Pris d'assaut par les particuliers depuis le début de l'année, le dispositif d'aides à la rénovation énergétique MaPrimeRénov' manque d'argent. Le gouvernement prépare des ajustements pour les prochaines semaines et une suspension des aides est sur la table.
Le nombre de logements rénovés avec des subventions de MaPrimeRénov' a triplé en début d'année, alors que le budget prévu par l'État pour 2025 avait été réduit dans la loi de finances, pour s'aligner avec les montants consommés en 2024.
"Vu la montée en puissance de la rénovation des logements, qui n'est pas surprenante, c'était sûr qu'il y aurait un problème", relève Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation pour le logement (ex-Fondation Abbé Pierre).
Le problème est désormais concret: sept collectivités territoriales du Grand Est ont écrit au ministère pour alerter sur l'épuisement de leur enveloppe budgétaire MaPrimeRénov'.
Le département de l'Ardèche fait face à la même pénurie de fonds, tout comme la métropole de Lyon et de nombreux autres territoires qui sont chargés de distribuer les aides aux ménages modestes et très modestes pour la rénovation globale de leurs logements.
L'Agence nationale de l'habitat (Anah) indiquait la semaine passée que plus de 100.000 dossiers de rénovation (par geste et rénovation globale) ont été engagés depuis le début de l'année, pour un objectif fixé par l'État de 350.000 rénovations énergétiques, dont 100.000 rénovations globales.
Un budget de 3,6 milliards d'euros a été alloué à l'Anah pour MaPrimeRénov' et le gouvernement ne prévoit pas de le compléter, ni d'instruire des dossiers au-delà de l'objectif fixé.
La conséquence de ce manque d'argent public est que MaPrimeRénov' pourrait être suspendue à compter de juillet et au moins jusqu'à la fin de l'année, selon un article du Parisien publié mardi.
Un membre du conseil d'administration de l'Anah et une autre source proche ont indiqué à l'AFP que la fermeture du guichet est une piste évoquée. "Rien n'est décidé", indique le ministère chargé du Logement, réfutant un épuisement précoce du budget de MaPrimeRénov'.
Cela signifierait, le cas échéant, que plus aucun dossier de demande de subvention ne pourrait être déposé à partir de juillet. "Une catastrophe absolue" pour Jacques Baudrier, adjoint PCF de la mairie de Paris chargé du logement.
"La transition environnementale dans le bâtiment nécessite de l'argent public, sans quoi elle ne se fait pas", alerte Manuel Domergue.
Du côté de l'État, l'Anah "ne commente pas les rumeurs" et le gouvernement indique préparer "des annonces courant juin pour mieux gérer l'afflux de dossiers et détecter les fraudeurs en amont".
La "forte dynamique sur la rénovation d'ampleur est une bonne nouvelle" et "l'instruction et le paiement des dossiers se poursuivent normalement", martèle le gouvernement, sans dire mot du manque de fonds publics.
Des "arbitrages pour 2026" sont aussi promis pour juillet.
- Filière inquiète -
Les entreprises de la rénovation énergétique s'inquiètent aussi: "S'il y a un coup d'arrêt de MaPrimeRénov', ce sera brutal", craint Jean-Christophe Repon, président du syndicat des artisans du bâtiment, la Capeb.
Un "gel" de MaPrimeRénov' "casserait la dynamique de décarbonation engagée, désorganiserait les entreprises du bâtiment et découragerait les ménages. C'est tout l'écosystème de la rénovation énergétique qui serait réduit à néant", gronde la Fédération française du bâtiment, qui qualifie d'"inadmissible" l'hypothèse de suspendre les aides au second semestre.
Craintes partagées par l'Agence nationale pour l'information sur le logement (Anil), qui s'inquiète du "signal d'instabilité" envoyé "aux ménages comme aux professionnels du secteur".
"Cette décision, si elle venait à se concrétiser, confirmerait un manque coupable de volonté politique à faire de la rénovation énergétique une véritable priorité nationale, à la hauteur de défis climatiques et sociaux qui sont colossaux", poursuit l'Anil.
Le gouvernement a déjà commencé à chercher des solutions financières pour abonder MaPrimeRénov' sans creuser encore plus le déficit public.
Il prévoit de modifier les règles des certificats d'économie d'énergie (CEE) pour inciter des entreprises à financer des rénovations d'ampleur, ce qui aurait des effets "plutôt en 2026", selon Damien Demailly, directeur adjoint de l'institut de recherches spécialisé dans l'économie du climat I4CE.