Dans le parc national de Yellowstone, la réintroduction des loups après plusieurs décennies d’absence a entraîné une régénération significative des trembles.
©Pixabay/Pexels
Ailleurs dans le monde

États-Unis : comment la réintroduction du loup favorise la régénération des arbres

Article réservé aux abonnés

Dans le parc national de Yellowstone, la réintroduction des loups après plusieurs décennies d’absence a entraîné une régénération significative des trembles, des arbres au tronc blanc et au feuillage léger, modifiant la dynamique de tout cet écosystème.

Le mercredi 13 août marquait la Journée internationale du loup, destinée à sensibiliser le public à la préservation de cet animal sauvage. Pourtant, les récentes décisions européennes ont assoupli sa protection. En effet, le 7 mars 2025, le loup a perdu son statut d’espèce "strictement protégée" au profit d’une protection moins contraignante dans le cadre de la Convention de Berne. Cette modification offre ainsi aux États membres la possibilité d’ajuster la gestion des populations. Le 8 mai, le Parlement européen a validé cette réforme, ouvrant la voie à des législations nationales plus souples.

En France, le gouvernement n’a pas tardé à suivre cette tendance. Par arrêté du 21 juin, il a autorisé les éleveurs bovins et équins à effectuer des tirs de défense contre les loups pour protéger leur troupeau, même lorsque celui-ci n’a pas été attaqué. Quelques jours plus tard, le président Emmanuel Macron affirmait vouloir limiter l’implantation du loup dans les zones de pastoralisme, quitte à en "prélever davantage", c’est-à-dire autoriser un nombre plus important d’abattages.

La réintroduction des loups entraîne des changements durables qui contribuent à une plus grande biodiversité et à la diversité des habitats.

Une dérégulation de l'écosystème

Alors que la France et l’Europe semblent privilégier une approche défensive, outre-Atlantique, la présence du loup a montré son rôle essentiel pour la biodiversité. Parue fin juillet, une étude menée par des chercheurs de l’Université de l’Oregon se penche sur le parc national de Yellowstone, où les forêts de trembles reprennent progressivement du terrain après des décennies de déclin.

Ces arbres, connus pour leur écorce blanche et leur feuillage léger, avaient quasiment disparu du parc, faute de régulation naturelle des populations de wapitis, leurs principaux consommateurs. Les loups gris, autrefois présents dans la région, avaient été éradiqués dans les années 1920 dans le cadre de programmes gouvernementaux de contrôle des prédateurs. Privés de leurs ennemis naturels, les wapitis ont proliféré et brouté les jeunes pousses, empêchant toute régénération.

Retour en grâce

Ce déséquilibre a affecté l’ensemble de l’écosystème puisque les trembles, qui fournissent un habitat essentiel à des espèces comme les castors ou les oiseaux nicheurs, ont vu leur disparition fragiliser l’intégralité de la biodiversité locale.

Face à constat, un programme de réintroduction des loups, venus du parc national de Jasper au Canada, a été lancé en 1995. Au fur et à mesure, les prédateurs ont alors pu y reprendre leur rôle naturel : limiter la population d’élans et protéger indirectement les jeunes arbres.

Et trois décennies ans plus tard, les résultats sont bel et bien visibles : des peuplements de trembles ont atteint une taille suffisante pour former une forêt dense, chose qui n’était pas arrivée depuis les années 1940.

Parc national de Yellowstone, Oregon, États-Unis. ©OregonState University

Parc national de Yellowstone, Oregon, États-Unis. ©OregonState University

Une cascade trophique

Dans le détail, l’étude - menée sur 87 sites - montre qu’environ un tiers des peuplements contiennent désormais un grand nombre de jeunes arbres dépassant deux mètres, alors qu’aucun ne se développait dans les années 1990. Depuis 1998, la densité de ces jeunes trembles a d’ailleurs été multipliée par 152.

Pour confirmer que cette évolution est bien liée au retour des loups, et non à d’autres facteurs comme le climat, les chercheurs ont mesuré l’intensité du broutage par les wapitis. Les zones où les jeunes arbres se sont développés présentent des taux de consommation beaucoup plus faibles que celles où les wapitis continuent de manger les pousses. "C’est un cas remarquable de restauration écologique", souligne Luke Painter, écologue à l’université d’État de l’Oregon et auteur principal de l’étude. "La réintroduction des loups entraîne des changements durables qui contribuent à une plus grande biodiversité et à la diversité des habitats".

Ce phénomène, que les écologues appellent "cascade trophique", montre comment le retour d’un prédateur transforme en profondeur la structure d’un écosystème.