L'Institut national de la recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) est, depuis ses origines après-guerre, "à l'écoute et en appui du monde agricole", a dit son patron, qui vient d'être reconduit pour quatre ans à la tête de l'établissement public.
Une centaine d'agriculteurs ont érigé jeudi à l'aube un mur en parpaings pour bloquer symboliquement le siège parisien de l'institut, accusé de ne plus leur "donner des moyens" de produire et de leur imposer toujours plus de "contraintes".
Pour M. Mauguin, "ce qui cristallise beaucoup de tensions en ce moment est la question des [options] alternatives aux produits phytosanitaires (...) Les agriculteurs ont le sentiment que les pouvoirs publics, les agences sanitaires, interdisent des molécules sans qu'il y ait des solutions alternatives", par exemple pour les betteraves.
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Au coeur de la recherche de solutions
Pourtant, l'Inrae est coeur de la recherche de solutions, avec des projets sur la sélection génomique des bovins, la conception de capteurs destinés à réduire la consommation d'eau ou la recherche de solution de remplacement aux pesticides de synthèse.
Concernant la betterave, frappée de jaunisse, l'Inrae et ses partenaires ont identifié les sources du virus dans les résidus de cultures, explique Philippe Mauguin.
Les agriculteurs ont été incités à retirer des champs ces résidus pour priver de réservoir le puceron vecteur de la jaunisse amoindrissant les plantes. Depuis, on a constaté une baisse très forte" de la pression virale, affirme-il. L'étape suivante est la recherche, "avec les semenciers, de la mise au point de variétés plus résistantes".
"Réconcilier tous les enjeux"
Pour la grippe aviaire, qui a touché les canards, l'organisme a "contribué à développer et valider le vaccin qui aujourd'hui protège les élevages", notamment au côté de l'Anses (l'agence sanitaire également visée par une action d'agriculteurs jeudi). Idem pour la viticulture, en recherche de cépages résistants au mildiou et à l'oïdium.
"Sur toutes les filières qui ont des situations d'impasse, on est en train, avec le ministère de l'Agriculture et les instituts techniques, de mettre en place des programmes de recherche très concrets, comme on l'avait fait pour la betterave. Donc on va trouver des solutions pour, je l'espère, toutes les filières", explique Philippe Mauguin.
Selon lui, avec 8 000 collaborateurs permanents, chercheurs, ingénieurs... l'institut "est le premier organisme de recherche agricole alimentaire en Europe et l'un des tout premiers au monde, c'est une chance pour l'agriculture française. Je pense que la plupart des agriculteurs en sont conscients".
"Dans ce moment de crise, il y a une forme d'impatience, je l'entends, je le comprends. On essaie d'être le plus réactif possible, mais en gardant notre mission. C'est-à-dire que si on perdait cette ambition d'avoir des recherches de long terme qui apportent des solutions durables, si on était juste guidé par le très court terme et les problèmes d'hier, je pense qu'on ne serait pas à la hauteur des attentes et du monde agricole et des citoyens et des pouvoirs publics."
Ne pas opposer l'agriculture à l'environnement
Il appelle à ne pas opposer l'agriculture à l'environnement, alimentation ou la santé. "On a pour mission de trouver des solutions qui réconcilient ces enjeux, une agriculture performante au niveau économique, qui produit des aliments sains et durables pour la planète".
"Il y a parfois une sorte d'amalgame quand on entend des critiques sur les normes environnementales, mais ce n'est pas Inrae qui produit la réglementation", relève-t-il également.
Aujourd'hui "l'emboîtement des crises, sanitaire, écologique, économique, rend plus compliquée l'application des solutions", qu'il s'agisse de méthodes moins gourmandes en eau, plus résistantes au changement climatique, moins dépendantes des produits chimiques. Cela nécessite un accompagnement renforcé des agriculteurs, souligne-t-il.
"On a régulièrement des solutions qui sortent de nos fermes expérimentales, mais qu'on ne pourra déployer qu'avec l'ensemble des acteurs. Les chercheurs ne sont pas des donneurs de leçons, mais des partenaires du monde agricole et des pouvoirs publics au service des citoyens," dit encore Philippe Mauguin, évoquant les chambres d'agriculture ou encore les 15 000 agriculteurs avec lesquels l'institut travaille à l'année.
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Avec AFP.