Veolia relève son prix pour acheter Suez, malgré la "pilule empoisonnée" qui lui est imposée

Le groupe Veolia a décidé de revoir à la hausse le prix offert à Engie pour acheter ses parts dans son concurrent Suez, "confiant" de pouvoir mener à bien son OPA en dépit du barrage juridique que son vieux rival lui oppose.

Engie, qui vend ses actions dans Suez pour se recentrer sur son secteur de l'énergie, devait réunir vendredi soir ses administrateurs. Mais il ne devrait pas y avoir de décision immédiatement, puisque le conseil d'administration a été transformé au dernier moment en simple réunion de travail à distance, a-t-on appris de sources proches du dossier.

Les administrateurs devaient en tout cas prendre connaissance de l'offre "améliorée" présentée par Veolia, le leader mondial du traitement de l'eau et des déchets qui veut réaliser le vieux rêve de fusion avec Suez.

"Je vais améliorer mon prix", a indiqué vendredi à des journalistes le PDG de Veolia Antoine Frérot, qui avait proposé fin août 2,9 milliards d'euros (15,50 euros par action) à Engie pour ses 29,9% de parts dans Suez.

Le patron du groupe, qui a donné à Engie jusqu'au 30 septembre pour répondre, insiste sur les améliorations apportées aussi en termes de garanties sociales, avec un courrier formalisant ses engagements en matière de préservation de tous les emplois avec leurs avantages sociaux.

Si Engie accepte, Veolia compte déposer quelques jours plus tard une "intention d'OPA" à l'adresse des autres actionnaires de Suez. Il espère accomplir l'opération dans un délai de 12 à 18 mois, le temps d'obtenir l'aval des autorités de la concurrence en France et à Bruxelles.

Son projet, qui inclut la cession des activités Eau France de Suez pour respecter la législation anti-trust, a cependant une épine dans le pied depuis que Suez a placé mercredi cette branche sous le chapeau d'une fondation destinée à la rendre incessible.

"Cette pilule empoisonnée est handicapante pour le projet que je porte et tant qu'elle ne sera pas désamorcée, elle ne le rend pas possible", a admis M. Frérot. Mais "je n'ai pas dit que c'était imparable", a-t-il ajouté, relevant que "les juristes travaillent".

L'idée est de "trouver la parade pour désamorcer la fondation dans les 18 mois. (...) Toutes les voies sont possibles, je n'ai pas la réponse précise à cette question. Mais je peux vous dire que je suis acheteur des 29,9% dans ces circonstances, j'ai suffisamment de confiance pour les acheter", a martelé le PDG.

- Desserrer l'étau -

Il a aussi indiqué qu'il ne céderait pas la branche Eau France de Veolia, au lieu de celle de Suez. "Parce que ce n'est pas mon projet, donc c'est comme ça".

La direction de Suez s'oppose au projet de fusion, selon elle "aberrant" d'un point de vue économique et social et "funeste pour la France". Elle demande quelques semaines pour monter un plan avec des investisseurs alternatifs.

Pour desserrer l'étau, le conseil d'administration a donc approuvé la création d'une fondation, de droit néerlandais, composée de trois administrateurs et dotée d'un droit de regard sur la cession de l'Eau France, grâce au transfert d'une seule action.

Une façon pour Suez de s'imposer dans la discussion sur le sort de son actionnariat, et de préserver l'Eau, coeur de son métier, argumente son président Philippe Varin.

Les juristes de Suez mettent en avant la protection de "l'intérêt social", prévue par la loi Pacte.

Ce type de barrage n'est pas une première puisqu'en 2006, le sidérurgiste Arcelor, alors convoité par Mittal Steel, avait placé une filiale canadienne stratégique sous la protection d'une fondation néerlandaise pour éviter sa cession.

Mais la fondation d'Arcelor "avait été décidée en assemblée générale", objecte le PDG de Veolia, pour qui l'initiative de Suez "témoigne du fait que (celui-ci) n'a pas de contre-projet".

Vendredi soir, les administrateurs d'Engie, qui avaient invité Suez à présenter une contre-offre, devaient de fait se pencher sur un seul projet lors de leur réunion de travail, dans l'immédiat.

L'entreprise dispose encore de cinq jours pour discuter de l'offre de Veolia. Un conseil d'administration ordinaire est d'ores et déjà prévu mercredi après-midi.

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