Fashion Revolution a publié une grande enquête intitulée "What Fuel Fashion ?", visant à mesurer le niveau de transparence des 250 plus grandes marques de textile au monde en matière sociale et environnementale. 
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Environnement

Environnement : "l'industrie textile est très peu régulée comparée à d'autres secteurs"

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Alors que l'industrie textile est pointée du doigt pour sa pollution massive, une récente étude de Fashion Revolution met en lumière l'opacité qui règne au sein des 250 plus grandes marques mondiales. Et les résultats sont sans appel : si les objectifs sociaux et environnementaux sont en apparence nombreux, les engagements concrets se font encore trop rares.

Les émissions générées par l'industrie textile, incluant les vêtements et les chaussures, atteignent aujourd'hui 4 milliards de tonnes d'équivalent CO2 par an. Un chiffre qui, comme le rappelle l’ADEME, dépasse l'impact des vols internationaux et du trafic maritime réunis. 

Face à ce constat alarmant, le mouvement Fashion Revolution, né en 2013, milite pour un changement radical du secteur à travers trois axes : faire évoluer les législations européennes et mondiales, pousser les marques à adopter des pratiques durables et sensibiliser le grand public aux enjeux environnementaux et sociaux de la mode.

Un indice de transparence pour évaluer les marques

C’est dans ce contexte que Fashion Revolution a publié une grande enquête intitulée "What Fuel Fashion ?", visant à mesurer le niveau de transparence des 250 plus grandes marques de textile au monde en matière sociale et environnementale. 

Ce rapport donne la preuve statistique que les marques ne donnent que trop peu d’informations sur ce qu’elles font réellement, ce qui pose problème lorsqu’on sait que l'industrie a un impact énorme sur la crise climatique.

"On voit de plus en plus de marques annoncer des objectifs de réduction d'émissions, ou bien dire qu'elles sont alignées aux Science-Based Targets", déclare Delphine Williot, responsable de la politique et des campagnes pour Fashion Revolution. "Seulement, en creusant un peu, on se rend compte qu’une grande majorité de ces marques ne délivre que très peu d’informations quant à leur impact environnemental."

Une cinquantaine d’indicateurs

Pour Fashion Revolution, l’objectif de cette recherche est multiple : analyser le pourcentage de marques ayant un objectif de réduction des émissions, comprendre leur empreinte écologique tout au long de leur chaîne d'approvisionnement et évaluer leurs investissements dans la décarbonisation. 

"Ce qu'il faut savoir, c'est que notre recherche se base uniquement sur la transparence, c'est-à-dire qu'on ne note pas une entreprise en fonction de ce qu'elle fait, mais en fonction de ce qu'elle publie sur son site", précise Delphine Williot. 

Pour aller plus loin : "La mode éthique dans nos dressings

Au total, l’enquête repose sur une cinquantaine d’indicateurs répartis en cinq sections : la gouvernance ; les objectifs d'émissions et les informations relatives à la chaîne d'approvisionnement et à l'empreinte carbone ; la manière dont les entreprises sourcent leur énergie ; les investissements de la marque dans la transition écologique ; et la transition juste au sein de la chaîne d'approvisionnement. 

Un retard préoccupant en matière de transparence

Et les résultats sont sans appel : la moyenne de transparence des 250 marques est de seulement 18 %. Pire encore, 13 % des marques, soit 32 sur 250, ont obtenu une note de 0 %. "Ce rapport donne la preuve statistique que les marques ne donnent que trop peu d’informations sur ce qu’elles font réellement, ce qui pose problème lorsqu’on sait que l'industrie a un impact énorme sur la crise climatique."

Nous pensons qu'une réelle transition écologique n'aura lieu que lorsqu'une législation obligera les marques à agir ou que leurs chaînes d'approvisionnement seront fortement perturbées par les impacts climatiques.

Mais alors, comment expliquer le retard global de l’industrie textile en matière d’engagement environnemental ? Pour Delphine Williot, les marques estiment que la transition écologique représenterait un risque trop important pour leurs profits. "Ce qu'il faut savoir, c'est que l'industrie textile est très peu régulée comparée à d'autres secteurs. À partir du moment où vous pouvez continuer à générer des profits énormes, sans être contraint de changer vos pratiques, pourquoi le feriez-vous ?"

Une transition écologique possible, vraiment ?

Une question se pose alors : est-ce possible de faire changer réellement les choses à court terme ? Oui, mais à certaines conditions : "Tant qu'il n'y a pas de législation forte, les marques continueront à maximiser leurs profits au détriment de l'environnement et des travailleurs. Nous pensons qu'une réelle transition écologique n'aura lieu que lorsqu'une législation obligera les marques à agir ou que leurs chaînes d'approvisionnement seront fortement perturbées par les impacts climatiques."

En plus de sensibiliser le grand public, Fashion Revolution espère pousser les marques à adopter des pratiques plus responsables par le biais de cette campagne. Le mouvement demande notamment aux entreprises citées dans le rapport d’investir 2 % de leurs revenus dans la transition écologique de leur chaîne d'approvisionnement.

Pour impliquer les citoyens, Fashion Revolution a également mis en place un outil permettant aux consommateurs d’envoyer un email aux 250 marques incluses dans la recherche. Une manière  simple d’agir à son échelle pour la transition écologique. Pour y accéder, cliquez ici.