L'agroécologie est "réputée pour maintenir des sols en bonne santé, protéger voire restaurer la biodiversité, et stocker du carbone".
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Tribune

L’agroécologie : contrainte ou solution pour l’agriculture de demain ?

Co-fondateur de Fermes En Vie (FEVE) - entreprise à mission qui a créé en 2021 une foncière "pour faciliter les installations agricoles tout en accélérant la transition écologique", Marc Batty invite dans cette tribune à penser le futur de l'agriculture à la lumière de l'agroécologie.  

Marc Batty, cofondateur de FEVE (Fermes En Vie).
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Depuis quelques semaines, la colère des agriculteurs est au centre de toutes les attentions. À raison, car le métier est souvent pénible à exercer, mal considéré par l'opinion publique, pas suffisamment rémunérateur, et sujet à de nombreux aléas.  Si ces symptômes mettent tout le monde d’accord, les solutions font plus rarement consensus. Il y a ceux qui veulent alléger les contraintes, parmi lesquelles les normes environnementales, pour accroître la compétitivité de notre agriculture, et les autres qui se font partisans d’une agriculture paysanne, agroécologique et moins mondialisée. Face à ces chemins qui bifurquent, l’agroécologie est-elle une contrainte de plus ou une solution d’avenir ? 

L’agroécologie et ses bienfaits 

Commençons déjà par définir ce qu’est l’agroécologie : un ensemble de théories et de pratiques agricoles inspirées de l’écologie et de l’agronomie. L’agroécologie renvoie ainsi aux pratiques qui collaborent avec le vivant plus qu’elles ne cherchent à le manipuler ou le contrôler. Parmi elles, l’Agriculture de Conservation des Sols (ACS), l’Agroforesterie, la Permaculture, l’Agriculture Régénérative, et bien évidemment l’Agriculture Biologique (AB). 

Même si toutes ont des sensibilités différentes, elles recherchent la diminution des intrants de synthèse (engrais chimiques, pesticides) et un moindre travail du sol, privilégient les associations culturales, les rotations longues et les couverts végétaux afin de limiter le plus naturellement possible les maladies, ravageurs et adventices.  

L’agroécologie est ainsi réputée pour maintenir des sols en bonne santé, protéger voire restaurer la biodiversité, et stocker du carbone. Une prouesse particulièrement louable, dans un contexte où 70 % de nos insectes ont disparu en une trentaine d'années, et où l’agriculture est responsable de 20 % de nos émissions de gaz à effet de serre. Bien évidemment, comme rien n’est magique, les critiques se concentrent sur deux aspects : la compétitivité et les rendements. 

L’agroécologie et la compétitivité sur les marchés 

L’agroécologie est souvent critiquée pour sa complexité et son manque de compétitivité. Convenons que supprimer le recours à certains produits de traitements et aux engrais de synthèse peut générer des contraintes de production qui peuvent sembler difficiles à mettre en place et moins rentables… du moins à court-terme. C’est sans prendre en compte l’ensemble des coûts cachés liés à la production de notre alimentation. La FAO a publié, en novembre 2023, une étude chiffrant à 10 000 milliards les coûts indirects (soit 10% du PIB mondial !) liés aux impacts de notre modèle agricole actuel sur la santé humaine et l’environnement. 

Dans un système de marché où le libre échange et la mondialisation sont rois, et où les conséquences sanitaires et environnementales ne sont pas intégrées dans le coût de production, il y aura toujours un avantage pour les produits moins disant sur le plan écologique et social. C’est la prime au vice, que nous avons à tort appelée 'compétitivité' pendant de nombreuses années."

Ainsi, développer l’agroécologie ne pourra se faire sans harmonisation à une échelle assez large (européenne par exemple) et sans rétablir des barrières douanières, afin de ne pas avoir la tentation d’importer, à bas prix, des produits agricoles que nous n’oserions plus produire chez nous. 

Nourrir l’humanité avec des rendements décroissants 

L’autre critique se concentre sur les rendements, qui seraient pénalisés par des pratiques agroécologiques. Il est bien connu que les rendements en Agriculture Biologique (par ex.) sont inférieurs, la plupart du temps de 10 à 20 %, à l’agriculture conventionnelle. Mais que deviendront les rendements de l’agriculture conventionnelle quand les sols seront complètement inertes, et que la raréfaction des énergies fossiles empêchera la production à l’échelle des engrais et pesticides sans lesquels plus rien ne fonctionne ? La direction que prennent nos écosystèmes laisse entrevoir le pire, où nous ne saurons tout simplement plus produire notre alimentation en quantité suffisante.  

En somme, "avoir plus maintenant" c’est probablement aussi "avoir beaucoup moins après"…L’agroécologie, plus qu’une contrainte, est une formidable opportunité pour repenser la façon dont notre agriculture doit avant toute chose nous nourrir, et non pas être "marchandisée", en remettant l’humain et le vivant au centre. 

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