Engie attendait toujours mardi une offre améliorée de Veolia pour sa part dans Suez, les acteurs de ce feuilleton industriel se montrant de plus en plus fébriles à la veille d'une journée cruciale.
C'est en effet mercredi qu'expire l'offre présentée fin août à Engie par le géant de l'eau et des déchets Veolia pour le rachat de ses parts dans son concurrent historique.
Le groupe énergétique, qui souhaite se recentrer sur ses métiers, s'est vu offrir 2,9 milliards d'euros pour ses 29,9% de participation. Veolia compte ensuite lancer une OPA pour constituer un champion mondial du secteur.
Son PDG Antoine Frérot a promis d'améliorer financièrement son offre avant la date limite de mercredi. "Nous n'avons pas, à l'heure où je vous parle, reçu une nouvelle offre", a indiqué le président d'Engie, Jean-Pierre Clamadieu, aux députés qui l'auditionnaient mardi matin.
Mais "nous sommes aujourd'hui convaincus que le projet industriel est solide, nous sommes convaincus que Veolia est prêt à apporter des garanties en termes d'emploi qui nous satisfont (...)", a-t-il ajouté.
Le direction de Suez, qui refuse la fusion, alerte sur le risque social, assurant que 10.000 postes seraient menacés, dont environ la moitié en France, sur 90.000. Mardi, l'intersyndicale appelle à un rassemblement devant la Tour Engie à La Défense (Hauts-de-Seine), le jour où le tribunal de Paris se penche sur une demande du CSE de suspendre le projet de Veolia.
- "La proie pour l'ombre" -
Le conseil d'administration d'Engie devrait se pencher sur ce dossier mercredi.
Le fonds Amber Capital, actionnaire du groupe à hauteur de moins de 1%, a fait savoir mardi qu'il aimerait une "décision définitive", afin de créer "un champion européen des services à l'environnement".
M. Clamadieu a laissé entendre qu'il aimerait que la question soit tranchée rapidement, d'autant que Suez n'a pas constitué à ce jour de projet alternatif, avec d'autres investisseurs, lui permettant de sauvegarder son indépendance: sans décision mercredi, "nous lâchons la proie pour l'ombre", a prévenu le patron d'Engie.
"Ma déception, c'est qu'au fil de ces quatre dernières semaines nous n'avons pas vu de seconde offre se constituer... Malheureusement rien de concret n'est arrivé", a-t-il regretté devant les députés.
M. Clamadieu "nous avait dit que rien ne serait fait dans la précipitation, mais au contraire dans le consensus et la sérénité", assure pour sa part le directeur général de Suez, Bertrand Camus, dans le journal Le Figaro.
"Il nous avait donné rendez-vous le 7 septembre. Nous sommes finalement mis en demeure de travailler dans l'urgence, face à une démarche agressive", mais "je suis convaincu que nous serons en mesure de proposer un projet créateur de valeur pour 100% de nos actionnaires", assure-t-il.
Reste à savoir toutefois comment l'Etat, actionnaire à hauteur de quelque 23,6% d'Engie, va voter mercredi au conseil d'administration d'Engie, auquel il est représenté.
- "Aucune pression" -
Le gouvernement aimerait de fait calmer le jeu dans ce dossier qui touche à des activités stratégiques et politiquement sensibles, et qui n'a cessé de s'envenimer depuis la fin août.
"Je souhaite qu'on prenne le temps nécessaire", a redit mardi le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire. "L'Etat ne cédera à aucune pression. On n'est pas à une semaine, 15 jours ou trois semaines près", a-t-il déclaré.
Bercy cherche à rapprocher les protagonistes de la saga, qui commence à virer à la bagarre sur la place de Paris.
Le président d'Engie a ainsi vivement critiqué mardi la décision de Suez de placer son activité Eau France sous le chapeau d'une fondation aux Pays-Bas destinée à la rendre incessible.
"Il y a là une ligne rouge qui a été franchie", a jugé M. Clamadieu, faisant part de sa "totale stupéfaction" face à une "grave erreur de jugement" de son "ami" Philippe Varin, le président de Suez.
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