Zigzag pour la fin du budget 2019 au Parlement

Fin de parcours chaotique pour le budget 2019: le Parlement doit donner cette semaine son feu vert aux mesures annoncées par l'exécutif dans la crise des "gilets jaunes", au prix de contorsions politiques et calendaires.

Sur le papier, le programme était fixé de longue date: le projet de loi de finances doit être adopté définitivement jeudi matin, par un ultime vote de l'Assemblée, pour respecter les délais constitutionnels. La trêve de fin d'année devait alors débuter pour députés et sénateurs qui ont siégé sans interruption depuis le 12 septembre.

C'était sans compter les annonces en rafale d'Emmanuel Macron le 10 décembre - baisse de CSG, hausse de revenu de 100 euros autour du Smic, heures supplémentaires défiscalisées... - qui ont largement rebattu l'équation budgétaire.

Et les parlementaires de peut-être devoir siéger entre Noël et Nouvel An. Le dernier cas remonte à 1979: le Conseil constitutionnel avait retoqué le budget pour l'année suivante, obligeant à une nouvelle autorisation de percevoir impôts et taxes.

Matignon, Bercy et assemblées travaillent à accélérer le mouvement pour éviter d'en arriver à une telle extrémité, même si la majorité est animée d'un "sens du devoir insubmersible" et répondra présent si nécessaire, selon le chef de file des "marcheurs" Gilles Le Gendre.

Après quelques jours à peser les différentes options (budget rectificatif, rappel du budget de la Sécu déjà voté...), l'exécutif a fait le choix de traduire la plupart de ces mesures dans un projet de loi distinct, "portant mesures d'urgence économiques et sociales", qui sera présenté mercredi en Conseil des ministres et passera jeudi après-midi à l'Assemblée, puis vendredi au Sénat.

Donc après l'adoption définitive du budget, sur lequel les nouvelles mesures auront des conséquences non négligeables: coût de 10,3 milliards, ce qui va creuser le déficit à 3,2% du PIB en 2019, selon Matignon.

- "On marche sur la tête" -

"Nous sommes dans une situation inédite" et "ça s'entrechoque", a souligné le président de la commission des Finances Eric Woerth (LR) vendredi lors de l'examen en nouvelle lecture du projet de budget.

Cet embrouillamini a donné lieu à des échanges cocasses. "Je ne vais pas cacher que je suis un peu mal à l'aise", a notamment confié le rapporteur général Joël Giraud (LREM), obligé de donner à ce stade un avis défavorable à un amendement sur la défiscalisation des heures supplémentaires porté par Charles de Courson (Libertés et territoires)... car la mesure sera dans le nouveau projet de loi de mercredi. "On marche sur la tête", lui a rétorqué M. de Courson, pilier du budget.

Le même anticipe le vote jeudi d'un budget "insincère". Le rapporteur s'est inscrit en faux: "nous tirerons les conséquences des nouvelles mesures, par anticipation, dans le tableau d'équilibre" retraçant recettes et dépenses. "En vingt-six ans" de mandat, M. de Courson n'a "jamais vu ça".

Au-delà de cette gymnastique peu lisible, quelle sera l'attitude des oppositions? "Est-ce qu'elles vont jouer un jeu malsain?", s'interroge un député de la majorité, qui craint que "le débat s'enlise", en particulier sur les nouvelles économies demandées aux entreprises ou aux ministères.

"Il serait paradoxal de retarder volontairement", via des amendements, "l'adoption de mesures sociales urgentes", plaide le président de l'Assemblée Richard Ferrand (LREM).

Gauche et droite ont souvent réclamé la suppression de la hausse de la CSG ou des gestes pour les foyers modestes.

"Il va de soi que nous ne critiquerons pas demain ce que nous proposions hier", a déjà indiqué Virginie Duby-Muller, vice-présidente des députés LR. Nombreux sont ceux à souhaiter ardemment un vote du Sénat vendredi conforme à celui de l'Assemblée la veille, pour éviter de jouer les prolongations.