L'agrivoltaïsme consiste à installer des panneaux solaires sur les terres agricoles.
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Environnement

Agrivoltaïsme : concilier transition écologique et transition agricole

Installer des panneaux solaires sur les terres agricoles, c’est le principe de l’agrivoltaïsme. Si les avantages pour les cultures et les agriculteurs sont réels, il existe également quelques limites auxquelles la réglementation tente de répondre. Décryptage.

Des panneaux solaires en pleins champs. Depuis quelques années, des installations photovoltaïques font leur apparition sur les terres agricoles. Cette pratique porte un nom : l’agrivoltaïsme. Selon le centre de ressources sur l’agrivoltaïsme, le but est de répondre à la fois aux enjeux de la transition écologique et à ceux de la transition agricole. Les panneaux solaires installés au-dessus des récoltes permettent de les protéger des aléas climatiques, tout en limitant les pertes en eau liées à l’évaporation. Les besoins en irrigation sont donc réduits et la protection contre les intempéries et les canicules — deux phénomènes de plus en plus extrêmes avec le changement climatique — assure un rendement plus important.

Pour les agriculteurs, l’intérêt est aussi économique. Ils peuvent bénéficier d’une réduction de leur facture d’électricité en consommant l’énergie solaire produite ou bien la revendre pour obtenir un complément de revenus. Les propriétaires peuvent aussi percevoir un loyer en louant leur terrain à un énergéticien.

Une solution contre le manque d’espace

L’agrivoltaïsme permet également de répondre à l’une des difficultés principales du déploiement photovoltaïque : le manque d’espace. Actuellement, les panneaux solaires au sol sont installés prioritairement sur des terrains considérés comme dégradés, comme des décharges ou d’anciennes carrières, mais la disponibilité de ces surfaces tend à se réduire. Or, le foncier agricole représente près de 30 millions d’hectares. D’autant qu’en termes d’énergie solaire, la France est à la traîne. La Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) fixe pour objectif d’atteindre entre 35 et 44 Gigawatts (GW) d’énergie solaire d’ici 2028. Mais en 2023, la puissance photovoltaïque n’atteignait que 20,3 GW.

Il existe différents types d’installations agrivoltaïques. Les ombrières fixes sont les plus simples. Il s’agit d’installations en hauteur, parfois appelées "serres ouvertes". Les ombrières dynamiques, elles, peuvent être orientées pour gérer l’ensoleillement et l’ombrage des cultures, et pour les protéger des intempéries. Les résultats expérimentaux mettent en avant un rendement maintenu, une réduction de l’irrigation et une amélioration de l’apparence, de l’odeur, du goût et de la texture. Il existe également des serres photovoltaïques, autrement dit des serres classiques dotées de panneaux solaires sur leur toiture. Mais cette technique entraîne une baisse de rendement qui peut être importante.

Un équilibre entre production d’énergie et rendement agricole

C’est l’un des principaux risques de l’agrivoltaïsme : le manque de luminosité pour les cultures, qui entraîne nécessairement une perte de rendement. L’enjeu est donc de trouver un équilibre entre rendement solaire et rendement agricole. "L’agrivoltaïsme désigne des installations en complète synergie avec l’activité agricole, apportant un service agronomique direct, sans diminution des revenus agricoles. C’est par exemple le cas quand des ombrières photovoltaïques améliorent la production agricole, en la protégeant des aléas climatiques, et apportent directement un revenu complémentaire à l’exploitant. D’autres types d’installations intermédiaires dites de « couplage d’intérêt pour l’agriculture » visent plutôt un équilibre entre les deux activités, acceptable pour l’agriculteur", explique Céline Mehl, coordinatrice solaire photovoltaïque à l’Ademe, l’agence de la transition écologique.

Le 9 avril 2024, un décret est venu préciser le cadre juridique de cette filière encore très récente pour éviter les dérives et redonner la priorité à l’activité agricole. Il prévoit notamment que les baisses de rendement ne puissent excéder 10% des rendements moyens habituels. Le décret précise également que les panneaux solaires ne peuvent pas couvrir plus de 40% de la superficie totale du terrain. En cas de non-respect, des sanctions, allant jusqu’au démantèlement de l’installation et la remise en état de la parcelle, pourront être appliquées.

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Malgré ses avantages et son cadre juridique protecteur, l’agrivoltaïsme ne fait pas l’unanimité. La Confédération paysanne a notamment annoncé déposer un recours devant le Conseil d’Etat pour faire annuler le décret, tout comme Hervé Morin, le président de la région Normandie.