Verdir les travaux publics, vaste chantier et question d'avenir

Routes, ponts, infrastructures pour l'énergie ou la fibre... les travaux publics émettent, au stade de la construction, 3,5% du CO2 national, mais in fine, ces ouvrages génèrent la moitié des émissions du pays, alerte la fédération du secteur, qui appelle à soutenir son verdissement.

Il faut "un new deal écologique en matière de politique d'infrastructures!", réclame la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), expliquant vouloir aussi assurer l'avenir des entreprises.

"Il y a encore cinq ans, ce n'était pas le premier des sujets" pour les acteurs de la filière, dit à l'AFP Bruno Cavagné, qui préside la Fédération.

"Puis on a vu le climat, le monde, changer. On s'est interrogé: que fait-on? Quels seront nos métiers demain? Comment soutenir les engagements de la France sans être à la remorque?"

La Fédération a sollicité l'aide du cabinet spécialisé Carbone 4 et de l'Office français des conjonctures économiques (OFCE), embarquant pour deux ans de travaux. Ce diagnostic et plan d'action sera publié pour son forum jeudi, où sont attendus au moins une partie des candidats à la présidentielle.

Premier constat: dans les TP, la construction elle-même génère 3,5% des émissions de CO2 de la France.

Ces dix dernières années, cette empreinte s'est améliorée, dit M. Cavagné. "Le plus facile est recycler l'eau et équiper nos bâtiments en énergie renouvelable". Il existe des bétons "bas carbone", "si le maître d'ouvrage accepte de payer un peu plus".

Mais il y a des marges de progrès: "L'électrique ne marche pas pour nos gros engins. L'hydrogène n'est pas encore au point, il faut un modèle économique aux carburants à l'éthanol... Les équipements +stop and start+ des voitures, sont encore rares sur les engins de chantier..."

L'avancée peut dépendre aussi de politiques publiques: Suède et Norvège ont imposé les pelles électriques, un matériel deux fois plus onéreux que l'équivalent au gazole, note le patron de la FNTP.

Outre l'impact direct du secteur, l'étude a aussi mesuré l'indirect, le fameux "scope 3": l'usage des infrastructures. Et là, on monte à 50% des émissions nationales.

- De moins en moins le marteau-piqueur -

"Si on n'y travaille pas, on n'arrivera pas à décarboner la moitié du pays! Il faut que nous contribuions nous aussi à imaginer l'investissement, les scénarios", qui seront in fine autant de choix de politiques publiques, dit le patron de la Fédération.

Carbone 4 et l'OFCE ont ainsi défini deux scénarios d'investissements, correspondant aux courants dominants du débat, le premier supposant une réduction des usages, le second leur mutation à travers l'innovation. Tous les deux impliquent des milliards d'euros.

"Pour nous, fédération, l'objectif est d'essayer d'amener 8.000 entreprises dans l'effort collectif", explique son président. "Sinon une part de notre travail disparaîtra: il faut écouter les demandes des maîtres d'ouvrage, commencer à s'adapter, se former".

"La commande publique c'est 70% de notre activité, et on sent bien que les élus ont ces questions en tête: pistes cyclables, îlots de fraîcheur, restauration des milieux naturels..."

Plus qu'aux géants Eiffage, Colas, Vinci, déjà mobilisés, il faut "l'expliquer aux nombreuses PME sur le territoire, qui ont le nez dans le guidon".

Le secteur, qui génère 79 milliards d'euros de chiffre d'affaires (plus de 40% à l'étranger), emploie directement 310.000 personnes en France.

La fédération compte donc décliner son rapport en région, avec 140 propositions d'actions. Elle vise une réduction de 40% des émissions pour l'ensemble du secteur à horizon 2030 par rapport à 1990.

"Ce n'est que le début de nos travaux", dit M. Cavagné, qui "croit en la jeune génération" et voit aussi le moyen de montrer "l'attractivité de nos métiers": "les TP, c'est de moins en moins le marteau-piqueur!"

Jeudi, le secteur écoutera aussi les propositions des candidats à l'Elysée, invités à s'exprimer sur cette "transition" lors de son forum au Grand Palais éphémère.

Quant à ses propres efforts collectifs, il promet de les mesurer régulièrement, via un comité de suivi composé pour moitié de personnalités indépendantes et présidé par l'ex-ministre Brice Lalonde.

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