Entretien avec Gregory Dissoubray, directeur commercial d’Enercoop.
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Electricité vraiment verte, locale et citoyenne : l’histoire d’Enercoop à la loupe

Le fournisseur français d’électricité d’origine renouvelable Enercoop a une histoire et un statut bien particuliers : pour mieux comprendre l’origine de sa création, son fonctionnement et son évolution ces dernières années, ID s’est entretenu avec Gregory Dissoubray, directeur commercial d’Enercoop.

Nous sommes en 2005 lorsque se crée Enercoop. Quel est alors le contexte qui entoure le monde de l’énergie et comment a été pensé ce projet ?

Quand le marché de l’énergie a été ouvert aux professionnels, il y a tout un groupe d’acteurs, à la fois des ONG de protection de l’environnement, des structures de l’économie sociale et solidaire, ainsi que des pionniers des énergies renouvelables, qui se sont réunis afin d’inventer un nouveau modèle énergétique, avec deux éléments vraiment à la base de la création d’Enercoop. Premièrement, la privatisation d’EDF. Le fait de privatiser un bien de consommation que l’on utilise tous les jours, qui est totalement vital et qui structure la société posait une grosse problématique sociale. Deuxième chose, cela fait soixante ans que EDF, via l’État, développe une filière loin d’être renouvelable, qui est principalement nucléaire puisqu’aujourd’hui en France, le mix énergétique d’EDF et donc d’une grande majorité de la France est constitué à quasiment 80 % d’électricité d’origine nucléaire, donc non-renouvelable. C’est dans ce cadre-là, à la fois social, lié à la privatisation d’EDF, et environnemental, que ce réseau d’acteurs a souhaité créer une alternative.

L’ouverture du marché de l’énergie a ainsi été l’opportunité de créer un fournisseur alternatif développant les énergies renouvelables en France avec un réel approvisionnement en contrat direct. Par ailleurs, il était fondamental pour Enercoop de créer un service citoyen de l’électricité, donc un système où l’ensemble des parties prenantes, c’est-à-dire les producteurs, consommateurs, salariés et collectivités locales, se réunissent en une coopérative. Tous, s’ils le souhaitent, détiennent des parts chez Enercoop. C’est un statut qui oblige la lucrativité limitée puisque nous devons réinvestir 60 % de nos bénéfices dans notre projet de transition énergétique.

À l’époque, comment a été perçu le fait de vouloir créer un fournisseur d’énergie 100 % renouvelable ?

Il faut revenir en arrière, il y a 15 ans, où la production d’énergie renouvelable était quelque chose qui pouvait paraître utopique. Donc au départ, nos premiers adhérents étaient très majoritairement des personnes déjà militantes. Et puis peu à peu, avec la montée en puissance des problématiques environnementales au sens large, on a réussi à convaincre de plus en plus de personnes. Des cercles moins militants, plus éco-citoyens. Des personnes ayant envie de contribuer, par leurs actes de consommation, à des choses qui ont du sens et qu’ils maîtrisent. C’est pour ça qu’aujourd’hui, nous sommes 90 000 consommateurs, c’est à peu près un millième de l’électricité en France. Ce qui montre que nous sommes passés bien au-delà du cercle militant.

L’objectif est de proposer un accès à une électricité 100 % renouvelable via de la production locale, et donc de permettre aux consommateurs d’investir eux-mêmes dans la production.

Pourquoi avoir décidé de mettre en place des coopératives dans toute la France ? Que vous apportent-elles, concrètement ?

Le statut d’Enercoop, c’est d’accompagner les consommateurs à diminuer leur consommation, puisque c’est l’électricité la plus propre et la moins chère. L’objectif est donc de proposer un accès à une électricité 100 % renouvelable via de la production locale, et donc de permettre aux consommateurs d’investir eux même dans la production. Pour arriver à mettre en œuvre ces trois choses, il faut être sur le terrain. On ne peut pas le faire de manière centralisée. Si nous avons aujourd’hui une centaine de collectivités chez Enercoop, c’est avant tout parce que nous avons un ancrage local et que notre statut permet à chaque collectivité d’adhérer à sa coopérative locale.

Quel est le statut juridique d’Enercoop ?

C’est une Société Coopérative d’Intérêt Collectif, une SCIC. Elle réunit donc l’ensemble des parties prenantes qui détiennent les outils de production, c’est-à-dire des producteurs, des consommateurs, des salariés, des collectivités locales. Donc, c’est un statut qui est d’intérêt collectif, qui est reconnu d’utilité sociale par l’État. Nous fonctionnons démocratiquement, puisque l’ensemble des parties prenantes a une voix, et cela peu importe le nombre de parts du capital détenu. Une personne morale ou physique est égale à une voix.

Qu’en est-il de votre modèle économique, comment le définiriez-vous ?

Nous avons un modèle économique qui est décentralisé et à but non-lucratif. Le but d’une coopérative comme la nôtre, c’est d’arriver à zéro euro à la fin de l’année. Faire trop de bénéfices signifierait que nous n’avons pas facturé notre service au bon prix pour nos clients. Être engagé et défendre l’environnement ne garantit pas l’honnêteté. On peut acheter bio, faire du vélo, mettre des panneaux solaires sur sa maison et néanmoins exploiter son prochain. Notre système coopératif permet donc de ne pas exploiter nos clients.

Enercoop a une forte croissance, car sans le vouloir, nous surfons sur une vague de prise de conscience globale des problématiques environnementales.

Quel constat faites-vous sur l’évolution d’Enercoop au fil des années ?

Enercoop a une forte croissance, car sans le vouloir, nous surfons sur une vague de prise de conscience globale des problématiques environnementales. Ce qui explique que nous ayons une croissance de 30 à 40 % par an. Au début nous étions les seuls, et aujourd’hui nous avons des concurrents sur la partie offre verte et tant mieux, même si ce n’est pas la fourniture d’électricité verte qui fait tout. Nous avons été le premier fournisseur alternatif à EDF à avoir atteint notre équilibre économique en 2009. En 2011, il y a eu un premier énorme boum d’adhésion avec Fukushima malheureusement, qui a mené à une grosse prise de conscience de ces enjeux-là. Le deuxième boum d’adhésion intervient ensuite en 2015, avec les COP, nous sommes passé de 500 à 2000 adhésions par mois. En 2016, il y a eu la première vague de disparition des tarifs régulés de ventes de l’électricité pour les gros professionnels. C’est dans ces années-là que nous avons réussi à changer d’échelle, afin d’avoir un impact beaucoup plus important sur l’énergie en France. Il y a plusieurs raisons au changement d’échelle. Tout d’abord le fait d’atteindre un équilibre économique au sein de notre réseau. Il y aussi une mécanique liée à la production. Plus il y a de consommateurs, plus il y a de production. Et enfin une mécanique politique. En effet, plus nous sommes nombreux, plus nous avons du poids sur les instances réglementaires pour faire bouger les choses. À plus long terme, notre ambition est de détenir la 1/4 de nos outils de production, d’ici 2030.

En tant que client, quelles sont les démarches pour souscrire à Enercoop, et qui peut avoir accès à ces offres ?

Tout le monde peut le faire. Ça prend cinq minutes. Il suffit juste d’avoir une facture où l’on retrouve son numéro de point de livraison, d’avoir son relevé de compteur, d’aller sur notre site Internet et dès le lendemain, vous êtes chez Enercoop. Quand je passe d’EDF à Enercoop notamment, j’arrête de demander à EDF de produire l’équivalent de ce que je consomme, donc je diminue la demande et par conséquent la production d’électricité nucléaire en France. C’est donc Enercoop qui produit ce que je consomme. Ainsi, je pousse et j’augmente la production d’énergie renouvelable en France, c’est très concret.

Les gens comprennent bien que le fait de ne pas recourir à l’électricité nucléaire, d’être en contrat direct avec des producteurs d’énergie renouvelable, de développer des outils de productions citoyens, d’accompagner des collectifs de citoyens et d’investir nous-mêmes dans la production d’énergie renouvelable, cela a un prix. Tout cela cumulé fait que nous sommes en moyenne 15 % plus chers.

Quels sont, de manière générale, les retours de vos clients sur les offres que vous proposez ?

Historiquement, les retours témoignent d’une confiance très forte vis-à-vis d’Enercoop. Au-delà de la véracité de notre offre qui est la même depuis 15 ans, il y a une transparence dans notre démarche qui est liée à notre statut. Nous avons une démarche pédagogique, d’éducation populaire qui est extrêmement forte et qui est liée à notre ADN. Nous sommes là pour réapprendre aux gens ce qu’il y a derrière la prise à travers de nombreuses démarches, comme des ateliers lors de nos assemblées générales, dans nos entreprises, etc. Les gens comprennent bien que le fait de ne pas recourir à l’électricité nucléaire, d’être en contrat direct avec des producteurs d’énergie renouvelable, de développer des outils de productions citoyens, d’accompagner des collectifs de citoyens et d’investir nous-mêmes dans la production d’énergie renouvelable, cela a un prix. Tout cela cumulé fait que nous sommes en moyenne 15 % plus chers, 5 à 10 € en plus par mois pour une famille moyenne sans chauffage électrique. Nous avons d’ailleurs un réseau d’ambassadeurs qui est colossal et c’est assez symbolique de la confiance qu’ils nous accordent. Les gens se lèvent le dimanche matin pour aller tenir des stands d’Enercoop dans des salons ou dans des foires. Il n’y a aucun autre fournisseur en France dont les consommateurs sont aussi investis.

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En partenariat avec Enercoop.