Verdissement de l'agriculture: le ministre fâche les ONG

Le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie s'est attiré les foudres de plusieurs organisations paysannes et de défense de l'environnement vendredi en raison d'arbitrages jugés trop peu "verts" au sujet de la prochaine politique agricole commune (Pac) européenne, pour la période 2023-2027.

Au grand dam des organisations qui voulaient une forte incitation à verdir les pratiques et un soutien accru aux petites exploitations, Julien Denormandie a revendiqué une certaine "stabilité" dans la répartition des aides afin, dit-il, de ne pas déstabiliser les revenus des agriculteurs. Tout en réfutant tout "immobilisme".

Investir dans la transition agroécologique et l'agriculture de demain "n'est possible que si vos revenus le permettent", a insisté le ministre devant la presse, à l'issue d'une réunion avec le monde agricole et des ONG.

En guise de protestation, des organisations, réunies dans le collectif Pour une autre Pac (Fédération nationale d'agriculture biologique, Confédération paysanne, WWF France, Greenpeace...), ont "claqué la porte" de cette réunion en visioconférence.

"Manifestement c'était une décision organisée entre eux avant même d'avoir connaissance de mes arbitrages", a-t-il déploré, évoquant une "organisation théâtrale pré-programmée".

"Sous couvert de stabilité, Julien Denormandie est en fait l'artisan de renoncements irresponsables pour l'emploi agricole, l'environnement et la prise en compte des attentes sociétales", dénonce Pour une autre Pac.

De son côté, la Confédération paysanne a regretté que le ministre ait "choisi l'imposture".

Le plus grand syndicat agricole, la FNSEA, est en revanche sorti plus satisfait.

"Les organisations de la plateforme Pour une autre Pac ont pourri le débat", a déclaré à l'AFP Christiane Lambert, présidente de la FNSEA. "Ils ont fait du cinéma. Ce n'est pas comme cela que l'on travaille".

- Aides au bio -

De ce sujet très technique dépend une bonne partie du revenu des 450.000 exploitants agricoles français qui peinent souvent à obtenir des prix rémunérateurs.

La France est en train d'élaborer, pour la période 2023-2027, son plan stratégique national (PSN), déclinaison de la Pac dont les grandes lignes sont définies à Bruxelles.

La France est le premier bénéficiaire de cette politique européenne avec environ neuf milliards d'euros de subventions annuelles.

Une "enveloppe fermée", a rappelé le ministre. C'est-à-dire qu'augmenter les fonds prévus pour soutenir telle ou telle agriculture revient à diminuer les subventions d'un autre côté.

Au programme, pas de grand bouleversement.

Aucun transfert n'est prévu du "premier pilier" - la majorité de la Pac, qui comprend les aides à l'hectare - au deuxième, censé accompagner la modernisation des exploitations et des pratiques agricoles.

"Consolider les revenus des agriculteurs (...) n'est en aucun cas de l'immobilisme", s'est défendu le ministre.

Il a par ailleurs décidé de maintenir au niveau actuel l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) qui bénéficie en particulier aux éleveurs de montagne, au prix d'un effort sur le budget national.

Ou encore de renforcer les aides destinées aux jeunes agriculteurs (+67 millions d'euros par an, selon le cabinet du ministre).

"Jamais une Pac n'aide autant l'installation" des jeunes, a affirmé Julien Denormandie.

Point de crispation: l'agriculture biologique. Dans la future Pac, les agriculteurs déjà convertis ne bénéficieront plus d'aides spécifiques, le ministère jugeant que le marché est déjà suffisamment rémunérateur. Seules les conversions vers le bio seront subventionnées, pour 340 millions d'euros par an.

Le ministre, qui estime que 12 à 13% de la surface agricole utile française sera cultivée en bio en 2022 (sur un objectif de 15% fixé par Emmanuel Macron) veut désormais atteindre 18% en 2027.

Des agriculteurs, en particulier des céréaliers affiliés à la FNSEA, redoutaient qu'un trop grand nombre d'entre eux ne puissent toucher une partie des aides directes, désormais subordonnées à des pratiques plus exigeantes en faveur de l'environnement (l'écorégime).

Dans le schéma prévu par le ministre, 79% des grandes cultures sont déjà éligibles à cet écorégime, et 13% pourront le devenir en modifiant une petite partie de leur choix de cultures.

La Coordination rurale, deuxième syndicat agricole, se dit "soulagée", évoquant des choix "satisfaisants" du ministre "visant à ne pas bouleverser les bases du revenu des agriculteurs".

L'ensemble du PSN doit être rédigé d'ici l'été, et transmis fin 2021 à la Commission européenne pour validation.

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