Pour Maxence Panchau, 31 ans, 2018 marquera la concrétisation d'un rêve : son installation sur six hectares de vignes acquis en « copropriété » dans son village d'origine, à Vacquières (Hérault), grâce au financement participatif de 132 « associés » épicuriens, qui seront rémunérés... en bouteilles de vin.
« Ma passion, c'est la vigne », explique d'emblée celui qui a grandi dans le vignoble de son père, dans ce village de quelque 500 habitants, à 30 km de Montpellier. « Produire son vin c'est magique, surtout quand on a un terroir comme ça! », s'enthousiasme le jeune homme, qui souhaite quitter progressivement son poste actuel de chef de projet dans l'industrie et devenir vigneron à temps plein.
« Les banques ne me suivaient pas et je n'avais pas la puissance financière nécessaire par rapport à un vendeur », raconte-t-il.
Terra Hominis, un système de financement participatif basé dans l'Hérault qui se dit « créateur de vignobles en copropriété », a alors « pris le relais pour installer un jeune qui va pouvoir valoriser son talent sur un vignoble à taille humaine en respectant l'environnement », résume son fondateur Ludovic Aventin.
Rien que de l'humain et du lien chez Terra Hominis, revendique son créateur, ancien caviste à Rouen : les « investissements plaisir » réalisés par les associés des vignerons qui s'installent ne peuvent pas être spéculatifs -les seuls dividendes qu'ils toucheront sont payés en bouteilles. L'entretien de la vigne, le matériel agricole ou les aléas climatiques restent en revanche à la charge de l'exploitant qui loue la terre.
Nombre de demandes de financement sont écartées par Terra Hominis, souligne Ludovic Aventin : « On a plein de rêveurs qui n'ont jamais travaillé un potager et qui n'ont pas d'argent mais qui voudraient se transformer en vignerons dans le Sud parce qu'ils sont venus l'été et qu'il fait beau ».
Rien de tel avec Maxence Panchau, « un bosseur qui connaît la vigne et sait compter », juge Ludovic Aventin. Grâce à Terra Hominis, 132 « associés » réunis en Groupement Foncier Viticole (GFV) vont acheter les terres en copropriété à travers des parts à environ 1.300 euros l'unité et ainsi apporter au jeune homme les garanties et le financement qui lui manquaient pour se lancer.
Eliminer les grincheux
Depuis 2011, Terra Hominis a participé à l'acquisition d'environ 80 hectares de vignobles en réunissant 1.400 associés, souvent passionnés de vin et d'ovalie, parmi lesquels les anciens rugbymen Olivier Magne, Pieter de Villiers ou Didier Cambérabero, et a conclu un partenariat avec la Safer Occitanie.
Faute d'accord à l'amiable, l'opérateur foncier agricole a préempté un domaine de 24 hectares cédé par un vigneron septuagénaire de Vacquières à un gros négociant en vin. C'est sur ce domaine que Maxence Panchau, entre autres, va s'installer.
« Aujourd'hui l'accès au foncier est difficile, particulièrement dans cette zone du Pic-Saint-Loup qui est très demandée », souligne Claire Haurie, de la Safer Occitanie : « Sans notre intervention pour casser la vente, l'installation de trois jeunes sur ce domaine qui a été divisé n'aurait pas été possible ».
« On entend souvent ceux qui ont été préemptés crier au scandale mais si des jeunes qui ont du savoir-faire ne peuvent pas s'installer parce que les banques ne veulent pas suivre, ce sont les gros négociants qui vont tout racheter et on perdra ce qui fait la richesse du vin français - sa diversité », abonde Ludovic Aventin, soulignant qu'en Languedoc, deux tiers des vignerons ont plus de 55 ans.
En janvier, quand la dernière signature devant notaire donnera le coup d'envoi officiel du projet porté depuis un an autour de Maxence Panchau, le partenariat avec Terra Hominis et les co-propriétaires des vignes « ne fera que commencer », assure M. Aventin.
Car les « associés », triés sur le volet pour « éliminer les grincheux », sont invités à « tisser des liens forts » avec le vigneron et à partager des moments festifs, notamment pendant les vendanges.
Ils peuvent revendre leur part mais cela reste exceptionnel. « On est plutôt dans une logique de transmission », souligne Ludovic Aventin. « Et si dans 50 ans nos petits-enfants viennent faire les vendanges sur le même domaine, ça pourrait être joli. »
Avec AFP.