Amélie Deloche, co-créatrice du collectif Paye ton influence et fondatrice de l'agence Post Influence.
© DR/Aymeric Guillonneau
Inspirations

Amélie Deloche face au défi de "réveiller le monde de l’influence" sur les questions climatiques

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En 2023, Amélie Deloche, co-créatrice du collectif Paye ton influence, a fondé une agence dédiée à l’influence responsable. Convaincue que les influenceurs ont un rôle à jouer dans "la promotion de modes de vie et de consommation plus sobres", cette consultante engagée s’attèle à mettre les acteurs du secteur à l’ère de la transition écologique. Entretien.  

"Les influenceurs sociaux et les leaders d’opinion peuvent augmenter l’adoption de technologies, de comportements et de modes de vie sobres en carbone", indiquaient les experts du Giec dans leur troisième rapport, publié en avril 2022.  

Un constat partagé par Amélie Deloche, consultante en influence éthique, écologique et responsable, qui a co-créé le collectif Paye ton influence afin de "réveiller le monde l’influence sur les questions climatiques". 

Engagée au sein du collectif Pour un réveil écologique, elle a également fondé en 2023 l’agence Post Influence dont la mission est "d’accompagner la transition des acteurs de l’influence marketing vers des modèles plus responsables". Un défi à l’heure où les influenceurs poussent davantage à la surconsommation et mettent en avant des modes de vie à rebours des enjeux écologiques. Interview. 

Comment avez-vous eu l’idée de créer une agence dédiée à l’influence responsable ? 

En 2021, quand nous avons lancé le collectif Paye ton influence, nous avions la volonté de nous positionner comme des lanceurs d’alerte sur la question de l’impact écologique de l’influence. Nous voulions montrer que les récits de société véhiculés par les influenceurs étaient complètement déconnectés de la réalité climatique. Mais aussi prouver que le monde de l'influence pouvait être un vecteur de la transition écologique - si ce secteur était prêt à changer ses pratiques. Pour impulser cette transformation, j’ai choisi de fonder l’agence Post Influence en 2023. 

Vous travaillez plus particulièrement avec les agences d’influence, qui font le pont entre les marques et les créateurs de contenu. Concrètement, comment les accompagnez-vous dans leur transition écologique ? 

Cela dépend des demandes de clients. Mais je peux par exemple leur apprendre ce qu’est une campagne de communication et d’influence responsable ou encore quelles questions les agences doivent se poser quand elles envisagent de collaborer avec certaines entités commerciales. Aujourd’hui, elles ne sont pas assez outillées pour détecter le greenwashing. Je leur apporte des clés pour pouvoir se former. 

En 2025, je vais également sortir un guide, en partenariat avec l’ADEME, qui sera destiné aux professionnels du marketing d’influence. Ce travail s’inscrit dans la continuité de la charte de l'influence responsable que nous avions lancée avec le collectif Paye ton influence. 

Depuis le lancement de votre agence, quel bilan faites-vous ? Observez-vous une prise de conscience du côté des influenceurs ? 

Il y a une évolution, mais qui demeure balbutiante. Certains créateurs ont commencé à prendre conscience que ce qu’ils montraient ou valorisaient allait avoir un réel impact sur leur audience et qu’ils devaient l’intégrer dans la manière dont ils créent du contenu et dans leur choix de partenariats. Cela a poussé certains à arrêter de collaborer avec des industries très impactantes comme la fast fashion. Toutefois, ils n’osent pas encore prendre la parole pour dire qu’ils le font pour des raisons éthiques. 

Comment expliquez-vous cette évolution du secteur pour les questions écologiques ? 

La médiatisation de toutes les dérives des influenceurs de la télé réalité, notamment en 2022 sur les réseaux sociaux à travers le hashtag influvoleur, a contribué à mettre sur la table l’enjeu de la responsabilisation des influenceurs. Même si cela reste encore minoritaire, certaines grandes figures ont commencé à proposer des contenus tournés vers la sensibilisation. Récemment, les youtubeurs Mc Fly et Carlito ont par exemple publié une vidéo dans laquelle ils calculent leur empreinte carbone en compagnie de l’ingénieur Jean-Marc Jancovici". 

Lequel de nous 2 pollue le plus ? (Test empreinte carbone avec Jancovici)

La loi du 9 juin 2023, visant à encadrer l’influence commerciale, a également favorisé ces changements de comportements. Cette réglementation est-elle suffisante selon vous ? 

C’est une première étape. Cette loi permet de rappeler les devoirs des créateurs de contenus et des acteurs du secteur de l’influence, comme le fait de mentionner clairement la collaboration commerciale - ce qui existait déjà dans les législations encadrant la publicité "classique". Les métiers d’influenceur commercial ou encore d’agent d’influenceur commercial sont également définis, ce qui permet d’"officialiser le métier".  

Malgré cette clarification du cadre réglementaire, la question de la responsabilisation éthique et écologique reste absente. Selon nous, il faudrait que celle-ci soit appliquée au secteur de l'influence mais aussi étendue à celui de la publicité - qui a lui aussi un fort impact sur les comportements d’achat. Pour preuve, les marques de fast-fashion, tels que Shein ou Temu, représentent aujourd’hui 22 % des colis acheminés par La Poste. 

Les influenceurs dépendent toutefois grandement des collaborations commerciales. Comment lever ce frein ? 

Pour les créateurs de contenus engagés, qui ont un cadre éthique plus strict sur les partenariats, la plupart ont réussi à diversifier leur business model ce qui leur permet d’avoir d’autres sources de revenus. C’est une réponse.  

Mais au-delà des partenariats, ce qui pose aujourd’hui problème, c’est la dépendance aux algorithmes. Sur les réseaux sociaux, comme Instagram ou TikTok, les contenus polarisants ou divertissants vont être davantage mis en avant. Résultat : les créateurs de contenus qui souhaitent véhiculer des messages écolos peinent à être visibles.