Elizabeth Gillam, responsable des relations gouvernementales et des politiques publiques européennes chez Invesco.
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De l’importance du ‘S’ dans l’ESG post-Covid

Alors que les gouvernements du monde entier prenaient des mesures toujours plus strictes pour contenir la propagation du coronavirus, la vie telle que nous la connaissions s'est transformée sous nos yeux.

Directement impactées, les entreprises ont dû s'adapter et les modes de travail changer du jour au lendemain. Inconcevable il y a encore quelques mois, l'idée d'avoir environ 25 % de la population active mondiale en télétravail est devenue réalité et la crise a suscité un nouveau type de créativité dans les entreprises, grâce à des innovations souvent indispensables à la viabilité des entreprises.

Dans ce contexte si particulier, plusieurs PDG ont décidé de renoncer à tout ou partie de leur salaire, et de nombreuses entreprises ont fait don d'équipements médicaux ou réorganisé leurs usines pour en produire davantage. Pour tous ceux qui suivent l'évolution des pratiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), il est devenu clair que la Covid-19 a remis le "S" de ESG au premier plan, en mettant l’accent sur le bien-être au travail, l'accès aux soins médicaux, la culture d'entreprise ou encore la résilience des chaînes d'approvisionnement.

Il n’est donc pas surprenant que les entreprises ayant déjà intégré à leur modèle la gestion de crise, la culture du changement et des pratiques de travail intelligentes, et plus largement, que les entreprises jugées les plus « durables » jusque-là, aient montré leur résilience.

Morningstar constate ainsi que les fonds durables ont mieux résisté que les fonds traditionnels au cours du premier trimestre. Sept fonds d'actions durables sur dix ont en effet terminé dans la première moitié de leur catégorie Morningstar, et 24 ETF ESG sur 26 ont surpassé leurs comparables non ESG.

Si cela s'explique en partie par leur faible exposition à l'énergie, Morningstar souligne que c’est in fine une qualité fondamentale de ces fonds d’investir d’être capables de surperformer dans des contextes difficiles.

Or il est vain d’espérer un retour au "business as usual". Les chaînes d'approvisionnement des entreprises, par exemple, vont changer radicalement, avec une priorité à la diversification et à la durabilité des sources. Les futurs modes de travail vont eux aussi se transformer, et pourraient devenir un facteur de différenciation essentiel pour les entreprises en termes d'attraction des talents et de maintien de la productivité.

Les entreprises et la finance continueront à jouer un rôle majeur, mais les relations avec leurs clients évolueront. Les investisseurs scrutent désormais le comportement des entreprises, et plutôt que d'encourager les entreprises à tirer un profit maximum de la crise, les acteurs financiers responsables leur donnent la possibilité de se réinventer et d’en sortir plus fortes.

Ainsi, les entreprises de la santé qui ont augmenté les prix des médicaments essentiels pour lutter contre le coronavirus ont été vivement critiquées, tandis que d'autres ont été saluées pour leurs dons de médicament. L'impact de ces actions sera pris en compte pour l'inclusion de ces entreprises dans les fonds ESG.

Autre aspect important, la pandémie peut s’interpréter comme une répétition générale de notre réponse au changement climatique. Des mesures de lutte contre le dérèglement climatique récemment décriées comme trop radicales ont par exemple été déployées plus drastiquement encore contre la pandémie.

Les décisions rapides des Etats à travers le monde a entrainé une forte baisse des émissions liées aux transports et à l'industrie permettant d’observer à plusieurs endroits une réduction spectaculaire des niveaux de pollution atmosphérique. Cette démonstration alimentera les arguments en faveur de réglementations et d'objectifs plus ambitieux.

La pandémie offre enfin l'occasion d'évaluer la réaction des différentes parties prenantes et ainsi d’évaluer notre degré de préparation face à d’éventuelles catastrophes liées au climat. Cette crise nous oblige en effet à examiner attentivement les vulnérabilités de nos systèmes locaux et nationaux et à rester fidèle aux promesses en matière d'ESG.

En tant qu'investisseurs, nous sommes convaincus que nous avons l’opportunité d'accélérer l'adoption de modèles économiques durables. La prime qui émerge sur la durabilité n’est pas un coût, ni une décote, mais la preuve d’une réelle valeur ajoutée.

C’est le sens de l’engagement pris par tous les signataires de la lettre ouverte du Centre interconfessionnel sur la responsabilité des entreprises (ICCR), qui exhorte les entreprises à protéger le bien-être de leurs employés, clients et fournisseurs dans le cadre de la pandémie, ainsi que les communautés dans lesquelles elles opèrent.

Par Elizabeth Gillam, responsable des relations gouvernementales et des politiques publiques européennes chez Invesco.