La décision des juges sur cette question n'est pas attendue avant 2024 ou même 2025. Mais l'audience prévue devant la 5e chambre civile du tribunal judiciaire, sera, sauf nouveau report, la première occasion de voir la coalition et le groupe français aiguiser leurs arguments sur cette affaire qui remonte à juin 2019.
A long terme, la coalition - qui regroupe six ONG telles que Sherpa et France Nature Environnement, et seize collectivités, dont les villes de Grenoble, Bayonne ou Nanterre - espère obtenir un jour un équivalent français de la condamnation de Shell aux Pays-Bas. En 2021, un tribunal y avait condamné le géant pétrolier britannique à accélérer son plan de réduction d'émissions de gaz à effet de serre. Dans l'immédiat, la coalition demande au juge de la mise en état (magistrat chargé mercredi de trancher des questions préalables à l'examen du dossier) de prendre une mesure provisoire exceptionnelle: ordonner à TotalEnergies de "suspendre les projets d'exploration et d'exploitation de nouveaux gisements d'hydrocarbures n'ayant pas fait l'objet d'une décision finale d'investissement", et ce jusqu'au jugement de l'affaire sur le fond.
Les producteurs d'énergies fossiles (...) continuent de se battre pour accroître la production, tout en sachant pertinemment que leur modèle économique est incompatible avec la survie de l'humanité."
Pour justifier de l'urgence, la coalition invoque, entre autres, le secrétaire général de l'ONU António Guterres. "Les producteurs d'énergies fossiles (...) continuent de se battre pour accroître la production, tout en sachant pertinemment que leur modèle économique est incompatible avec la survie de l'humanité", déclarait-il en janvier.
La coalition s'appuie aussi sur l'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui a jugé nécessaire en 2021 de cesser tout nouveau projet d'exploration d'hydrocarbures pour espérer respecter l'accord de Paris.
"Devoir de vigilance"
En face, les avocats de TotalEnergies plaideront pour contester la recevabilité de cette action judiciaire quasiment sans précédent. La procédure a été entamée en janvier 2020 quand la coalition avait assigné en justice TotalEnergies pour manquement à "son devoir de vigilance" sur l'impact environnemental de ses activités. Les ONG et les collectivités, socialistes ou écologistes pour la plupart, estimaient que le "plan de vigilance" publié en 2019 par le groupe ne respectait pas ce devoir, imposé depuis 2017 par une loi française pionnière sur la responsabilité des entreprises.
Pour la coalition, la stratégie climat présentée par le géant pétrolier, un des vingt plus gros émetteurs de CO2 au monde, était "clairement insuffisante" au regard des objectifs de l'accord de Paris de 2015, qui vise à limiter le réchauffement climatique bien en dessous de +2°C et si possible à +1,5°C par rapport à l'ère préindustrielle. Huit mois plus tôt, comme exigé par la loi, la coalition avait "mis en demeure" TotalEnergies de "prendre des mesures nécessaires pour prévenir les risques majeurs liés au changement climatique". Depuis, la bataille procédurale s'est poursuivie en coulisse sur cette voie judiciaire en essor, mais encore balbutiante. En 2022, les villes de New York et Paris ont rejoint la coalition. Dans une autre tentative d'exploiter cette innovation judiciaire ouverte par la loi sur le "devoir de vigilance", les ONG qui attaquaient TotalEnergies pour l'impact de son mégaprojet pétrolier Tilenga-Eacop en Ouganda et en Tanzanie, ont été déboutées en février par le tribunal de Paris.
Assemblée générale perturbée
Face aux critiques, le PDG de TotalEnergies n'a rien lâché vendredi, pendant l'assemblée générale des actionnaires à Paris. "Notre compagnie a été la major qui a investi le plus pour construire le modèle énergétique de demain qui sera basé sur l'électricité", via les énergies renouvelables, s'est défendu Patrick Pouyanné, ajoutant qu'il ne pouvait réduire dans l'immédiat son activité pétrolière puisque la demande "au niveau mondial" augmente.
Dans sa stratégie actuelle, le groupe prévoit de consacrer un tiers de ses investissements aux énergies bas-carbone dans la décennie, mais il reste encore associé au pétrole et bientôt encore plus au gaz, sa priorité.
Avec AFP.
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