Jean-Philippe Desmartin, Directeur de l’Investissement Responsable chez Edmond de Rothschild Asset Management.
Tribune

Le rôle clé des investisseurs face au Covid-19

Contrairement à la précédente (2007-2008), la crise actuelle ne trouve pas son origine dans les difficultés du secteur financier. Au contraire, ses acteurs peuvent jouer un rôle majeur pour la surmonter, en continuant à accompagner les entreprises provisoirement en difficulté, à soutenir les travailleurs indépendants, en permettant aux acteurs économiques d’emprunter.

Les investisseurs, tout en restant aux côtés des entreprises, ont également vocation à les aiguiller dans la prise en compte de leur responsabilité et les initiatives se multiplient. Plusieurs organisations, notamment les banques supranationales, ont déjà émis des "Covid-19 bonds", à savoir des obligations spécifiquement destinées à aider les entreprises en difficulté ou les personnes les plus vulnérables. Une coalition d’actionnaires menée par l’"Interfaith Center for Corporate Responsibility" (ICCR) aux États-Unis a pour sa part publié un "Investor statement in coronavirus response". Elle demande en particulier aux entreprises de protéger leurs employés et de maintenir les relations commerciales avec leurs fournisseurs. De son côté, l’initiative "Principles for Responsible Investment" (PRI) des Nations Unies a dévoilé un guide récapitulant en six étapes la marche à suivre pour les investisseurs afin de répondre à la crise du Covid-19, notamment via des actions d’engagement et des participations aux assemblées générales virtuelles si elles ont lieu.

Dans l’immédiat, les investisseurs analysent le comportement des grandes entreprises. Protègent-elles physiquement et financièrement leurs employés, y compris ceux en contrats temporaires ou partiels, et plus généralement l’ensemble de leurs écosystèmes (fournisseurs, clients) ? À titre d’exemple, le groupe L’Oréal a annoncé geler l’ensemble de ses créances détenues auprès des TPE/PME. En pleine période des assemblées générales, une question importante pour les investisseurs est celle d’une allocation responsable du capital.

Quid en 2020 de la distribution des dividendes ou du rachat d’actions ? Cette question se pose pour l’ensemble des entreprises, pas seulement celles bénéficiant de soutiens publics (chômage partiel, reports fiscaux, etc.). De nombreuses entreprises ont d’ores et déjà annoncé vouloir partager le fardeau : réduction du dividende, baisse des rémunérations des dirigeants...

Les chaînes d’approvisionnement au coeur des débats

À plus long terme, il ne serait pas étonnant d’observer une plus grande attention portée à la gestion des chaînes d’approvisionnement, à commencer par les risques de pénurie de médicaments, ou encore aux efforts de recherche des entreprises du secteur de la santé, en particulier en faveur des vaccins. Ces sujets sont déjà pris en compte dans la méthodologie propriétaire ESG d’Edmond de Rothschild Asset Management. La crise du Covid-19 conforte d’ailleurs notre choix structurel via notre méthodologie Best-in-Universe de surpondérer nos investissements dans les secteurs qui contribuent aux solutions en matière de développement durable, à commencer par le secteur de la santé.

Plus largement, la question de la relocalisation se pose avec force. Cela concerne autant les activités agricoles pour assurer la sécurité alimentaire qu’industrielles pour permettre une continuité économique mais aussi sanitaire.

Les sujets environnementaux sont pour l’instant passés au second plan dans les médias. Pour autant, les débats autour de la gestion de l’érosion de la biodiversité, de l’élevage intensif et de la consommation de certains animaux devraient vite revenir sur le devant de la scène avec la perspective de plans de relance. Tout simplement pour éviter une autre pandémie et empêcher une autre catastrophe planétaire en devenir : le changement climatique.

Par Jean-Philippe Desmartin, Directeur de l’Investissement Responsable chez Edmond de Rothschild Asset Management (France).