Anne-Claire Roux, directrice générale de Finance for Tomorrow.
Entretiens

Pacte Finance Climat : "Il est fondamental que les initiatives se multiplient et qu’une prise de conscience collective ait lieu"

Porté par le climatologue Jean Jouzel et l’économiste Pierre Larrouturou, le Pacte Finance Climat séduit depuis maintenant plusieurs mois un certain nombre de personnalités européennes. Mais peut-il autant constituer LA réponse aux enjeux de redirection des flux financiers en faveur de la transition écologique ? Éléments de réflexion avec Anne-Claire Roux, directrice générale de Finance for Tomorrow, initiative lancée en 2017 au sein de Paris EUROPLACE dans le but de promouvoir la finance verte.

En quoi consiste le pacte Finance Climat ?

L’objectif principal de ce pacte est de remettre le climat et la biodiversité au cœur des discussions, notamment au niveau européen, avec un objectif que nous partageons au sein de Finance for Tomorrow qui est la réorientation des flux financiers vers le financement de la transition énergétique et des objectifs climatiques.

Via quels leviers entend-il parvenir à la réalisation de cet objectif ?

Les deux propositions du pacte Finance Climat reposent à la fois sur la création d’une banque européenne pour le climat et la biodiversité, sous la forme d’une filiale de la BEI qui serait dédiée à la transition écologique, et la création d’un fonds européen pour le climat et la biodiversité doté d’un budget de 100 milliards d’euros destiné à la transition écologique en Europe mais également en Afrique, surtout sur le pourtour méditerranéen. La particularité de ce pacte est qu’il n’est pas porté par des financiers, puisqu’il est énoncé en premier lieu par Jean Jouzel, expert du Giec, et Pierre Larrouturou, fondateur de Nouvelle donne et plutôt orienté économie.

Quelle analyse faites-vous de cette proposition ?

D’un point de vue général, nous pensons que les objectifs portés par le pacte Finance Climat constituent un point positif, car ils répondent à l’enjeu "Shift the trillions", c’est-à-dire la réorientation des flux financiers, qui est l’enjeu au cœur de l’action de Finance for Tomorrow. C’est donc réellement une ambition que nous tenons à saluer, parce que très clairement, nous nous rendons compte aujourd’hui que les investissements ne sont pas alignés sur le scénario 2 °C et que si l’on veut pouvoir répondre à cet objectif, il faut effectivement des investissements dans la transition écologique. En ce sens, il est crucial de mobiliser toutes les énergies dans la poursuite de ces objectifs et le pacte Finance Climat accorde une grande importance au rôle de la société civile et à la prise de conscience collective.

Est-ce selon vous la solution pour aligner le secteur financier sur une trajectoire bas-carbone ?

La solution, je ne sais pas, en tout cas cela peut être une partie de la réponse, car il est important de noter qu’il y a d’autres pistes à explorer. Nous partons d’un constat qui est le même, mais il y a toutefois selon nous deux axes d’interrogation autour de cette proposition. D’abord, est-il vraiment nécessaire de créer des nouvelles institutions en plus de celles qui existent déjà ? En pratique, la question de la transition écologique constitue déjà l’une des quatre priorités de la BEI, avec plus de 25 % de la totalité des investissements dédiés à la lutte contre le réchauffement climatique. Et plus globalement, un certain nombre d’initiatives portées par les acteurs de la finance durable existent d’ores et déjà à l’échelle française et à l’échelle européenne.

Ensuite, s’il faut bien entendu mobiliser l’argent public au service de la transition écologique, cette dernière ne se fera pas sans le concours du secteur privé, car les besoins de financements sont gigantesques. Il est donc nécessaire que l’argent public ne vienne pas concurrencer l’investissement privé, mais qu’au contraire, il soit mieux déployé pour débloquer les investissements. C’est justement dans cette optique qu’a été remis en décembre 2018 le rapport Canfin-Zaouati, dont les mécanismes reposent sur le même principe que le plan Juncker qui a été lancé par la BEI en 2015, dans le but de créer un effet de levier massif. En gros, ce qui est proposé, c’est que pour un euro de dépense budgétaire soient générés 10 euros d’investissements verts dans les territoires qui en ont besoin. Finalement, le constat est donc le même : la réorientation des flux financiers est indispensable. Et même si les points de vue et les diagnostics diffèrent, il nous semble fondamental que les initiatives se multiplient et qu’une prise de conscience collective ait lieu, et ce au-delà des acteurs financiers.

 

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