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L’ESG tient-il ses promesses ? Les nouvelles exigences du SFDR

Un guide de l'investissement durable.

Comment s’assurer qu’un produit d’investissement présenté comme durable tient ses promesses ?

Et lorsque le contenu est à la hauteur de la description, comment éviter que les investisseurs s’y perdent entre les nombreuses appellations utilisées pour les produits durables ?

Ayant commencé par définir ce qu’est une activité durable (voir notre article sur la taxonomie européenne), la Commission européenne s'est penchée sur le sujet tout aussi complexe des exigences relatives aux produits d'investissement présentés comme durables. Le résultat de l’exercice est la publication récente du « Règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité » ou SFDR(1) (Sustainable Finance Disclosure Regulation).

Comme son nom l’indique, le SFDR réglemente les publications, tant en termes de communication que de transparence. Contrairement à la réglementation relative à la taxonomie européenne, le SFDR ne définit pas les caractéristiques d’un produit financier durable. L'intérêt probable du SFDR est que l'obligation faite aux entreprises de divulguer de simples informations peut faire évoluer les produits financiers. Le SFDR devrait ainsi contribuer à renforcer les engagements en matière de durabilité.

Quel est l’impact du SFDR ?

Le champ d’application du SFDR est très large. Il s’applique tant aux conseillers financiers qu’aux « acteurs des marchés financiers », ce qui est censé inclure les gestionnaires d’actifs, les sociétés d’investissement et les établissements de crédit fournissant des services de gestion de portefeuille de même que certains détenteurs d’actifs. Les fonds de pension et compagnies d’assurances sont ainsi notamment concernés par cette réglementation.

À noter que le SFDR ne s’applique pas uniquement aux acteurs des marchés financiers et aux conseillers financiers offrant des produits d’investissement durables, mais à tous, même ceux qui ne sont pas actifs spécifiquement dans les produits durables ou ESG(2). Le SFDR n’est pas une « simple » réglementation des produits d’investissement durables, mais un règlement visant à obliger chaque société à publier sur son site Internet ses décisions stratégiques dans la conduite de ses activités et en matière de gouvernance, y compris, le cas échéant, des informations spécifiques liées à la durabilité. Les acteurs des marchés financiers initiant des produits d’investissements durables doivent publier des informations spécifiques pour leurs produits durables.

Quelles sont les principales publications requises par les entités concernées par le SFDR ?

Le SFDR distingue les obligations de publication au niveau de l'entité, de celles portant sur chaque produit financier.

L’implémentation doit se faire en deux phases. Les exigences de niveau 1 entrent pour la plupart en vigueur le 10 mars 2021 alors que les obligations liées au niveau 2 ont été reportées à 2022. Les normes techniques de réglementation (NTR) publiées le 4 février 2021 par l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) détaillent les publications requises par le niveau 2, tout particulièrement

les informations relatives aux principales incidences négatives (PIN) présentées ci-dessous, ainsi que les publications sur le site Internet.

I. Publications au niveau de l’entité

Ces nouvelles publications sont requises de toutes les entités entrant dans le champ d'application du règlement, tel que décrit ci-dessus.

· Risques en matière de durabilité – Les acteurs des marchés financiers et conseillers financiers doivent expliquer de quelle manière ils prennent en compte l’impact financier négatif potentiel des facteurs de durabilité sur leurs décisions d’investissement ou conseils en investissement. Une façon de répondre à cette exigence serait de mettre en place un ensemble de politiques et de règles de conduite concernant les risques liés à la durabilité. Par exemple, si un acteur des marchés financiers investit dans le secteur du pétrole ou du gaz, une telle politique devrait prévoir la possibilité que certains actifs pétroliers ou gaziers deviennent « irrécupérables » ou soient soudainement dépréciés, ce qui aurait un impact financier négatif.

· Principales incidences négatives des décisions d’investissement sur les facteurs de durabilité – Au travers de leurs décisions d’allocation de capitaux, les acteurs des marchés financiers causent, ou du moins permettent, des impacts négatifs par rapport à des questions environnementales, sociales et/ou liées au personnel (ce que l’on appelle des facteurs de durabilité). Par exemple, un gestionnaire d’actifs finançant une nouvelle mine de charbon va indirectement causer d’importantes émissions de dioxyde de carbone. Le SFDR exige dans ce cas que le gestionnaire d’actifs publie de quelle manière ces émissions de gaz carbonique affectent des aspects environnementaux et/ou sociaux et la méthode d’évaluation.

Combiné, les risques en matière de durabilité et les principales incidences négatives représentent les deux faces d’un concept de « double matérialité » des considérations liées à la durabilité en matière d’investissement.

· Ne pas causer de préjudice important (DNSH pour Do No Significant Harm) – Outre les risques en matière de durabilité et les principales incidences négatives, le SFDR exige des acteurs des marchés financiers d’observer des normes sociales et environnementales minimales en se référant à une série de traités et de conventions internationales. En d'autres termes, le règlement souligne que les acteurs des marchés financiers ne peuvent pas violer ces traités, en insistant sur le fait que l'adhésion aux traités fait partie du cadre réglementaire pour les acteurs des marchés financiers. Les spécificités du principe DNSH applicable dans le cadre du SFDR diffèrent donc de celles de la taxonomie. Dans la taxonomie européenne, le DNSH signifie que les gestionnaires d’actifs ne doivent compromettre aucun des six objectifs environnementaux définis dans cette réglementation.

· Politique de rémunération – Les acteurs des marchés financiers et les conseillers financiers doivent expliquer de quelle façon leur politique de rémunération intègre les considérations liées à la durabilité.

II. Publications au niveau des produits financiers

Le SFDR distingue deux types de produits financiers. Tout produit qui n'entre pas dans l'une de ces deux catégories ne peut pas être présenté comme « durable », même si l’entité a publié la manière dont elle intègre les risques en matière de durabilité et les principales incidences négatives dans sa gestion des décisions d’investissement.

· Produits promouvant des caractéristiques durables (article 8) – Ces produits intègrent explicitement des considérations environnementales et/ou sociales dans leur gestion, allant au-delà de la simple intégration des risques en matière de durabilité, mais sans poursuivre un objectif d’investissement durable. L’article 8 exige des promoteurs de ces produits d’expliquer en détail, dans la documentation précontractuelle et les rapports réguliers, la façon dont ils intègrent concrètement ces caractéristiques durables.

· Produits avec un objectif d’investissement durable (Article 9) – Résultats des méthodes utilisées. Alors que les produits visés à l'article 8 pourraient être considérés comme des produits intégrant des considérations liées à la durabilité en tant que moyens, les produits visés à l’article 9 diffèrent en raison de la définition d’un objectif d’investissement durable explicite applicable au produit – c’est-à-dire, le résultat. Le règlement fournit quelques exemples d’objectifs d’investissement durable comme préserver la biodiversité, réduire les inégalités ou agir contre le changement climatique. Pour les produits financiers relevant de l’article 9, l’initiateur ou le promoteur doit expliquer quel(s) est (sont) leur(s) objectif(s) durables(s) ainsi que de quelle manière ils comptent atteindre ces objectifs et évaluent les résultats obtenus au moyen de mesures liées à la durabilité.

Qui détermine si un produit relève de l’article 8, de l’article 9 ou ne relève d’aucun des deux ?

Il incombe à l’initiateur et/ou au conseiller de déterminer la classification du produit financier. Comme le SFDR porte sur la publication et non la définition, l’objectif est que les acteurs des marchés financiers et les conseillers financiers comparent les caractéristiques durables de leurs différents produits avec les catégories prévues dans le règlement et communiquent leur classification basée sur cette cartographie. Étant donné le nombre important de produits financiers concernés par le SFDR, les régulateurs nationaux en charge de la supervision des marchés n’auront pas la capacité d’examiner chaque document précontractuel pour tous les produits avant le 10 mars afin de vérifier si la nouvelle publication correspond à la catégorie (article 8, article 9, aucun des deux) sélectionnée par le promoteur du produit d’investissement.

Quel sera l’impact du SFDR sur l’investissement durable en Europe ?

Le nombre de produits financiers présentant des caractéristiques durables devrait fortement augmenter en Europe. Déjà en 2020, plus de 250 fonds ont été transformés en produits durables selon le Financial Times. La prochaine révision de la directive MiFID devrait accélérer cette tendance en introduisant le concept de « préférence pour la durabilité » exigeant des conseillers de demander spécifiquement à leurs clients s’ils veulent prendre la durabilité en compte. Un client exprimant une préférence pour les produits durables ne pourrait se voir proposer que des produits relevant de l’article 8 ou de l’article 9.

Cela prendra probablement un peu de temps avant que tout soit réglé et que toutes les parties concernées appréhendent au mieux quel type de produits financiers doit être classé comme article 8 et quelles caractéristiques propres distinguent un produit relevant de l’article 9 d’un produit visé par l’article 8. Si l’entreprise promouvant un produit estime qu’il ne relève ni de l’article 8 ni de l’article 9, le produit ne peut alors pas promouvoir des caractéristiques ESG ou se prévaloir d’une quelconque caractéristique durable. Compliquant encore les choses, les superviseurs des États membres de l’UE peuvent prévoir des spécificités additionnelles au cadre réglementaire européen de la finance durable. L’implémentation de la réglementation liée à la taxonomie, exigeant davantage de publications des acteurs des marchés financiers, contribuera aussi à améliorer la transparence sur les caractéristiques environnementales spécifiques.

Le SFDR peut fournir des informations utiles pour les investisseurs aguerris qui sont capables d’appréhender le jargon spécifique accompagnant les nombreuses nouvelles publications. Reste à voir si ces informations permettront aux petits investisseurs d’être mieux renseignés ou si, au contraire, ils se perdront dans ces « petits caractères » écrits dans un jargon énigmatique.

David Czupryna, Responsable du Développement ESG

1 Règlement (UE) 2019/2088 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers
2 Environnemental, social et gouvernance