif qu’il tentera d’atteindre en imposant l’installation d’une borne obligatoire pour chaque nouveau bâtiment résidentiel et en ayant au moins 10% d’espaces de stationnement équipés d’une borne de recharge.

 

POURQUOI UN TEL ENGAGEMENT DE LA CHINE MAINTENANT ?

 

Au-delà de l’engagement de la Chine à réduire l’impact du changement climatique (la Chine lutte depuis de nombreuses années contre la pollution atmosphérique avec ses restrictions hivernales), nous pourrions interpréter cette transition vers les énergies renouvelables comme un effort en vue d’assurer la sécurité énergétique. La réduction de la part des combustibles fossiles permettra de réduire les importations de pétrole, la Chine restant le plus grand importateur de pétrole au monde, et augmentera la part de l’électricité produite à l’aide de technologies et d’équipements chinois. La Chine a construit une chaîne d’approvisionnement massive pour le solaire au cours de l’année, ce qui a permis une réduction drastique des coûts.

 

Autre argument à avancer, les énergies renouvelables et la technologie des véhicules électriques pourraient constituer le prochain chapitre de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, notamment avec l’adoption par Joe Biden d’une attitude plus respectueuse de l’environnement que son prédécesseur. La Chine a pris un leadership précoce. Près des deux tiers des panneaux solaires sont fabriqués en Chine[8]. La Chine a déjà commencé à mettre en place une chaîne d’approvisionnement nationale complète de VE, qui pourrait lui permettre de s’attaquer au marché des exportations. Le constructeur chinois de VE Xpeng a annoncé en décembre dernier qu’il allait commencer à exporter son SUV électrique en Norvège, tandis que son rival Nio prévoit de pénétrer le marché européen en 2021, en ciblant 7 000 ventes de véhicules dans 2 ans. Enfin, cette transition ne se produirait pas si le secteur vert n’était pas non plus une source de création d’emplois. Selon Climate Scorecard, il existait en 2019, 4,1 millions d’emplois dans le secteur des énergies renouvelables en Chine. Par ailleurs, 39% des emplois créés dans le secteur au niveau international en 2019 concernaient la Chine. Le secteur des VE totalisait 1,2 million d’emplois en 2020.

 

QU’EN EST-IL DES AUTRES MARCHÉS ÉMERGENTS ?

 

La Corée du Sud est également devenue l’un des principaux fabricants de batteries pour véhicules électriques. LG Chem, Samsung SDI et SK Innovation détenaient 38,8% de part de marché en 2020, talonnés en deuxième position par les entreprises chinoises dont la part de marché s’élevait à 30,5%[9]. Le gouvernement a identifié ce secteur comme une priorité pour la Corée du Sud, comme il l’a fait pour les puces mémoire il y a une dizaine d’années. La batterie, en plus de représenter environ 30% du coût total d’un VE aujourd’hui, est également une partie importante du système de stockage énergétique (ESS), l’infrastructure de base des réseaux électriques modernes intégrant des énergies alternatives.

 

L’Inde, où se trouvent 9 des 10 villes les plus polluées au monde, contribue également aux efforts de réduction de ses émissions de GES. L’Inde est le seul pays du G20 sur la bonne voie pour respecter ses engagements issus de l’Accord de Paris, conformément au Rapport sur la transparence climatique de 2020. Le pays s’est fixé un objectif ambitieux en termes d’énergies renouvelables. Le gouvernement Modi s’est récemment fixé pour objectif d’installer 175 GW d’énergies renouvelables d’ici 2022 (100 GW de solaire, 60 GW d’éolien, 10 GW de biomasse et 5 GW de petites centrales hydroélectriques). D’ici 2030, l’Inde souhaite produire 60% de son électricité à partir d’énergies propres. Par ailleurs, l’Inde tente de réduire sa dépendance à l’importation de panneaux solaires en provenance de Chine, en introduisant des subventions (mécanisme PLI) pour stimuler la fabrication locale. Le gouvernement discute également des VE, avec un objectif potentiel de 30 % de taux de pénétration de l’énergie photovoltaïque d’ici 2030.

 

Selon des rumeurs récentes, Tesla envisagerait d’établir une nouvelle Gigafactory dans l’État du Karnataka, mettant en avant l’Inde comme le prochain grand marché des VE. Signe révélateur, Reliance Industries, le plus grand conglomérat indien, s’est engagé à devenir neutre en carbone d’ici 2035 et à mettre en avant de nouveaux investissements dans les énergies renouvelables et les matériaux verts. Bien que les énergies renouvelables et les VE présentent un potentiel important à long terme, peu de sociétés cotées offrent une exposition directe au thème. Nous mettons en avant les distributeurs de gaz de ville (Gujarat Gas, IGL) en tant que sociétés qui bénéficient déjà de l’évolution du mix énergétique en Inde. Parallèlement aux énergies renouvelables, l’Inde promeut également l’utilisation du gaz naturel, avec un objectif de 15% dans le mix énergétique en 2030, contre 6% actuellement[10]. Récemment, le gouvernement a demandé que toutes les industries de la région de Delhi se tournent vers le gaz naturel, et une décision similaire a été prise concernant la zone industrielle de Morbi à Gujarat en 2019.

 

Le Brésil dispose déjà d’une part importante d’énergies renouvelables dans son mix électrique, en raison de son importante capacité hydroélectrique, qui représentait en 2018 près de 65% de son électricité[11]. Toutefois, la sécheresse de 2015 a entraîné une forte pénurie d’électricité et souligné le risque d’une dépendance excessive à l’égard de l’hydroélectricité, ce qui a conduit le Brésil à cibler un mix énergétique plus équilibré. L’énergie éolienne, qui a ainsi connu un fort développement avec un TCAC[12] de 21,7% sur 2015-2019, représente désormais près de 10% de la production d’électricité brésilienne[13]. Aeris, un fabricant brésilien de pales d’éoliennes avec 70% de parts de marché sur son marché domestique, offre une bonne exposition au thème.

En conclusion, alors que les politiques de changement climatique et environnementales sont souvent associés aux pays développés, il apparaît que les pays émergents s’attaquent également à ce problème, et leurs entreprises devraient déjà être considérées comme essentielles sur ce thème.

 

Article rédigé par Kevin Net, Gérant Actions internationales chez Edmond de Rothschild Asset Management

 

 

Mars 2021. Le présent document est émis par Edmond de Rothschild Asset Management (France). Ce document n’a pas de valeur contractuelle, il est conçu exclusivement à des fins d’information. Toute reproduction ou utilisation de tout ou partie de son contenu est strictement interdite sans l’autorisation du Groupe Edmond de Rothschild. Les informations sur les valeurs ne sauraient être assimilées à une opinion d’Edmond de Rothschild Asset Management (France) sur l’évolution prévisible desdites valeurs et, le cas échéant, sur l’évolution prévisible du prix des instruments financiers qu’elles émettent. Ces informations ne sont pas assimilables à des recommandations d’acheter ou de vendre ces valeurs. Les informations figurant dans ce document ne sauraient être assimilées à une offre ou une sollicitation de transaction dans une juridiction dans laquelle ladite offre ou sollicitation serait illégale ou dans laquelle la personne à l’origine de cette offre ou sollicitation n’est pas autorisée à agir. Tout investissement comporte des risques. Ce document ne constitue pas et ne doit pas être interprété comme un conseil en investissement, un conseil fiscal ou juridique, ou une recommandation d’acheter, de vendre ou de continuer à détenir un investissement. EdRAM ne saurait être tenu responsable d’une décision d’investissement ou de désinvestissement prise sur la base des informations figurant dans ce document. Ce document n’a pas été revu ou approuvé par un régulateur d’une quelconque juridiction. Les données chiffrées, commentaires, projections, et autres éléments figurant dans cette présentation reflètent le sentiment d’EdRAM sur les marchés, leur évolution, compte tenu du contexte économique et des informations possédées à ce jour. Ils peuvent ne plus être pertinents au jour où l’investisseur en prend connaissance. EdRAM ne saurait être tenu responsable de la qualité ou l’exactitude des informations et données économiques issues de tiers. Les performances et les volatilités passées ne préjugent pas des performances et des volatilités futures et ne sont pas constantes dans le temps. Elles peuvent notamment être indépendamment affectées par l’évolution des taux de change. «Edmond de Rothschild Asset Management» ou «EdRAM» est le nom commercial des entités de gestion d’actifs du Groupe Edmond de Rothschild. Ce nom fait également référence à la division Asset Management du Groupe Edmond de Rothschild.

 

[1] Source : SNE Research. 2020.

[2] Source : Global Carbon Project. 2021.

[3] Source : IEA. 2021.

[4] Source : BP China. 2021.

[5] Source : Bernstein Sanford. 2021.

[6] Source : CAAM. 2020.

[7] Source : SNE Research. 2020.

[8] Source : AIE. 2021.

[9] Source : SNE Research. 2021.

[10] Source : Government of India. 2021.

[11] Source : US Energy Information Administration. 2021.

[12] Taux de croissance annuel composé.

[13] Source : BTG. 2021.